MAMAN TRÈS CHÈRE
Mommie Dearest – Etats-Unis – 1981
Support : Bluray
Genre : Biopic
Réalisateur : Frank Perry
Acteurs : Faye Dunaway, Mara Hobel, Diana Scarwid, Rutanya Alda, Steve Forrest, Priscilla Pointer…
Musique : Henry Mancini
Durée : 129 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 Anglais, Dolby Digital 2.0 Français et allemand.
Sous-titres : Français, allemand, anglais
Editeur : Paramount Pictures France
Date de sortie : 21 juillet 2021
LE PITCH
Les relations autoritaires, voire abusives, de Joan Crawford, immense star du Hollywood des débuts, avec Christina, sa fille adoptive.
Hollywoodland
Des années 20 jusqu’au début des années 70 (soit pendant presque 50 ans !), Joan Crawford fut une des figures incontournables d’Hollywood. Un monstre sacré qui fut dirigé par les plus grands, de Tod Browning à Steven Spielberg. Une carrière ponctuée de chefs d’œuvre incontestables comme de films moins glorieux. Mais c’est à l’ombre des caméras, juste après sa disparition, que le vernis finit enfin par se craqueler : Christina, sa fille adoptive, signe en 1978 un livre l’accusant d’autoritarisme voire de maltraitance. La fabrique à rêves perd de sa superbe mais ne met pas longtemps à répondre. Et c’est à peine trois ans plus tard que sort Maman Très Chère, œuvre polymorphe, méta plus que de raison, à la mise en abîme vertigineuse, que Paramount nous propose de redécouvrir aujourd’hui dans une splendide copie numérique.
Paramount étant le seul gros studio pour lequel la star ne travailla jamais, c’est lui qui est à l’origine du projet, via son PDG de l’époque, Frank Yablans, également producteur et scénariste. C’est donc tout logiquement qu’il participe à l’écriture du scénario et intervient durant toutes les phases de la production ; du choix de Frank Perry derrière la caméra (réalisateur méconnu mais à qui l’on doit le fameux Swimmer avec Burt Lancaster) jusqu’à celui de Faye Dunaway pour incarner Crawford. La physionomie émaciée et les yeux de biche capables de sévérité de l’actrice évoquant parfaitement ceux de la star déchue. Restait à savoir quel traitement ce projet pour le moins casse-gueule allait choisir. Contre toute attente, alors qu’on aurait pu s’attendre à une charge sans appel contre la bourreau d’enfants, c’est Hollywood qui en prend plein son grade.
Box office poison
Dans son introduction, le script ne prend pourtant pas de gants avec la star désormais décédée et assène ses premiers coups de griffes à la légende : Crawford était une control freak obsédée par l’ordre et la propreté, dont la vie même était mise en scène dans ses moindres détails. La caméra de Perry ne ratant jamais l’occasion de le rappeler via des plans savamment orchestrés où une simple descente d’escalier devient presque un chemin pavé vers les Oscars. Les partitions du grand Mancini tapissant en plus ces scènes d’une atmosphère langoureuse, comme pour signifier une vamp prête à frapper. Pour mieux prendre le spectateur à revers, le scénario, via quelques répliques placées aux bons endroits, donnent alors des éléments essentiels sur la vie de Lucille Fay LeSueur, future Joan Crawford. Elle grandit sans père, connut sept fausses couches et dut se faire seule, sans aide d’aucune sorte. On comprend alors son besoin d’enfants. Même si celui-ci coïncide étrangement avec le premier vrai ralentissement de sa carrière et lui apporte une publicité salvatrice mais malsaine. Les rôles se font alors plus rares, les échecs s’accumulent, le mogul Mayer (le dernier M de MGM) la convoque et la répudie en l’affublant du sobriquet ridicule et humiliant de «box-office poison ». Sa vie bascule alors qu’elle se sent déjà vieillir, sombre dans l’alcool et trouve dans sa jeune fille adoptée la victime idéale pour libérer toutes ses frustrations et colères contenues.
What Ever Happened To Baby Joan ?
Dans toute la première partie du film, Christina Crawford est incarnée par la jeune Mara Hobel, 10 ans. Une enfant au physique calqué sur les enfants stars de l’époque (type Shirley Temple) et dont les scènes en commun avec Dunaway vont donner à Maman Très Chère ses moments les plus durs mais aussi les plus réussis. Comme cette scène où sa mère lui coupe les cheveux de force où celle où elle la frappe à l’aide d’un cintre métallique. Dans cette dernière, Crawford/Dunaway apparaît le visage recouvert d’une crème blanche lui donnant un air de clown terrifiant, rappelant le personnage de Bette Davis dans le chef d’oeuvre d’Aldrich Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? Film dans lequel la véritable Joan Crawford donnait la réplique à Davis au sein d’un scénario évoquant déjà la lente décadence d’une ancienne célébrité. Le lien de sororité entre les deux personnages étant ici remplacé par le lien mère/fille, le jeune âge de Christina et donc sa relative fragilité pouvant clairement être associé à la paraplégie affectant le personnage de Crawford dans le film d’Aldrich. Une mise en abîme vertigineuse qui touche Faye Dunaway elle-même, l’actrice récemment oscarisée pour le Network de Lumet entrant dans sa quatrième décennie l’année de la sortie du film.
Malheureusement, dans sa seconde partie, le script décide de faire grandir la fillette et confie le rôle de Christina à Diana Scarwid, qui va se montrer absolument incapable de retrouver la justesse de ton de la fillette. Ses confrontations avec Dunaway deviennent alors outrancières voire grotesques tandis que le scénario multiplie de gigantesques ellipses et oublie même quelques personnages en chemin (le jeune Christopher, qui disparaît pendant presque une heure avant de réapparaître sous les traits de Xander Berkeley). Et c’est à sa toute fin, lors de son dernier plan à la dernière réplique résumant à elle seule à peu près tout, que le film retombe enfin sur ses pieds, donnant définitivement A Maman Très Chère le statut d’œuvre étrange, bancal, maudite, malade voire ratée. L’hallali d’une Star comme seul Hollywood est capable d’en créer, mais aussi d’en détruire.
Image
Superbe. Le grain d’époque est conservé tout en permettant à l’image de rester éclatante tout du long, offrant une somme de détails jamais vue jusqu’alors renforcée par de puissants contrastes. Reste une poignée de plans plus difficilement restaurables, qui nous sautent du coup au visage dès leur apparition. Mais rien qui ne puisse jamais gâcher la fête.
Son
A l’avenant de l’image. La piste anglaise, sur 6 canaux, offre une profondeur et une immersion inespérée. La piste française, moins chanceuse, offre quant à elle un mono d’origine de bonne tenue, aux agréables bouffées de nostalgie (malgré le sujet).
Interactivité
Une section bonus qui s’ouvre via un menu inanimé et silencieux, où seul domine le visage presque inexpressif de Crawford/Dunaway. Généreuse en apparence, la section propose quatre documentaires, une galerie photo et la bande annonce d’époque.
Mais en apparence seulement, les quatre documentaires dévoilant assez rapidement leur intérêt tout relatif. Narrés pour la plupart par un Frank Yablans heureux de partager ses souvenirs de productions, ils ne dévoilent véritablement rien des coulisses, se contentant de confirmer ce dont parle le film. On notera tout de même un passage assez intéressant sur Dunaway, son travail avec Frank Perry et l’accusation de caricature dont son jeu fut victime.
Pour une fois, on aurait aimé qu’un spécialiste du cinéma revienne sur toute cette affaire.
Liste des bonus
Pleins feux sur le réalisateur : le biographe Justin Bozung parle de Frank Perry (7’01), La renaissance de Joan (14’15), La vie avec Joan (13’44), Joan survit (16’05), bande annonce d’époque (4’10), galerie photos.