MOI CHRISTIANE F. 13 ANS, DROGUÉE, PROSTITUÉE…
Christiane F – Wir kinder vom bahnhof Zoo – Allemagne – 1981
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Uli Edel
Acteurs : Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Christiane Lechle, Jens Kuphal, Bernard Janson, Christiane Reichelt…
Musique : David Bowie
Image : 1.77 16/9
Son : Allemand DTS HD Master Audio 5.1 et Français DTS HD Master Audio 2
Sous-titres : Français
Durée : 130 minutes
Editeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 10 janvier 2024
LE PITCH
Berlin, 1975. Christiane a 13 ans. Sa soeur cadette part vivre avec son père, la laissant seule avec sa mère. Déçue par l’apparition de Klaus, le nouvel ami de sa mère, Christiane décide d’accompagner Kessie au « Sound », une discothèque branchée. La drogue est omniprésente dans ce nouveau milieu qu’elle découvre…
Journal intime
Faisant suite au choc considérable provoqué par la découverte du roman biographique du même nom, Moi, Christiane F, droguée, prostituée… marqua tout autant les esprits par son illustration frontale des dégâts de la drogue sur la jeune génération européenne. Un film dossier toujours aussi brutal, mise en garde terrifiante et témoin direct de la trajectoire destructrice d’une vraie gamine, perdue dans les rues de Berlin.
Car malheureusement la petite Christiane F a véritablement existé. Une parmi beaucoup d’autres. Découverte par les journalistes Kai Hermann et Horst ,elle raconta sa terrible descente aux enfers dans le désormais célèbre livre, revenant sur son passage de petite adolescente de 13 ans happée par ces nuits laissée en toute liberté avec sa bande de copains, de fan inconditionnelle du magnétique David Bowie, de ses visites à la boite du coin, à consommatrice occasionnelle de drogues diverses puis d’addict à l’héroïne. Un danger omniprésent dans le Berlin du milieu des 70’s, carrefour de l’underground et de la contre-culture, mais qui reflète tout autant les autres grandes capitales européennes peinant à s’extraire d’années libertaires devenue décadentes et d’un regard trop minimisé sur les dangers de la drogue. En contre-coup des rebellions de leurs parents, le film dessine une nouvelle génération livrée à elle-même, désœuvrée, sans surveillance, et s’enfonçant dans l’autodestruction par manque de barrière éducative franche et des garde-fous sociétaux totalement absents.
Sense of Doubt
Plus encore que dans le livre (qui s’attardait plus longuement sur les rares efforts de lz mère), le métrage de Uli Edel recrée une réalité où seuls existent ces gamins rêvant d’amour fous et de liberté, mais tombant presque aussitôt dans la toxicomanie et par répercussion dans une prostitution, permettant de payer la prochaine dose, de plus en plus éprouvante. Si le film ne manque certainement pas de défauts entre une interprétation très hasardeuse des jeunes acteurs (exceptée la petite Natja Brunckhorst), une écriture imprécise et une structure assez lâche se perdant dans la seconde partie dans une certaine répétitivité, il s’engouffre très efficacement dans la réalité sordide et glauque de ses protagonistes, les suivants caméra à l’épaule dans de longs travellings fiévreux au travers de longs couloirs blafards, de stations de métro inquiétantes et froides, scrutées par les regards avides de clients douteux. Même les fameux morceaux de David Bowie (Station to Station, Heroes, V-2 Schneider…) ou sa scène de concert rafistolée (le look des 80’s pour une affiche période 70’s et une scène et une salle qui collent difficilement) servent plus de témoins d’une époque, d’échos lointains et de contre-points que d’élans stylistiques. Jamais très loin d’une esthétique documentaire, Moi Christiane F. préserve toujours une bonne pudeur avec son sujet, cadrant au plus près les différentes injections, les effets ravageurs de la drogue sur leur corps et leur innocence (la proximité avec des scènes du Zombie de Romero ne sont certainement pas un hasard), mais restant à bonne distance du sujet plus épineux encore de la sexualité.
Un film dossier sans voyeurisme, mais qui sait comment frapper fort et entrainer le spectateur dans cette spirale nauséeuse, jalonnée de jeunes corps morts oubliés, de vies brisées et de destins fracturés. Malheureusement cette mise en garde n’a rien perdu de sa nécessité : les drogues à la mode ont changé, mais par leurs effets à long terme.
Image
Longtemps uniquement distribué sous la forme de copies extrêmement fatiguées, parfois recadrées, et particulièrement sombres, Moi Christiane F. semble totalement changer de visage avec cette remasterisation 4K. Un travail effectué en Allemagne à partir de scans 4K des négatifs et qui a opéré un nettoyage approfondi de l’image. Ici ne persistent que de très rares points blancs, laissant éclater des cadres nets et stables, à même de souligner une définition totalement inédite sur le métrage. Particulièrement appréciable d’ailleurs dans ses effets de profondeur, même s’il faut reconnaitre qu’il nous semble manquer désormais de ce grain marqué et impactant, peut-être un peu trop gommé. Rien à redire cependant en ce qui concerne le traitement des couleurs, impeccable dans les scènes les plus sombres, soulignant les diverses variations de gris et de teintes glauques où seul semble parfois exister le rouge rubis des cheveux de Christiane.
Son
La version française d’origine est proposée dans un DTS HD Master Audio 2.0 plutôt confortable, avec une restitution frontale et ferme, mais qui pèche tout de même par un doublage initial pas très convaincu. La version originale, plus naturelle dans le jeu et la dynamique générale, n’est disponible (à contrario de l’édition allemande) qu’en DTS HD Master Audio 5.1. La restauration y est évidente, les tubes de Bowie résonnent plus puissamment que jamais et imbibent chaque centimètre de la pièce, mais la dynamique ajoutée lors de certaines scènes de rue ou de foule, peut avoir tendance à atteindre un peu trop les échanges dialogués.
Interactivité
En plus de quelques images d’archives du casting des jeunes acteurs, l’édition de Metropolitan propose de retrouver une interview un peu datée, mais pas inintéressante du réalisateur Uli Edel. Il y revient sur le projet d’adaptation, évoque les difficultés inhérentes à ce type de sujets (les jeunes acteurs, le sujet, les lieux de tournages…) ainsi que la réflexion morale liée à l’utilisation de véritables jeunes toxicos croisés sur place.
La rencontre avec l’actrice Natja Brunckhorst est beaucoup plus conséquente et celle-ci se remémore surtout un tournage plutôt plaisant malgré un ou deux passages plus compliqués (la scène du vomi, la rencontre dangereuse avec un véritable « client » en voiture…), les efforts importants de la production pour obtenir les quelques minutes de Bowie sur scène et une première semaine, manifestement pas au point, entièrement retournée par la suite. Elle y discute aussi de l’impact qu’a pu avoir le film sur elle et sur le reste de sa carrière, toujours actrice mais aussi scénariste et réalisatrice.
Liste des bonus
Séances de casting (5’), Entretien avec Uli Edel (12’), Rencontre avec Natja Brunckhorst (27’), Bandes-annonces.