Après le gros succès du Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil en 1963, plus de 3.5M d’entrées, l’immense Jean Gabin retrouve l’année suivante son complice réalisateur Jean-Paul Le Chanois, avec lequel il avait tourné Les Misérables en 1958, pour le rôle-titre de Monsieur, une réalisation moins ambitieuse qui n’atteindra pas les deux millions de spectateurs en salles. Adapté de la pièce du même nom créée par Claude Gével en 1948, avec Fernand Ledoux en premier rôle, le long-métrage renoue avec l’esprit « vaudeville » de la pièce mettant en scène maris cocus et retournements de situation en pagaille. La seconde partie du film, chez les Bernadac où Monsieur Gabin « joue » au valet de chambre, est ainsi très proche d’une représentation théâtrale avec un espace clos où se déroulent de nombreux gags et quiproquos. Et parmi les acteurs, on retrouve de nombreuses figures du théâtre de boulevard comme Jean Lefebvre dans un petit rôle de détective, Jean-Pierre Darras en proxénète et bien sûr la célèbre Gaby Morlay qui décédera peu après la sortie du film. Actrice fétiche des pièces de Sacha Guitry ayant débuté sa carrière au cinéma dans les années 1910, elle fût un symbole des « années folles » et joue ici la mère de Philippe Noiret qui tient un rôle très proche de celui qu’il aura l’année suivante dans La vie de château.

Mort à crédit

Jean Gabin incarne ici un riche banquier qui décide de se suicider suite au décès de sa femme qui le laisse inconsolable. Mais il est contrarié dans son projet par l’exquise Mireille Darc, une de ses anciennes servantes devenues depuis prostituée, qui lui avoue alors les infidélités de sa veuve… Désirant aider sa sauveuse, notamment en la sortant du milieu, tout en empêchant sa belle-famille (joué par l’hilarant couple formé par Gabrielle Dorziat-Henri Crémieux) de toucher son imposant héritage, « Monsieur » joue alors au truand avec un casse improbable puis au maître d’hôtel… Souvent savoureux, les dialogues sont assurés par Pascal Jardin (père du romancier Alexandre) et la trame de l’histoire est inspirée de la pièce de Gével avec l’appui d’un certain Claude Sautet, alors en difficulté suite à l’échec, commercial, de Classe tous risques réalisé en 1960. Coproduction franco-germano-italienne oblige, le long-métrage dispose ainsi d’un casting international avec notamment l’allemande Liselotte Pulver (Le Temps d’aimer et le temps de mourir) qui joue la femme, inconstante, de Philippe Noiret. En ce qui concerne les italiens, Claudio Gora (Une vie difficile, Confessions d’un commissaire de police…) et Marina Berti (La lame infernale) tiennent des petits rôles.

Sans temps mort mais avec une intrigue sans véritable enjeu, Monsieur vaut finalement surtout le coup d’œil grâce à ses acteurs et à ses dialogues. Même si on est plus habitué à retrouver Jean Gabin dans des compositions de truand ou policier, force est de constater qu’il pouvait tout jouer à la perfection comme ici un majordome loyal.