MIDSOMMAR
États-Unis, Suède – 2019
Support : UHD 4 & Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Ari Aster
Acteurs : Florence Pugh, Will Poulter, Jack Reynor, William Jackson Harper, Vilhelm Blomgren, Ellora Torchia
Musique : The Haxan Cloak
Durée : 147 min
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Metropolitan Films
Date de sortie : 1er septembre 2023
LE PITCH
Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans et se déroule dans un village suédois isolé. Mais ce qui commence comme des vacances insouciantes dans un pays où le soleil ne se couche pas va vite prendre une tournure beaucoup plus sinistre et inquiétante.
Bienvenue en Suède
Un an après Hérédité, premier film du réalisateur américain Ari Aster sortait Midsommar. Un cauchemar familial maîtrisé sur la forme, infligeant des images difficiles à oublier et imposant d’emblée son statut d’œuvre surprenante et dérangeante, portant le savoir-faire du jeune metteur en scène parmi ce que le cinéma d’horreur a de mieux à proposer actuellement. Il récidive avec Midsommar, un drame de presque 2h30 qu’il scénarise également et qui témoigne, encore, de l’audace et du talent artistique du bonhomme.
Dani est une jeune femme dépressive, angoissée, qui après la réception d’un mail inquiétant de sa sœur craint le pire. Elle appelle alors son petit ami Christian, thésard en anthropologie, qui passe son temps loin d’elle avec des camarades de thèse, qui lui conseillent d’ailleurs de larguer cette fille trop fragile et qui passe son temps à le harceler au téléphone. Manque de bol, le pire a bien lieu. Et Dani perd toute sa famille suite au suicide de sa sœur, qui emporte aussi ses parents. Elle est dévastée. Apprenant alors par accident que Christian prévoyait de partir en Suède pour son sujet de thèse, celui-ci est obligé de lui proposer de l’accompagner. Leur destination ? Une communauté retirée, dont l’un des camarades du jeune homme est originaire. Sur place, les étudiants vont se retrouver dans une nature préservée, loin de leur quotidien urbain où, entre deux joints, leurs très accueillants hôtes vont leur proposer de participer à une fête ancestrale qui n’a lieu que tous les 90 ans. Parmi ses ingrédients, un ours en cage, un temple interdit et des réponses laconiques, nébuleuses à toutes leurs questions. On sent l’indicible tapi dans l’ombre et qui n’attend qu’une chose, c’est de fondre sur ses malheureuses victimes. Oui. Et non.
Entrez dans la danse
Comme le laissait supposer son affiche, impossible de ne pas penser à The Wicker Man (celui des 70’s, pas son immonde remake avec un Nic Cage plus grimaçant que jamais) devant Midsommar. Un fait dû vraisemblablement à la présence de cette croix fleurie, rappelant le culte païen auquel était victime le policeman bigot et puceau du film de Robin Hardy. Mais ici, et c’est une des premières surprises du script, aucun culte quelconque. Pas de divinité ensoleillée ou ténébreuse. Il est plutôt question de grande tablée au sein d’une nature accueillante et lumineuse, de nuits passées dans un immense dortoir où chacun à son lit, de danse, de chant, de musique. D’art en fait, à l’image de ces fresques (racontant déjà toute l’histoire) qui recouvrent l’ensemble des habitations de cette communauté retirée aux coutumes ancestrales et qui s’opposent, évidemment, au monde tel que le connaissent ses invité(e)s. Ceux qui ont vu Hérédité le savent déjà, Ari Aster aime prendre son temps, poser son atmosphère, chose dont il use (et abuse diront certains) avec son dernier film. Il faudra ainsi de longues minutes d’exposition au sein de la communauté et de son folklore avant de sombrer dans l’horreur à l’issue d’une scène choquante qui va faire basculer le groupe d’étudiants en enfer.
Que la bête meurt !
Comme pour Hérédité, qui a et continue de diviser la toile, Midsommar risque de laisser quelques spectateurs sur le carreau. Déjà parce qu’il n’est pas, malgré ses scènes parfois très choquantes, un film d’horreur à proprement parler. Ensuite parce que son côté « arty » (on pourrait en discuter pendant des heures) et certaines de ses scènes qui frôlent dangereusement le ridicule (pour peu qu’on ne se laisse pas embarquer) seront certainement éliminatoires pour certains. Enfin, parce qu’il est relativement prévisible dans sa narration. On sait ce qui va advenir des étudiants (même si pratiquement tout aura lieu hors champ), on sait que Dani sera couronnée Reine de Mai, on sait (presque) comment tout cela va finir. L’intérêt est donc ailleurs. Dans la forme, où la science du cadre d’Aster et ses choix esthétiques explosent littéralement à l’écran. Certains plans étant de véritables tableaux se vivant même comme tels, renforcés par la musique, presque mystique, de The Haxan Cloak. Dans l’écriture de son personnage principal, Dani donc (formidable Florence Pugh, touchante et fragile), qui va devoir vivre, voir revivre, son deuil en se confrontant à différents chocs successifs. Et surtout dans le fond, instillé dès son premier plan dans l’opposition qu’Aster met en place entre nature et technologie (le coup de fil qui rompt le silence de la nuit, tous les moyens de communication modernes qui n’apportent au fil de la narration que peine et mort), entre cette communauté familiale où tout le monde vit ensemble et nos familles éclatées, absentes, éloignées, que nous connaissons tous. Et enfin entre Dani et son « boyfriend » (dont le prénom, Christian, renvoie aussi à la principale occidentale), jeune homme égoïste, lâche, presque incapable de sentiment (il réagit à peine aux disparitions successives de ses amis) qui serait donc la véritable bête tapie dans l’ombre. Il suffit d’ailleurs d’observer attentivement les étranges tableaux de l’appartement de Dani dès l’introduction pour y récupérer un précieux indice.
Midsommar est donc un film inhabituel. Dont la longue et lente montée en puissance, vers la renaissance de son héroïne (qu’on pourrait rapprocher du très réussi The Witch de Robert Eggers) sera un véritable chemin de croix pour les uns. Pour les autres, une expérience artistique et sensitive, aux nombreux sous-textes intéressants (qui ouvrent en plus des abîmes de réflexion sur notre société actuelle), comme rarement le cinéma a encore l’audace de nous en proposer. On peut passer à côté ou appeler ça un chef d’œuvre.
Image
Filmé avec le monstre digital de Panavision, la caméra Millennium DXL2 en 8K et recalibré en 4K, Midsommar est enfin disponible en France sur support UHD. Le disque proposé par Metropolitan pour le montage cinéma est extrêmement performant, restituant avec majesté les angles larges, les perspectives hypnotiques et la profondeur obsédante, sans jamais perdre de vue les textures naturelles, le piqué pointilleux et une palette de couleurs ultra lumineuses et vives. Éclatant.
Son
L’atmosphère malaisante de Midsommar repose autant sur les compositions pseudo folkloriques et tendues de Bobby Krlic que sur la richesse beaucoup plus discrète des ambiances naturelles (insectes, vent) qui viennent évoquer la notion d’un paradis lointain. Les DTS HD Master Audio 5.1 (attention la vf très moyenne n’est disponible que sur le montage cinéma) en restituent toutes les intentions avec une la clarté attendue et un équilibre bien balancé avec des dialogues dynamiques.
Interactivité
Proposé dans certaines salles américaines, le Director’s Cut du film est bien entendu toujours le premier argument quantitatif de l’édition même s’il reste ici cantonné à son propre Bluray dédié. Cette version plus longue de vingt-cinq minutes fut raccourcie pour sa première sortie afin de le rendre légèrement plus accessible et plus directement horrifique. Ce premier montage se montre donc pas forcément plus fourni en détails flippants et graphiques, mais plutôt en images contemplatives (souvent rallongées) ou proposant des détails plus ambivalents comme une cérémonie nocturnes inédite avec un enfant sacrificiel ou des instants plus clairs sur le caractère crispant de Christian. Beaucoup plus équilibré et évocateur, mais effectivement sans doute difficilement abordable pour une partie des spectateurs qui trouvaient que déjà l’opus avait tendance à être longuet. Ici on pencherait une fois encore pour le « plus c’est long, plus c’est bon ».
Un peu dommage cependant que les seuls bonus proprement dit soit un montage accéléré de la construction du décor et un simple making of ne dépassant pas les trente minutes. Quelques échanges intéressants sur les origines du film, le choix du casting et la construction des décors, mais cela reste tout de même un peu trop formel et sage.
Liste des bonus
Version Director’s Cut (171’), Making of (25’), La Construction du village (33’), Bandes-annonces.