MAY

Etats-Unis, France – 1992
Support : Bluray & DVD
Genre : Horreur, Drame
Réalisateur : Lucky McKee
Acteurs : Angela Bettis, Jeremy Sisto, Anna Faris, James Duval, Nichole Hiltz, Kevin Gage…
Musique : James Luckett
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 93 minutes
Editeur : ESC Éditions
Date de sortie : 4 juin 2025
LE PITCH
May travaille dans un cabinet vétérinaire. C’est une jeune fille timide et complexée qui a beaucoup du mal à se faire des amis et dont l’attitude est étrange aux yeux des autres. Elle partage son appartement avec sa seule vraie amie, une poupée que lui a donné sa mère quand elle était petite. Un jour, elle flirte avec un jeune mécanicien intrigué par son attitude. Leur relation ne dure pas longtemps et après d’autres brèves rencontres sans lendemain, May décide de se fabriquer elle-même un amant idéal…
Une fleur du mal
Premier long métrage du réalisateur Lucky McKee (The Woods, The Woman, Old Man…) malheureusement rapidement broyé par le système, May marqua définitivement les esprits à sa sortie. Un poème lugubre mais délicat autour de la fragilité profonde d’une femme-enfant aux tendances sociopathes. Gore et macabre certes, mais d’une rare tendresse aussi.
Pour son premier long métrage en solo (le premier était le très modeste All Cheerleaders Die, DTV co-dirigé par son ami Chris Sivertson, futur réal de l’excellent I Know Who Kill Me et ici monteur), Lucky McKee joue à la fois la carte de la sécurité et celle de l’ambition démesurée. Ainsi, il s’entoure de ses camarades de la University of South California, dont un certains Rian Johnson (Looper, Les Derniers Jedi, A couteaux tirés…), s’inspire largement pour la trame principale de sa propre adolescente, place Angella Bettis dans une version améliorée de son rôle dans L’Elue et de sa reprise de Carrie et bien entendu verse dans l’horreur, genre d’exploitation idéal pour s’affirmer dans une certaine indépendance. Mais malgré cet aspect de film de potes dans sa fabrication, celui-ci regarde devant lui et vise « ses maîtres » : Dario Argento, John Carpenter, Polanski, Scorsese, Tim Burton, mais aussi l’art classique du peintre Raphaël…. Et tout ça juste pour une chronique adolescente. Un portrait admirable d’une jeune fille perdue aux pulsions mortifères, qui fait peu à peu pencher le film de la comédie douce-amère, au récit cauchemardesque d’une histoire d’amour des plus sanglantes.
Amours patchwork
Après une intro aussi frappante que douloureuse, marqué par un cri qui déchire le silence premier, May prend cependant tout le temps qu’il faut pour installer de manière convaincante son personnage. Une assistante vétérinaire, passionnées de couture, sérieusement marquée par une éducation traumatique, hanté par la présence d’une poupée immobile et jugeante derrière sa vitrine, qui ne cherche désespérément qu’à d’exister. Simplement. Dans le regard des autres essentiellement. Malhabile, décalée, inadaptée, mais terriblement touchante avec ses airs d’oiseaux perdu, elle tombe en pâmoison pour un grand gaillard aux mains délicates (Jeremy Sisto) ou s’imagine consoler sa solitude dans les caresses de sa collègue allumée (Anna Faris qui enchainera ensuite les Scary Movie), mais ne comprend jamais ce qui se joue réellement et comment s’y adapter. Un petit quelque chose de la Sally de L’Étrange Noël de Monsieur Jack dans l’apparence et la poésie gothique qu’elle dégage, May a aussi une fibre romantique terriblement inquiétante lorsqu’elle devient elle-même un docteur Frankenstein et s’imagine recréer par elle-même l’ami / amant parfait en combinant ses morceaux préférés chez les autres. Un acte d’amour ultime, désespéré et poétique, qui réussit à faire basculer le spectateur du coté de la tueuse, de l’être malade, mais dont la souffrance et la fragilité sociale est tellement compréhensible et sensible.
Surprenant et finalement extrêmement singulier malgré son entrelacs de références et d’inspirations, May est une fable moderne d’une grande richesse visuelle, porté par un humour très noir qui n’empêche jamais une certaine douceur et affection. Il retrouve dans son mélange de fascination morbide et de romantisme exacerbé certaines notes des textes de Baudelaire. Un petit bijou noir en somme.
Image
Pas vraiment d’information sur les origines complètes de cette nouvelle copie HD (même du côté des Anglais de Second Sight ou des Américains de Vestron d’ailleurs), mais elle est tout de même on ne peut plus convaincante. Les cadres sont parfaitement propres et stables, la palette de couleurs plutôt douce est admirablement gérée, les noirs bien profonds et présents, seuls finalement quelques plans semblent un poil flou dans une définition qui reste de toute façon assez douce. Manque sans doute un soupçon d’intensité dans le piqué pour véritablement atteindre l’excellence, mais l’expérience reste très proche des volontés esthétiques de Lucky McKee et restitue à merveille cette atmosphère étrange et douçâtre.
Son
Avec un doublage assez plat, la version française se montre forcément bien en dessous de la version originale bien plus fluide, naturelle et dynamique. Même si l’accent est toujours mis sur les dialogues, quelques ambiances plus enveloppantes viennent donner un peu de coffre à une spatialisation aussi discrètes qu’efficace. Il faut juste penser à monter un peu le son de l’installation pour bien en profiter.
Interactivité
Edition digipack avec livret exclusif et reproduction de l’affiche du film, elle contient aussi bien entendu les disques Bluray et DVD du film. Sur le premier on retrouve une partie des suppléments proposés outre-manche par les collègues de Second Sigh.
A commencer par un excellent commentaire audio (datant certainement de la sortie en DVD) réunissant le réalisateur avec Steve Yedlin, Chris Sivertson and Angela Bettis, Nichole Hiltz, et Bret Roberts, pour une longue série d’échanges détendus et amusés autour du film, chacun y allant de ses petites anecdotes de tournages, souligne les petites erreurs et les caméo, le tout avec quelques considérations artistiques et une bonne dose de camaraderie. Suivent Morceaux choisis, montage plutôt sympas d’instantanés du tournage, et des interviews inédites du réalisateur et de l’acteur Jeremy Sisto. Le premier se montre bien plus loquace explorant les angoisses adolescentes qui l’on amenée à écrire la première version de May (un court métrage appelé Fraction), l’influence de Taxi Driver ou Répulsion, et surtout l’esprit collégiale qui a animé ses années d’études avec ses copains étudiants et les retrouvailles pour ce premier vrai long. Le second est moins précis dans ses souvenirs, mais se souvient d’un tournage très agréable et d’avoir dû visionner de nombreux films d’horreur, dont ceux d’Argento, pour construire son personnage.
Reste enfin le segment « De Frankenstein à May » enregistré par une critique anglaise étudiant la création du roman Frankenstein et l’influence considérable que celui-ci a eu sur l’imaginaire collectif et créatif et son influence notable dans le cinéma jusqu’au film de Lucky McKee. On repart de loin mais ce n’est pas inintéressant.
Liste des bonus
Un livret, l’affiche du film, Commentaire audio du réalisateur Lucky McKee, « Morceaux choisis » : sur le tournage de May, « Le Fabricant de jouets » : entretien inédit avec le réalisateur Lucky McKee, « Des mains de maître » : entretien inédit avec le l’acteur Jeremy Sisto, « De Frankenstein à May » : analyses de Miranda Corcoran sur May, Bande-annonce.