MEURTRE PAR INTÉRIM

Un posto ideale per uccidere – Italie – 1971
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Umberto Lenzi
Acteurs : Irene Papas, Ray Lovelock, Ornella Muti, Michel Bardinet
Musique : Bruno Lauzi
Durée : 90 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-Titres : Français
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 juillet 2022
LE PITCH
À Copenhague, Ingrid Sjoman et Dick Butler forment un jeune couple de marginaux qui subsiste tant bien que mal en vendant à la sauvette des revues et photos pornographiques. Ils décident de partir en Italie, dans l’espoir de gagner plus d’argent. Là-bas, en Toscane, recherchés par la police, ils trouvent refuge dans une vaste villa isolée, près de Florence, où vit Barbara Slater, femme issue d’un milieu aisé. Si, dans un premier temps, celle-ci se montre hostile à leur égard, ils finissent par se faire accepter d’elle sans imaginer dans quel traquenard ils sont tombés…
Que jeunesse se passe
Diffusé rapidement en France dans les années 70 puis gentiment oublié malgré la présence d’une déjà sublime Ornella Mutti, Meurtre par intérim est une nouvelle preuve que les contours du giallo siéent à merveille au cinéma aléatoire mais vivace d’Umberto Lenzi.
Certainement que la crète artistique de l’opportuniste (comme tant d’autres) Umberto Lenzi, le giallo lui aura permis d’affirmer un style roublard mais précis, de profiter de ses errances pour approfondir ses atmosphères, piochant dans sa cinéphilie pour mieux copier ses contemporains. Souvent mis de coté dans une liste qui comprend des titres plus ou moins mémorables comme Si douces, si perverses (1969), Paranoïa (1970), Le Tueur à l’orchidée (1972), Le Couteau de glace (1972) ou Chats rouges dans un labyrinthe de verre (1975), Meurtre par intérim ne se rattache au genre presque que par dépit. Lenzi espérait pouvoir signer son « Easy Rider » plein de bruits et de fureurs en suivant la virée d’un jeune couple rebelle revendant de la drogue entre le Danemark et l’Italie pour acheter sa liberté, il en sera quitte à cause d’un producteur, Carlo Ponti trop frileux, pour en faire un petit détour italien pour deux fournisseurs de photos pornos sous le manteau. Beaucoup moins révolutionnaire. Surtout qu’à l’époque la pornographie n’est même plus poursuivie par la loi en Italie. Pas mieux du coté du casting où le cinéaste rêvait de la chanteuse lyrique Anna Moffo, avant de devoir se rabattre sur une Carroll Baker qui finalement démissionnera quelques jours avant le début du tournage, obligeant à engager l’excellente actrice grecque Irène Papas malgré son refus de se dénuder devant la caméra. Pour elle comme pour la toute jeune Ornella Muti (alors seulement âgée de 16 ans) il en sera quitte pour des doublures corps, compliquant naturellement le tournage des séquences les plus chaudes.
Soirée lounge
Film en constant compromis, en constante réinvention forcée, voir même en réécritures successives, Meurtre par intérim est forcément marqué par des soucis de rythme avec la présence de séquences de remplissage (en particulier durant la première partie), par quelques incongruités scénaristiques et quelques détails peu crédibles, pourtant il y gagne aussi son identité propre. Débutant comme une évocation libertaire d’une jeunesse s’efforçant de se réapproprier le monde, de se moquer ouvertement des bonnes mœurs de la haute société italienne et de sa bourgeoise catholique parfaitement hypocrite, le film bifurque lorsque poursuivis par la police les deux jeunes gens (avec le fougueux Ray Lovelock) se réfugient dans la villa cossue d’une certaine Barbara Slater. Une femme mure mais séductrice qui aurait pu être victime d’un home invasion si elle-même n’avait pas en tête un projet des plus troubles. Pas de tueur masqué, pas de crime rituel, une seule victime, mais une ambiance sulfureuse et un huis clos étouffant qui rejoint les codes plus psychologiques du giallo de machination. Teinté d’une ironie acide, Meurtre par intérim retourne les élans de la jeunesse contre elle, fait plier leur vision d’une sexualité libre et inverse les pouvoirs de séductions et les transforme en coupables idéaux, en boucs émissaires sacrifiables au bénéfice d’une femme, adulte, à l’image plus honorable.
Un thriller sombre et cruel à l’atmosphère joliment tendu, parsemé de petites trouvailles visuelles (l’évocation du crime où les images contredire le témoignage oral) rappellent que le très inégal Umberto Lenzi pouvait être un excellent artisan, peut-être plus encore lorsqu’il était mis en difficulté.
Image
Encore une superbe restauration dégottée par Le Chat qui fume, pour un film rare voir inédit en France depuis sa courte distribution en salle, qui affirme donc une image parfaitement propre (en dehors d’un court photogramme moucheté), stable et aux couleurs généreusement réhaussées. Une photographie solaire admirablement gérée, auréolée de superbes reflets argentiques et retrouvant le grain de pellicule d’origine. Un grain qui effectivement se montre un peu agressif dans les scènes nocturnes, mais qui ne gâche jamais vraiment l’expérience.
Son
Pas franchement folichonne, la version française est bien présente mais avec une source assez écrasée et vieillissante. Bien plus nette, la version originale dans un même DTS HD Master Audio 2.0 diffuse avec clarté les dialogues tout en laissant une place plus énergique aux musiques de Bruno Lauzi.
Interactivité
Avec un packaging toujours aussi réussi (fourreau cartonné, digipack trois volets, visuel élégant), Le Chat qui fume nous propose une édition de belle qualité rejointe dans les bonus par une ancienne interview du loquace Umberto Lenzi. Le réalisateur ne cache pas sa déception quant à la genèse du film et souligne sans détour les défauts persistants. Il revient donc sur la genèse compliquée du film et un projet en constante mutation, devant faire avec les volontés du producteur et de ses actrices. Un personnage toujours aussi sympathique qui sait rendre son film plus attachant encore. La section s’achève par quelques « scènes coupées » qui sont en fait de cours inserts plus corsés sans doute tournés et ajoutés par des distributeurs peu scrupuleux.
Liste des bonus
Le crime imparfait avec Umberto Lenzi (23’), Scènes coupées, Film Annonce.