MATRIX
The Matrix – Etats-Unis – 1999
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Science-Fiction, Action
Réalisateur : Lilly Wachowski, Lana Wachowski
Acteurs : Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss, Hugo Weaving, Joe Pantoliano, Marcus Chong…
Musique : Don Davis
Durée : 136 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Dolby Atmos TrueHD Anglais, Dolby Audio 5.1 français, anglais, espagnol…
Sous-titres : Français, anglais, néerlandais…
Éditeur : Warner Home Video
Date de sortie : 02 février 2022
LE PITCH
Dans un avenir proche, un pirate informatique du nom de Neo découvre que la réalité n’est qu’une immense simulation créée par la Matrice, réduisant l’espèce humaine en esclavage. Pour Morpheus, Neo est « l’élu », capable de mettre en échec la Matrice et ses féroces Agents.
Simulacres et simulations
Monument de science-fiction et de pop-culture au carrefour d’influences multiple, Matrix reste, encore à ce jour, l’oeuvre la plus populaire des Wachowski. Manifeste queer et trans pour les un(e)s, relecture anarchiste des écrits de Joseph Campbell pour les autres (et encore tout un tas de théories dont il serait trop long de vous faire la liste), la première aventure de Neo, sauveur messianique d’une humanité en guenille livrant une guerre sans merci contre les machines, n’a rien perdu de son pouvoir de fascination. En des temps troublés, entre crise sanitaire, montée inexorable des théories d’extrême-droite et menace d’une apocalypse climatique, on pourrait même affirmer que Matrix résonne plus fort aujourd’hui qu’il y a vingt ans.
Succès surprise de l’été 1999 au point de faire de l’ombre au retour événementiel de la saga Star Wars (il sort deux mois avant La Menace Fantôme mais il reste présent dans les salles alors que le nouveau film de George Lucas entame à peine son exploitation), Matrix marque l’aboutissement triomphal d’une sous-culture qui aura mis toute une décennie à émerger. Outre les mutations radicales de cette fin de XXème siècle (de la fin du bloc Soviétique et de la Guerre Froide à l’ascension d’Internet et du Néo-libéralisme, le tout en une dizaine d’années pour le moins chargées), il faut prendre en compte la montée d’une forme de pessimisme et de questionnement de la réalité qui nous entoure, héritée des écrits de Jean Baudrillard et de Philip K. Dick, le tout alimentée par les craintes profondes que font naître le passage à l’an 2000. À ce contexte bien particulier s’ajoute la redéfinition du paysage culturel avec la découverte par les occidentaux de plusieurs pans de la culture asiatique, du cinéma d’action de Hong Kong au manga japonais et aux délires cyberpunks de Shinya Tsukamoto dont le dyptique Tetsuo aura durablement marqué les esprits. Aux Etats-Unis, la musique et les comic books multiplient les transgressions et optent pour l’agressivité tandis que le cinéma accueille comme une révolution le néo-noir de Quentin Tarantino et de sa bande de suiveurs, sans oublier le succès culte de The Crow d’Alex Proyas, premier pas stylistique vers la Matrice des Wachowski. Le public est fin prêt à se prendre en pleine face les pirouettes improbables de Neo, Morpheus et Trinity luttant contre les agents du système et d’un conformisme castrateur. Nabab bigger thant life ayant donné au cinéma d’action 80’s ses lettres de noblesse avec 48 H, Predator, L’Arme Fatale et Piège de Cristal, Joel Silver sera le seul producteur à deviner le potentiel de Matrix et à allonger les biftons pour que les Wachowski puisse concrétiser leur vision. Grand bien lui en a pris.
Connectés, déconnectés
Le public de 2022 pourra toujours se moquer du cuir noir, des lunettes noirs, des téléphones à clapets et d’une bande son où se croisent Rob Zombie, Marilyn Manson et Rage Against The Machine comme les symboles d’une époque révolue mais il ne peut pas nier qu’en dehors de ces marqueurs générationnels, Matrix fait le taf avec brio, inusable synthèse d’un fond politique radical et d’une action pétaradante se permettant un bon paquet d’extravagances chichiteuses mais follement attachantes. Il y aura encore des esprits chagrins et cyniques pour chouiner sur l’interprétation un peu raide et très premier degré de Keanu Reeves, Carrie-Ann Moss et Laurence Fishburne mais on leur rappellera que l’ironie, le réalisme et la flamboyance de la méthode Stanislavski se marient mal avec l’esprit du conte et de la fable. Ce qu’est d’ailleurs Matrix. Un conte, une fable. Avec des robots, du kung-fu et des gunfights en apesanteur, mais tout de même.
Tout en rendant hommage dans un grand melting-pot cohérent à Lewis Carroll, à William Gibson, à Philip K. Dick, à Fritz Lang, à Geoff Barrow, à John Woo, à Katsuhiro Ottomo, à Tsui Hark et à tant d’autres noms illustres de la science-fiction et du cinéma boom-boom, les pas encore sœurs Wachowski usait du monomythe de Campbell pour faire souffler un vent de liberté face à un système tellement normatif et oppressant qu’il transforme l’être humain en matière première (cadres d’hier et Über esclaves du confinement, unissez-vous) et ne laisse pas d’autres choix à la résistance que de ne plus faire de quartier et à foncer dans le tas. Matrix, ce n’est pas seulement du bullet time et de la théorie de complot so 90’s, c’est aussi la puissance de l’amour, la foi, la mixité et le transhumanisme en opposition au métro-boulot-dodo débilitant du grand capital. Matrix est donc probablement le plus grand blockbuster progressiste de gauche jamais produit par les requins d’Hollywood. Mélenchon et Taubira avec des guns face à une armée de Macron en costume trois pièces, si vous préférez les métaphores électorales. Free your mind et faîtes tout péter, les Wachowski vous donne le mode d’emploi.
Image
Entièrement restauré et retravaillé à partir d’un scan 4K inédit du négatif original en 2013 par Warner, le master UHD de The Matrix est une réévaluation du film aux airs de révélation. Alors peut-être que certains puristes vont encore pester avec les diverses modifications de colorimétrie effectuées sur le film, mais avec l’accord des deux auteurs du film, le chef op Bill Pope a choisi de revenir aux effets photographiques qui avaient été prévu à l’origine grâce aux outils HDR. Le fameux filtre vert qui noyait toutes les séquences du monde virtuel dans les copies DVD et Bluray, a ici presque totalement disparu, laissant apparaître des plans beaucoup plus subtiles et contrastés. Le vert reste bien entendu encore très présent (contrastant avec le bleuté et les couleurs chair du monde réel), mais se conforte le plus souvent sur les contours, les reflets et certains objets, permettant de rehausser l’expérience et de creuser plus avant les influences du film noirs. Les noirs d’ailleurs n’ont jamais été aussi impérieux. Absolument rien à reprocher à cette impressionnante copie, bien entendu d’une propreté immuable, qui redessine le grain argentique de la pellicule et réharmonise très efficacement les plans réels avec les nombreux éléments en images de synthèse, certes toujours plus doux en termes de définitions, mais jamais surlignés. Le film est sans aucun doute bien plus beau qu’il ne l’était en 1999.
Son
La grosse nouveauté ici est le tout nouveau mix Dolby Atmos de la version originale. Et comme les différentes sorties vidéos du film ont toujours fait office de démonstration technique sur ce point-là, cette piste sonore inédite n’a pas l’intention de déroger à la règle. Mais là où chaque changement de support s’accompagnait jusque-là d’une ampleur sonore de plus en plus imposante, le Dolby Atmos par sa finesse et sa fidélité à la source joue plutôt sur la minutie et le détail. La dynamique générale est toujours aussi spectaculaire, mais avec désormais la sensation de ressentir le moindre impact, la moindre balle s’écraser dans le mur et se disperser en fragment dans toute la pièce. L’équilibre est parfait et la restitution d’un réalisme presque déstabilisant.
Interactivité
On ne compte plus les différentes éditions vidéo de The Matrix qui entre la première sortie solo et le coffret trilogie en est avec ce coffret Titans of Cult déjà à sa troisième proposition UHD. On retrouve d’ailleurs du côté des disques proposés exactement le même contenu, depuis longtemps approuvé et digéré par les fans du film, consistant en une compilation des plus complètes des multiples featurettes, making of et autres items proposés au cours des années. Une bonne poignée de commentaires audios (mais toujours sans sous-titres), l’option interactive sur le Bluray du film et un gros Bluray dédié à un déluge de bonus dont le roboratif documentaire Matrix revisited, les coulisses, les tournages de séquences d’action, la musique de Don Davis et les effets spéciaux. Si souvent la source est désormais en SD, le contenu est toujours aussi complet et passionnant.
Le seul apport de l’objet Titans of Cult reste donc plus que jamais le packaging, et son steelbook exclusif, et ses petits goodies (un magnet et un pin’s…). Pour une fois d’ailleurs le petit effet de transparence du fourreau et le visuel en profondeur qui en découle semble parfaitement adapté.
Liste des bonus
Un pin’s en résine « The Matrix is everywhere », un magnet des agents de la Matrice, Introduction écrite par les Wachowski (9 pages), Commentaires audio de Cornel West et Ken Wilber (philosophes), Commentaires audio de Todd McCarthy, John Powers et David Thomson (critiques), Commentaires audio de Carrie-Anne Moss; Zach Staenberg et John Gaeta, Commentaires audio de Don Davis sur piste avec musique isolée (Dolby Digital 2.0), Sur le Bluray Expérience « Au coeur du film » : l’équipe du film vous emmène dans la coulisses de la création de Matrix, « Matrix Revisited » : les coulisses de Matrix (123’), « La création de Matrix » : 7 modules (43’), « Suivez le Lapin Blanc » : 9 modules (23’), « La pilule rouge » : 2 modules (18’), « The Music Revisited » : tous les titres musicaux du film (41 pistes, 195’), Clip : « Rock is Dead » de Marilyn Manson (3’), Bandes-annonces.