MARIA’S LOVERS

Etats-Unis – 1984
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Andrei Konchalovsky
Acteurs : Nastassja Kinski, John Savage, Robert Mitchum, Keith Carradine, Anita Morris, Bud Cort, Vincent Spano, John Goodman…
Musique : Gary Malkin
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 109 minutes
Éditeur : Intersections Films
Date de sortie : 29 février 2024
LE PITCH
Printemps 1946. Après trois années dans un camp de prisonniers japonais, Ivan ne pense qu’à retrouver Maria, son amour de jeunesse dont le souvenir idéalisé lui a permis de survivre aux horreurs de la guerre. De retour chez lui, dans une petite ville ouvrière de Pennsylvanie, il comprend que Maria est devenue une femme épanouie, courtisée par les hommes de la région. Et pourtant, elle accepte la demande en mariage d’Ivan, pour le meilleur et pour le pire.
La fièvre au corps
Pour son premier film américain, Andrei Konchalovsky porte sa caméra dans le décor d’une une bourgade américaine d’immigrés yougoslaves, théâtre d’une passion inassouvie, d’un drame conjugal sensible, déchirant et sensuel incarné avec une passion incroyable par la sublime Nastassja Kinski.
Après le tournage de sa fresque monumentale Sibériade et une carrière déjà fructueuse et reconnue en URSS, Andrei Konchalovsky se prend à rêver de terres étrangères. Amoureux du cinéma français, il tente un temps d’y trouver sa place mais entre un curieux rejet de la part d’une partie de la profession (des rumeurs sur un supposé statut d’agent double y seraient pour quelque chose) et de longues hésitations d’Isabelle Adjani autour du projet qui deviendra Maria’s Lovers, le cinéaste finit par s’embarquer pour les Etats-Unis convaincu par l’enthousiasme de la jeune actrice, mais alors au statut important, Nastassja Kinski, et la promesse d’une grande liberté créative allouée par les producteurs Golan et Globus. Les patrons de la fameuse firme The Cannon Group surtout connue pour ses films d’exploitation, toujours en recherche de signatures respectables et de prestige. D’un film d’exil, Maria’s Lovers devient alors une continuation frappante de son identité slave. Que ce soit dans le choix de situer l’action au sein d’une communauté serbe de Pennsylvanie, dans l’atmosphère rurale et ouvrière mise en avant, que dans la rigueur minutieuse de la mise en scène, l’accent constant mis sur les constructions de plans et surtout les paysages dont certaines compositions, minérales et un certain sentiment d’abandon renvoient directement au cinéma de Tarkovsky dont Konchalovsky fut justement longtemps l’assistant scénariste.
Corps de femme
Situé au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, Maria’s Lovers est alors certainement un film atypique dans le paysage du cinéma américain jusque dans son traitement des retrouvailles entre un jeune vétéran échappé des camps japonais, et son amour de jeunesse, la si belle Maria dont le seul souvenir lui a permis de survivre et résister à la folie. De cette histoire d’amour au postulat classique, Konchalovsky tire un mélodrame bouleversant percutant les notions d’amour et de désir, de sentiments idéalisés avec la réalité physique et surtout cette difficulté à accepter le passage de la jeune fille à la femme aux besoins on ne peut plus terrien. Ivan, qui n’arrive pas à avoir des relations sexuelles avec son épouse, et Maria se cherchent, peinent à se trouver et se comprendre, se rejettent avec douleur, mais s’aiment envers et contre-tout. Tragique et émouvant, finement psychologique et intensément sensuel, Maria’s Lovers séduit indéniablement par sa peinture de l’Amérique modeste de la fin des années 40, par la beauté de sa photographie et ses soins esthétique, mais frappe indéniablement par la grande qualité de son interprétation. Excellent directeur d’acteur, Konchalovsky offre à Nastassja Kinski un rôle de jeune femme charnelle et désirable, mais plus complexe et concret que chez ses collèges Polanski (Tess), Coppola (Coup de cœur) ou Wim Wenders (Paris, Texas), autour duquel gravite des partenaires tout aussi justes comme John Savage (Hair, Voyage au bout de l’enfer…), Keith Carradine (Nashville, Les Duellistes…), le jeune Vincent Spano (Rusty James, Hello baby…) l’imposant Robert Mitchum dans l’un de ses derniers rôles et les plus discrets Bud Cort (Harold & Maude) et John Goodman, presque débutant.
Un très beau film, affirmation de la maitrise d’un cinéaste voyageur et protéiforme qui embrayera par trois autres collaborations toujours assez réussies avec la Cannon, dont l’excellent film d’action Runaway Train d’après un scénario de Kurosawa.
Image
Jamais sorti en DVD en France, Maria’s Lovers passe directement par la case Bluray grâce à Intersection. Un nouveau scan 2K mais pas des négatifs originaux (à priori disparus) mais d’une source interpositive, l’opération ayant été compliquée par une utilisation de quelques filtres vaporeux à l’origine. Cela n’empêche pas l’image d’être à l’arrivée plus qu’agréable avec des teintes très efficacement contrastées et surtout des textures organiques et creusées qui respectent admirablement la pellicule jusqu’à un grain, très présent, mais toujours harmonieux et organique. Quelques petites traces et restes de griffures persistent encore dans le cadre, comme une légère tache bleue en bas à droite sur un unique plan, mais cela n’impacte jamais vraiment la définition qui reste solide.
Son
Plutôt sobre mais toujours propre et légèrement dynamique sur les avants, la piste originale anglaise est une proposition tout à fait confortable, claire et fluide. La version doublée française, de bonne qualité dans son jeu, se montre comme souvent un peu plus plate et écrasée, mais là aussi tout à fait agréable.
Interactivité
Proposé dans un boitier scanavo simple (pour le fourreau, c’est uniquement sur le site de l’éditeur), Maria’s Lovers contient en premier lieu un petit livret (à peine trente page) mais qui se révèle absolument passionnant. Pour son portrait des grandes années de Nastassja Kinski, mais surtout pour son entretien exclusif avec Andrei Konchalovsky dans lequel il raconte sa petite épopée européenne et son arrivée aux USA, l’importance de l’actrice dans l’aboutissement du projet, sa collaboration avec la Cannon, les acteurs et le tournage.
Sur le disque, l’éditeur français reprend le travail du camarade américain Code Red en glissant l’interview assez courte, mais très touchante, de John Savage et une autre plus étendue avec Vincent Spano qui garde lui aussi un souvenir très particulier et intime du film.
A cela Intersection n’a pas hésité à ajouter deux gros segments avec une présentation très complète du film par Olivier Père (Arte) et une évocation plus large de l’œuvre du cinéaste par Michel Ciment (Les Cahiers du cinéma) qui croise ici toutes les époques de sa filmographie pour souligner l’importance politique et humaine de son œuvre, malgré son habilité à constamment changer de forme et de genre.
Enfin, petite curiosité bonus, l’éditeur à mis la main sur une ancienne bande annonce « téléphonique » témoins d’une expérimentation imaginée par quelques distributeur français dans les années 80.
Liste des bonus
Un livret contenant un nouvel entretien avec Andrei Konchalovsky, ainsi qu’un essai de Justin Kwedi sur Nastassja Kinski (28 pages), Entretien avec John Savage (6’), Entretien avec Vincent Spano (16’), Maria’s Lovers par Olivier Père (30’), Michel Ciment à propos d’Andrei Konchalovsky (30’), Message téléphonique promotionnel d’époque (3’), Bande-annonce (VOST).