MITRAILLETTE KELLY
Machine-Gun Kelly – Etats-Unis – 1958
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Roger Corman
Acteurs : Charles Bronson, Susan Cabot, Morey Amsterdam, Richard Devon, Jack Lambert, Frank DeKova, …
Musique : Gerald Fried
Durée : 80 minutes
Image : 2.35:1, 16/9ème
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
S-T : Français
Editeur/Distrib. : Sidonis Calysta
Date de sortie : 16 février 2023
LE PITCH
Au début des années 30, George Kelly Barnes, surnommé « Machine Gun Kelly », devient l’ennemi public numéro 1 après un braquage de banque spectaculaire. Poussé par sa compagne, il entreprend alors le kidnapping de la fille d’un magnat du pétrole…
Un gangster pas comme les autres
Troisième long-métrage réalisé par Roger Corman en 1958 (à moins que ce ne soit le cinquième ou le huitième ? Allez savoir avec ce satané Roger!) et premier grand rôle pour Charles Bronson, Mitraillette Kelly rompt avec une certaine tradition du film de gangster et dresse le portrait d’un braqueur de banques froussard, illettré et superstitieux mené à la baguette par une femme fatale bien trop sûre d’elle. Une série B originale, sadique, drôle et menée tambour battant !
C’est en découvrant l’histoire vraie de George « Machine Gun » Kelly Barnes que Roger Corman saisit l’opportunité de mettre à mal la mythologie populaire qui s’était peu à peu construite autour des hors-la-loi et braqueurs de banques de la Grande Dépression. Érigés au rang d’icônes de la contre-culture par un tout un pan de la littérature, de la presse et du cinéma, les Bonnie Parker, Clyde Barrow, John Dillinger, Babyface Nelson et compagnie n’avaient en réalité pas grand-chose à voir avec l’idée que l’on avait fini par s’en faire. Ni cools, ni rebelles à l’ordre établi, ni glamours, ni romantiques, ils n’étaient en fin de compte que des malfrats crève-la-dalle sans la moindre éducation, entraînés dans une spirale de violence par le simple et tragique appât du gain.
Et on en voudra pour preuve la drôle de carrière criminelle de « Machine Gun » Kelly. Loin d’être un génie, ce grand gaillard natif de Cleveland dans l’Ohio s’était taillé une réputation de cancre et de balance et avait été mis sous les verrous une première fois en 1928 pour contrebande d’alcool frelaté. Libéré au bout de trois ans, il épousa en secondes noces une véritable criminelle endurcie, Kathryn Thorne, laquelle prit sur elle de « construire » la nouvelle image de Kelly. Elle acheta à son mari une mitraillette Thomson, le força à s’entraîner au tir et lui fit don d’un surnom en espérant ainsi impressionner la pègre et la presse à l’échelle nationale. Une influenceuse avant l’heure, en quelque sorte. Et c’est encore elle qui vint lui souffler l’idée de kidnapper le magnat du pétrole et de la finance Charles F. Urschel contre une rançon de 200 000 dollars. Trop ambitieux et pas assez intelligents pour couvrir efficacement leurs traces, les Kellys furent vite débusqués par la police et le FBI. S’étant rendu sans un mot de protestation, ni le moindre coup de feu, « Machine Gun » Kelly fut envoyé en prison pour le restant de ses jours comme un garnement que l’on envoie au lit sans son dessert. Son arrestation ne fit même pas la une des journaux, ces derniers étant trop occupés à rendre compte de l’évasion de John Dillinger et de ses complices à Michigan City dans l’Indiana. Quant à son séjour à Alcatraz, il fut plus qu’humiliant, ses voisins de cellule ne perdant jamais une occasion de le rabaisser.
La peur au ventre
Dès le générique d’ouverture, avec ses cartons-titres grossièrement dessinés et animés (nous ne sommes pas loin de la bande-dessinée) et le swing endiablé et jazzy de la bande originale de Gerald Fried, on comprend instantanément que Corman ne compte pas faire de son biopic un film noir classique. En creux, le réalisateur de L’Attaque des crabes géants se moque déjà de son protagoniste principal. L’ironie est au menu, la tendresse viendra avec le pourboire. Faute d’un budget suffisant, impossible de filmer le braquage qui ouvre le film et Corman se retrouve contraint de jouer avec le hors-champ et des ombres portées. Du bricolage qui, par bonheur, s’accorde à merveille avec le refus d’accorder le moindre talent à « Machine-Gun » Kelly. Même les retombées du braquage insistent sur le fait que rien ne tourne dans cet univers de pieds nickelés sociopathes. Kelly manque de tout faire foirer à un contrôle de police juste pour prouver à sa copine qu’il est le mâle alpha puis il malmène un complice avant d’en tabasser un autre qui avait voulu s’offrir (très maladroitement) une avance sur le butin. La construction de ces quinze premières minutes sont exemplaires, tant dans la caractérisation des personnages que dans la mise en scène. On y découvre l’illettrisme de Kelly, sa peur panique de la mort. On comprend aussi en quelques répliques et cadrages l’ascendant de Flo (le nom ici attribué à la vraie Kathryn Thorne) sur Kelly et Corman ne cesse d’insister sur la sauvagerie de ces gangsters en faisant d’un puma en cage un puissant objet de torture et un totem de violence primitive.
Impeccable, le rythme subit pourtant une coupure brutale lorsque la cavale se transforme en huis-clos dans une maison où Kelly et sa bande retiennent une petite fille et sa nurse en otage. Là, la mécanique s’enraye et le film patine méchamment. Tout en tirant à la ligne et en bâclant les scènes où le FBI enquête et où une trahison se dessine, Corman sait qu’il ne peut que se reposer sur le duo Charles Bronson / Susan Cabot pour maintenir l’intérêt. Remplaçant au pied levé d’un Dick Miller initialement prévu, Bronson en impose par son charisme brut de décoffrage et son regard d’animal blessé et humilié. Dominante, mordante, regard de vipère prête à mordre et femme d’instinct bien trop confiante en son propre sex-appeal, Susan Cabot ne cache pas son plaisir à jouer une femme fatale aussi fascinante que profondément détestable. Une garce de compétition qui justifie à elle seule le prix du ticket. Corman a beau s’essouffler dans la dernière ligne droite, son esprit sans doute trop occupé à concocter ses cinquante prochaines séries B, ses acteurs tiennent la barre avec un certain panache.
Image
Au lancement du film, un carton explique que la totalité des éléments récupérés pour livrer la présente édition n’ont pas pu être restaurés. D’où une poignée de scènes abîmées et recadrées et dont la texture vidéo très discutables (on jurerait qu’elles ont capturées au caméscope sur un écran à tube cathodique !) qui jurent avec une copie de très bonne tenue, bien définie et au noir et blanc joliment contrasté.
Son
Le mixage français manque considérablement de pêche et propose un mono d’époque propre mais atone. La version originale fait bien mieux avec des dialogues et une piste musicale claires malgré un souffle lointain et une tendance à saturer dans les aigus.
Interactivité
Axant son intervention sur la biographie du vrai Machine Gun Kelly, la réception critique du film de Corman et ses choix de mise en scène, François Guérif livre en un temps record toutes les clés pour apprécier et comprendre les enjeux du film. Également disponible sur le coffret consacré aux adaptations d’Edgar Allan Poe par Roger Corman, le très bon documentaire Le Monde de Corman : les exploits d’un rebelle hollywoodien est habilement recyclé pour l’occasion. Dommage que ce dernier soit toujours présenté dans sa version française avec un doublage qui en fait des caisses.
Liste des bonus
Présentation du film par François Guérif / Bande-annonce