MEURTRE DANS UN JARDIN ANGLAIS
The Draughtsman’s Contract – Royaume-uni – 1982
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Thriller, Historique
Réalisateur : Peter Greenaway
Acteurs : Anthony Higgins, Janet Suzman, Anne-Louise Lambert, Hug Fraser, Neil Cunningham, Dave Hill
Musique : Michael Nyman
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 103 minutes
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 30 juin 2023
LE PITCH
Au XVIIe siècle, une aristocrate, profitant de l’absence de son mari, engage un peintre pour immortaliser son domaine. En dédommagement, elle lui offre la totale jouissance de son corps. L’artiste découvrira trop tard les buts secrets de cet agréable contrat.
Nature morte
Premier long métrage de fiction et premier coup de maitre pour Peter Greenaway (Zoo, The Baby of Mâcon, The Pillow Book…) qui rejoue avec talent l’enquête formaliste à la Blow Up dans le décor aristocratique de la campagne anglaise. Le secret est caché dans le cadre. Le vert est dans la pomme.
Dès ses études d’arts et ses premiers courts métrages, Peter Greenaway se fait remarquer par ses démarches maniaques, par l’intégration consciencieuse et lumineuse de ses connaissances en histoires de la peinture, sa fascination pour les listes et la minutie encyclopédique, dans ses constructions picturales et son montage. En ce sens, son premier vrai long métrage est clairement un aboutissement de cette ligne car plus que jamais dans Meurtre dans un jardin anglais, tout est affaire de détails. Des détails présents dans les dessins que composent Mr Neville, mondain arrogant et artiste aussi talentueux qu’intransigeant, commandité par la maitresse de maison en échange de ses prestations sexuelles. Des tableaux qui capturent la structure des bâtiments et des jardins, mais où chaque jour, et malgré les exigences de Neville, apparaissent quelques éléments impromptus qui dénotent un dérèglement en cours. Ici le cadre de bois qui permet au dessinateur de reproduire avec précision le monde qu’il observe, remplace directement l’objet de l’appareil photo de Blow Up d’Antonioni. L’image dans l’image et la quête d’une évidence qui se dérobe sans cesse, alors que tout ou presque, et déjà sous nos yeux. La première astuce de Meurtre dans un jardin anglais est justement de plier cette notion de cinéma vérité contemporaine à un décorum historique rigoureux, tout en démultipliant son potentiel en y croisant de profondes réflexions sur les courants artistiques de l’époque, les techniques du graphismes, mais aussi les transformations profondes que connait l’Angleterre du 17ème siècle et la place sociale et économique qu’est en train d’y prendre la femme.
Triste quadrille
Il y a bien ici un traquenard, un piège machiavélique tendu, mais où le suspens habituels du whodunnit est laissé à distance, au profit d’une fatalité de plus en plus prégnante. Greenaway ne construit pas un cinéma de la passion et de l’exubérance, mais une œuvre froide, cérébrale, à l’esthétique raffinée et subtile où les intérieurs renvoient directement aux merveilles de Barry Lyndon et les extérieurs à l’atmosphère de la peinture flamande. Les plans, sublimes, sont construits avec une méticulosité malade, la photographie d’une clarté presque aussi enjouée que les compositions entêtantes (et inoubliables) de Michael Nyman (La Leçon de piano, Vorace…), la reconstitution historique riche et noble… Mais comme l’indique admirablement les échanges entendus lors de la soirée mondaine qui ouvre le film, l’élégance de la langue et des apparats ne dissimulent que bien mal une bêtise crasse, une méchanceté partagée et une vulgarité sidérante. D’où alors ces longs plans qui laissent le loisir aux dialogues de s’étaler allégrement, là aussi avec toutes les fioritures dont peut faire preuve la langue shakespearienne, afin que leurs véritables buts, leurs sous-entendus constants et les tensions qu’elles reflètent jaillissent avec clarté.
Derrière la beauté incommensurable de la toile de maitre, derrière cette scène habituée par les acteurs / personnages apprêtés et en constante représentation, pourrissent inéluctablement morale et honnêteté jusqu’à l’ultime acte barbare. L’humour noir de Greenaway fait déjà des ravages, sa fascination pour la pourriture et la charogne tout autant.
Image
Si le nouveau master 4K est bel et bien déjà disponible en Angleterre, Le Chat qui fume s’offre en première exclusivité une sortie sur disque UHD. Ce nouveau scan à la source se trouve un écrin plus éclatant encore, avec une définition admirable, une profondeur inédite et un traitement des couleurs plus chauds et vibrants que jamais. Grain et argentiques retrouvent toute leur flamboyance, même si on ne peut que remarquer quelques scories encore présentes (points blancs essentiellement) et quelques plans (mais rares) parfois plus tendus, avec un grain qui tire vers le neigeux et un passage de nuages qui entraine bizarrement un rougeoiement des visages. Si c’est le prix à payer, pour un ensemble exceptionnel, soit.
Son
Versions anglaise et française sont de très bonnes tenues techniques. Les stéréos d’origines sont proposées dans des DTS HD Master Audio 2.0 clairs et stables. Au vu de la composition des plans et de l’atmosphère du film, il n’est pas étonnant que l’on reste centré sur les avants, mais avec un équilibre toujours bien prononcé entre les dialogues et la source musicale. Naturellement la version anglaise sonne mieux autant dans les accents que dans le naturel.
Interactivité
Serti dans l’habituel digipack cartonné avec fourreau, l’édition de Meurtre dans un jardin anglais se compose d’un disque UHD et d’un disque Bluray. C’est sur ce dernier, en plus d’une copie du film bien entendu, que se trouve le vaste programme de bonus. L’essentiel de l’édition des voisins de la BFI avec de très intéressants documents d’archives comme ces quelques images de tournages, ces quelques interviews captées dans les coulisses ou cette rencontre télévisée avec le compositeur Michael Nyman. Une bonne façon d’approcher la méthode et le travail de Greenaway, dont on retrouve la longue présentation du film qu’il avait enregistré pour une ancienne édition DVD. Les origines du film, les thèmes principaux, ses réflexions préalables sont évoquées. On trouve aussi ici quatre scènes coupées, plus ou moins longues, qui scrutent surtout le quotidien de la demeure.
Quel dommage cependant que l’éditeur français n’ait pas pris le soin de sous-titrer les trois courts métrages rarissimes du metteur en scène. Un portrait presque mathématique d’une famille anglaise, un long portrait déstructuré d’un ornithologue et le portrait de la designer de mode Zandra Rhodes, qui attestent autant de ses obsessions structurelles que de sa maitrise novatrice du montage.
Le programme s’achève sur le long métrage documentaire The Greenaway Alphabet, dialogue intime avec le cinéaste mené par sa fille et filmé par son épouse, qui alterne les questions personnelles (la distance imposée avec ses premières filles), son rapport à l’art, à la peinture, au cinéma et des réflexions plus métaphysiques sur l’amour, la civilisation, la vie et la mort. Un film construit un peu « à la manière de » et qui dessine le portrait d’un monsieur complexe, charismatique, voir un peu antipathique aussi, ambiguë, mais définitivement artiste.
Liste des bonus
Introduction par Peter Greenaway (10’), Interview de Michael Nyman (7’), Interview de Janet Suzman, Peter Greenaway et Anthony Higgins (5’), Les coulisses du tournages (5’), Scènes coupées (11’), Documentaire The Greenaway Alphabet (60’), Courts métrages H is For House (9’), A Walk Throught H (42’), Insight : Zandra Rhodes (15’), Bande-annonce.