MEMORIES
メモリーズ – Japon – 1995
Support : Bluray & DVD
Genre : Science-Fiction, Animation
Réalisateur : Kôji Morimoto, Tensai Okamura, Katsuhiro Ôtomo
Acteurs : Tsutomu Isobe, Shouzou Lizuka, Hideyuki Hori, Ken’ichi Ogata, Yuu Hayrashi, Keaton Yamada…
Musique : Yôko Kanno, Jun Miyake, Hiroyuki Nagashima
Image : 1.78 16/9
Son : Japonais et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 113 minutes
Editeur : Dybex
Date de sortie : 18 juin 2024
LE PITCH
« La rose magnétique » est inspirée d’un manga d’Otomo. On y découvre l’histoire de deux voyageurs de l’espace qui captent un signal de détresse et découvrent un monde magnifique né des souvenirs d’une femme.
Dans « La bombe puante » un jeune chimiste est transformé accidentellement en une arme biologique invincible qui prend Tokyo pour cible.
« Chair à canon » dépeint une journée dans la vie d’une cité organisée autour d’une unique activité : tirer au canon sur un ennemi inconnu.
Triptyque
Profitant de l’impact planétaire et de la révolution, autant artistique que dans la perception de l’animation japonaise par le reste du monde, du chef d’œuvre Akira, Katsuhiro Otomo signait six ans plus tard, avec quelques collaborateurs aussi réputés que Koji Morimoto ou Satoshi Kon, un autre fleuron du genre : Memories. Un film à sketch imposant, spectaculaire, expérimental, pessimiste et éblouissant.
Malgré la stature que lui a permis d’obtenir la reconnaissance incomparable de son œuvre phare Akira (manga et long-métrage), Katsuhiro Otomo n’a jamais été homme à tirer toute la couverture vers lui. Il a d’ailleurs régulièrement œuvré comme producteur (Roujin Z), superviseur (Spriggan), mais il a surtout montré une réelle appétence pour le film à sketchs. Avant Memories, il y avait ainsi déjà eu le passionnant Neo Tokyo (partagé avec les talentueux Rin Taro et Yoshiaki Kawajiri) et l’opulent mai inégal Robot Carnival, signés par tous les jeunes talents de l’époque ou presque. Véritable prolongement de ceux-ci autant dans ses ambitions, dans son approche à la fois très libre mais résolument tourné vers un imaginaire relativement sombre et adultes, que dans une équipe que l’on pourrait presque voir comme l’écurie Otomo, Memories pioche ainsi trois récits dans le recueil Kanojo no Omoide de l’auteur, sortes d’œuvres de jeunesses mais qui exploraient déjà des thématiques profondément ancrées dans son univers : la dangerosité de la technologie, la décadence des élites, l’aveuglement militaire et plus généralement des sociétés en voie d’effondrement. C’est là les seuls liant entre les trois chapitres qui composent le film, avec bien entendu des exigences techniques impressionnantes et une réussite artistique exemplaire. Avec les studio 4°C (Amer Beton, Berserk, Les Enfants de la mer…) et Madhouse (Ninja Scroll, La Traversée du temps, Death Note…) à la manœuvre, l’animation est toujours sublime et la réalisation maitrisée.
La preuve par trois
Mis en avant sur l’affiche et souvent le segment le plus cité par les spectateurs, Magnetic Rose est certainement le plus poétique, suivant la découverte par des « éboueurs » de l’espace d’une station entièrement dévouée à la mémoire d’une grande chanteuse d’opéra d’autrefois. Réalisé par Koji Morimoto (Macross Plus, Animatrix), le space opera se transforme en réinvention SF de la fameuse maison hantée où les hologrammes remplacent les spectres et où le décors baroques glissent graduellement vers le lowtech. Intense, inquiétant et fascinant, le mini-film permet aussi au jeune Satoshi Kon, futur réalisateur de Perfect Blue ou Paprika, d’insuffler dans son scénario adapté un jeu entre le réel et l’imaginaire dont il deviendra rapidement un spécialiste. Un voyage porté par l’opéra symphonique composé par Yoko Kanno (Cowboy Bebop), qui se veut mélancolique et où derrière la décrépitude d’une station spatiale dévorée par les regrets, se distille un regard déchirant sur la mémoire et le deuil.
Peut-être un peu plus classique dans son apparence, affichant le plus nettement le style graphique d’Otomo mais aussi reprenant une construction en forme de course folle à la destruction déjà vue dans les dernières séquences d’Akira ou dans le délirant Roujin Z (avec son vieillard mécanisé), le Stink Bomb de Tensai Okumura (que l’on retrouvera ensuite sur la série Evangelion) n’en est pas moins détonnant dans sa description d’une apocalypse virale ravageuse et sa tonalité presque joyeuse et parodique. Une chanson bien déconnante insuffle un rythme soutenu à cette fable très noire où un gentil laborantin tente de rejoindre les dirigeants de sa firme à la capitale, ne se rendant jamais compte qu’il est le foyer infectieux qui détruit tout sur son passage. Une catastrophe qui avance sans faiblir, faisant tomber les hommes autour d’elle, faisant renaitre une nature luxuriante et déviant balles, missiles et toutes autres tentatives de l’éradiquer. Otomo, également scénariste ici, en profite pour fustiger la classe politique et les forces militaires japonaises, mais aussi l’ingérence américaine, tout ce beau monde se montrant d’une inutilité confondante. Cruel et hilarant.
C’est bien entendu Otomo en personne qui clos le programme avec le très atypique Cannon Folder, fable hors du temps sur la simple journée d’un père de famille et de son petit garçon dans une gigantesques cité steampunk entièrement dévouée à l’industrie militaire, la confection d’obus et de cannons, et les tirs incessantes en direction d’un ennemi invisible… sans doute inexistant. Une métaphore sur les civilisations contemporaines claires comme de l’eau de roche où pointe encore une fois une vision pessimiste de l’être humain, sa fascination pour l’autorité absurde et la transmission de l’endoctrinement. Mais le sketch est habillé d’une esthétique presque européenne dans son omniprésence du trait, des contours et des formes grotesques (on pense inévitablement à Paul Grimault autant qu’à Moebius) et surtout s’apparente à un véritable tour de force puisqu’il n’est constitué que d’un seul et unique plan séquence. Certes quelques artifices ont été imaginés pour tricher sur certaines transitions, mais la réalisation toute en fluidité, suivant inlassablement toujours le même mouvement jusqu’au noir de fin affirme autant le message de ce dernier qu’il souligne la démesure inégalée du cinéma d’Otomo, transformant ici un sujet presque simple en véritable casse-tête technique nécessitant des toiles de décors gigantesques et des trésors d’inventivité d’animation. Somptueux tout simplement.
S’il n’a malheureusement pas connu le même retentissement qu’Akira en 1995 et du même passé dans de nombreux pays uniquement par la case de la sortie vidéo (la première sortie cinéma en France date de 2022 pour cette version restaurée justement), Memories a définitivement marqué les esprits et le cinéma d’animation par ces trois tableaux aux styles et aux approches totalement différentes, mais toutes habitées par une même quête d’exigence et une puissance cinématographique incomparable.
Image
Dybex propose une très belle copie HD de Memories. Un master manifestement restauré à la source qui impose des cadres intensément nettoyés, mais où les spécificités d’un anime à l’ancienne (sur cellulos donc) ne sont jamais gommées. On perçoit encore quelques légères traces, quelques contours ou collage de couches, mais aussi et surtout ce léger grain, très fin et organique, qui donne toute sa saveur aux matières et aux couleurs. Ces dernières sont fermes, contrastées et éclatantes. Le seul souci visible ici provient alors des quelques plans en images de synthèse de Magnetic Rose qui ne furent alors pas produits en haute définition (nous étions en 95, aux débuts de la technique) et qui dont n’ont pu être restaurés aussi efficacement et dont la SD a été boostée pour s’inscrire dans le reste du métrage.
Son
Fut un temps où les films de ce type étaient des évènements en salles de cinéma et profitaient même de doublage de qualité. Memories reste assez solide de ce côté-là même si on préfèrera forcément la version originale qui affirme un DTS HD Master Audio 5.1 aussi précis et clair qu’ample et dynamique. On redécouvre littéralement de nombreux détails sonores qui incarnent le vaisseau fantômes dans Magnetic Rose et une dynamique incroyablement fluide pour le dernier segment, venant souligner le dispositif de la mise en scène.
Interactivité
Proposé dans un premier temps sous la forme d’un coffret A4 ultra collector (et particulièrement couteux) Memories revient dans un plus sobre, mais élégant Steelbook. Plus de goodies en papier et carton au programme mais les bonus vidéo restent les même avec en premier lieu la video preview produites au Japon pour la sortie du film. On y voit les trois réalisateurs parler de l’ensemble du projet, de leurs collaborations, des approches graphiques et narratives et des nombreux défis d’une œuvre définitivement ambitieuse. On connait ces bonus japonais très sages, polis et tournés vers la promotion, mais il reste tout de même très intéressant pour, par exemple, la franchise avec laquelle Otomo aborde sa vision du cinéma d’animation. Le second item appelé « Storyboard » est en fait une vidéo compilant de nombreux cellulos originaux et dessins des décors, tous absolument superbes cela va de soi.
Liste des bonus
Memories of Memories (29’), Storyboard (8’), Bandes-annonces.