MISÉRICORDE

France, Espagne, Portugal – 2024
Support : Bluray
Genre : Drame, Policier
Réalisateur : Alain Guiraudie
Acteurs : Félix Kysyl, Catherine Frot, Jean-Baptiste Durand, David Ayala, Tatiana Spivakova, Salomé Lopes…
Musique : Marc Verdaguer
Image : 2.35 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0 mono
Sous-titres : Aucun
Durée : 103 minutes
Éditeur : Blaq Out
Date de sortie : 4 mars 2025
LE PITCH
De retour à Saint-Martial pour assister aux funérailles de son ancien patron boulanger, Jérémie est accueilli par Martine, la veuve du défunt, chez qui il s’installe pour quelques jours. Mais ce séjour qui s’annonçait tranquille bascule rapidement dans l’étrange : une disparition inexpliquée, un voisin au comportement menaçant et un abbé aux intentions troubles viennent semer le doute et transformer cette parenthèse en une expérience aussi déroutante qu’inattendue…
Le poids du silence
Alain Guiraudie poursuit son exploration des désirs inavoués et des amours impossibles avec Miséricorde (2024), un film qui interroge les notions de pardon et de culpabilité. Onze ans après L’Inconnu du lac, Guiraudie s’impose de nouveau comme une voix singulière d’un cinéma LGBT français, osant explorer des territoires encore peu empruntés. Mais dans sa forme, le film risque d’en dérouter plus d’un.
Dès son titre, Miséricorde pose la question du pardon : peut-on et doit-on pardonner les coupables, quelles que soient leurs motivations ? Volant presque la vedette au protagoniste (Félix Kysyl), le personnage du prêtre, incarné par Jean-Charles Clichet, cristallise ce dilemme, pris entre sa foi, ses responsabilités et son propre désir qu’il peine à assouvir. Selon les mots du réalisateur, c’est cette absence de satisfaction physique qui confère à ce désir une éternité presque mystique. Guiraudie continue ici à explorer des histoires d’amour et de passion peu représentées au cinéma, s’inscrivant dans la continuité de L’Inconnu du lac. Le réalisateur s’intéresse aux élans du corps et de l’âme, aux tensions entre ce que l’on veut, ce que l’on ose et ce que l’on s’interdit. Ce prêtre, confronté à des pulsions qu’il ne peut réprimer, devient le symbole d’un combat intérieur, porté par une mise en scène où le silence pèse autant que les mots. Cette thématique du désir non assouvi traverse tout le film, donnant naissance à des situations à la fois subtiles et déchirantes. On y voit des amours impossibles, des gestes retenus, des regards lourds de sens. Cette retenue, justement, rend les rares instants de proximité encore plus intenses, créant une tension permanente entre le sacré et le profane.
Tout pardonner ?
Si le propos de Miséricorde est d’une grande profondeur, la forme choisie par Guiraudie laisse une impression plus mitigée. Le village où se déroule l’intrigue apparaît comme une bulle hors du temps : le curé y porte encore la soutane, image presque archaïque, tandis que les voitures sont des modèles récents. Cette discordance pourrait enrichir le film, lui donner une dimension onirique comme un conte détaché de toute réalité chronologique. Mais Guiraudie ne pousse jamais vraiment cette abstraction jusqu’au bout. Au lieu d’explorer cette étrangeté et d’en faire un moteur de poésie ou de mystère, le film reste figé dans une forme d’inertie. Guiraudie opte pour une direction d’acteurs volontairement monocorde, flirtant parfois avec le non-jeu. Si ce parti pris peut se comprendre dans l’idée de personnages intériorisés, il finit par desservir l’émotion. Même Catherine Frot, pourtant si juste, semble ici sous-exploitée. Plus archétypes que véritables individus, les personnages apparaissent souvent comme des présences spectrales. Cette absence de chair et de relief empêche toute véritable identification et rend difficile l’implication du spectateur. La caméra, désespérément fixe, accentue cette impression de distanciation. Certes, Guiraudie maîtrise l’art du cadre, mais cette précision géométrique se fait au détriment de la vitalité du récit. Le film se veut contemplatif, mais il glisse parfois vers une forme de froideur désincarnée, comme s’il craignait de se laisser aller à la passion qu’il décrit pourtant si bien. Dans le même ordre d’idée, le film pèche par excès de dialogue. À l’exercice du “show, don’t tell”, Miséricorde échoue en multipliant les scènes trop explicatives et les échanges verbeux. La parole prend trop souvent le pas sur l’image, alourdissant un récit qui aurait gagné à davantage de suggestions.
En définitive, Miséricorde nous met face à un dilemme. Son propos, à la fois courageux et profond, ne manque pas d’intérêt, mais l’objet cinématographique lui-même souffre de choix formels discutables. C’est peut-être là la plus grande frustration : malgré la richesse de son sujet et la singularité de son univers, le film ne parvient jamais à pleinement embrasser sa propre audace. Il reste en retrait, prisonnier d’une forme trop froide et trop rigide, empêchant le spectateur de s’abandonner à l’émotion qu’il aurait tant voulu éprouver.
Image
Tourné en numérique avec les caméras Red Raptor, reconnues pour leurs performances techniques de très haut niveau, Miséricorde bénéficie d’une image d’une précision exceptionnelle. La Red Raptor se distingue par son capteur Vista Vision 8K, offrant une définition impressionnante, une plage dynamique étendue et une restitution des couleurs d’une richesse remarquable. Ces qualités permettent ici de sublimer les somptueuses teintes automnales qui traversent le film, restituées avec une fidélité et une profondeur saisissantes sur ce Bluray. Le master proposé atteint une qualité irréprochable : les détails sont d’une netteté exemplaire, les contrastes parfaitement équilibrés, et la colorimétrie d’une justesse rare. Chaque plan profite de cette captation haut de gamme, permettant d’apprécier pleinement la beauté de la photographie de Claire Mathon. En somme, cette édition Blu-ray se hisse au niveau des exigences qu’un film aussi récent et soigné pouvait légitimement susciter.
Son
Le disque propose deux pistes DTS-HD Master Audio, en 5.1 et 2.0, offrant ainsi le choix selon votre installation. La piste 5.1 se distingue par une spatialisation immersive et un équilibre parfait entre dialogues, musique et effets, créant une scène sonore riche et enveloppante. La version 2.0, quant à elle, conserve une excellente clarté et une dynamique soignée, idéale pour les configurations stéréo. Dans les deux cas, la précision du mixage assure une expérience d’écoute de haute qualité, à la hauteur de l’excellence visuelle du Bluray.
Interactivité
Seul supplément de cette édition, cet entretien de 30 minutes avec le réalisateur Alain Guiraudie s’impose comme un complément précieux au film. Le cinéaste y dévoile avec honnêteté ses secrets de fabrication, revenant sur ses intentions et ses choix artistiques. Il confie avoir eu le titre du film en tête dès le départ, avec la volonté de pousser jusqu’au bout le concept de miséricorde — un thème qui imprègne chaque scène. Fidèle à son style souvent à contre-courant, Guiraudie assume ses obsessions et ses méthodes. Cette sincérité désarmante fait de Guiraudie un cinéaste profondément honnête, si bien qu’on lui pardonne tout. Un parfait exemple de miséricorde !
Liste des bonus
Entretien avec Alain Guiraudie (30’).