Rempli de bonus et composé de copies restaurées en HD, le coffret « Marlene Dietrich – Josef von Sternberg – Les années à Hollywood 1930 à 1935 » permet de remettre au goût du jour des films cultes et oubliés d’un duo mythique du cinéma hollywoodien. Après l’immense succès de L’Ange bleu tourné en Allemagne en 1929, Joseph von Sternberg rentre aux États-Unis avec dans ses bagages sa jeune muse et ils tourneront encore six films ensemble. Des œuvres qui feront de l’actrice l’un des personnages iconiques du Septième art.

Recrutée par la Paramount notamment pour faire concurrence à la star d’alors Greta Garbo (égérie des studios MGM), Dietrich apparaît pour la première fois dans les salles américaines dans le film Cœurs brûlés, L’ange bleu n’étant alors sorti qu’en Europe. Suivant un triangle amoureux sur fond d’empire colonial français au Maroc, von Sternberg associe le grand Gary Cooper à son actrice fétiche pour former un couple inoubliable. Jouant avec l’ambiguïté de son personnage féminin, à la fois beauté fatale et « garçonne », le cinéaste ne manque pas de donner de nouveau à Dietrich un rôle de chanteuse de cabaret provocante, qui finira par connaître le grand amour dans le désert marocain.

Tourné dans la foulée, et sorti quelques mois avant le Mata-Hari de George Fitzmaurice avec Greta Garbo, Agent X27 finit d’imposer l’actrice allemande (qui prendra la nationalité américaine en 1939) ici seule vedette d’un film lorgnant vers l’espionnage et s’inspirant de la célèbre danseuse-espionne. Dietrich y incarne une femme indépendante (et semble-t-il prostituée), veuve de guerre « n’ayant ni peur de mourir, ni peur de vivre » dans une Vienne en plein cœur de la Première Guerre Mondiale. Femme fatale par excellence, et dans tous les sens du terme, l’agent « Marlene » déniche les espions et les traîtres par ses charmes et ses talents…de pianiste !

Shanghai Lily

Enchaînant les films et les succès, Shanghai Express, sorti en 1932 achève d’accomplir la renommée des deux complices avec peut-être leur film le plus réussi. Comme c’est le cas dans les autres films la folie des grandeurs de von Sternberg se retrouve dans ces décors de studio figurant la lointaine Chine de manière aussi réaliste qu’exotique. L’apport des costumes du fidèle Travis Benton est une nouvelle fois décisive, et il est encore difficile aujourd’hui de penser à Marlene Dietrich sans ses tenues excentriques mais incroyablement cinégéniques.

Sorte de huis-clos mobile à bord d’un train, Shanghai Express peut autant être vu comme un film d’action aux nombreuses péripéties que comme un mélodrame donnant la part belle à l’actrice principale sublimée par la photographie de Lee Garmes qui ne semble n’avoir d’yeux que pour « Shanghai Lily », présentée comme une croqueuse d’hommes vénale. Assurée pour ses jambes pour une valeur de plus d’un million de dollars, Marlene voit ici une autre partie de son anatomie, ses mains, être mise en valeur par la caméra de von Sternberg lors d’une magnifique scène de prière de Marlene pour son amoureux prisonnier. Nominé aux Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur, le film demeure d’ailleurs le plus gros succès public du duo au Box-office.

Blonde Vénus

Après le point culminant que représente le triomphe de Shanghai Lily, les trois derniers films des deux compères, dont la collaboration était souvent houleuse, seront des échecs cuisants à l’époque, bien qu’ils aient été réévalués depuis. Si Blonde Vénus (1932) replace de nouveau l’actrice-chanteuse au cabaret pour des scènes incroyables de déguisement qui inspireront notamment une certaine Madonna, le film la relègue aussi, et pour l’unique fois, à un rôle de mère de famille. En ce qui concerne L’Impératrice rouge (1934), superbe jeu de massacres dans les arcanes du pouvoir, l’actrice incarne ici une Catherine de Russie machiavélique démontrant d’autres facettes de son jeu d’actrice. Détruit par la critique pour son côté outrancier et sa noirceur, le film est pourtant l’un des plus impressionnants de von Sternberg avec ses décors démesurément baroques et sa mise en scène enlevée.

Actrice aux mille visages, Marlene interprétera enfin …une andalouse enivrante dans La Femme et le pantin (une des nombreuses adaptations du roman de Pierre Louÿs), qui marque la rupture avec von Sternberg après sept films ensemble. Encore une fois, le style von Sternberg impressionne avec ses reconstitutions de carnaval et le personnage de Dietrich en manipulant les hommes à sa guise ajoute une pierre de plus à son image de femme fatale.

Bien que les deux artistes continueront leurs carrières respectives après leur « séparation », ils ne retrouveront plus le succès de cette parenthèse enchantée, von Sternberg ne tournant quasiment plus et Dietrich se voyant même surnommé au fil du temps, et des échecs commerciaux de ses films, « le poison du Box-Office »… Cette sortie concoctée par les éditions Elephant Films est donc l’occasion de (re)découvrir une période charnière de l’Histoire du cinéma, lorsque celui-ci passa de la distraction populaire pour s’ériger en véritable Art.