MAJOR DUNDEE
États-Unis – 1965
Support : Blu-ray
Genre : Western
Réalisateur : Sam Peckinpah
Acteurs : Charlton Heston, Richard Harris, James Coburn, Jim Hutton, Senta Berger, Michael Anderson Jr., …
Musique : Christopher Caliendo
Durée : 136 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français, Allemand, Italien Dolby Audio 2.0 Mono, Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français, Anglais, Italien, Allemand, …
Éditeur : Sony
Date de sortie : 3 mai 2023
LE PITCH
À quelque mois de la fin de la guerre de Sécession, le Major Dundee, commandant nordiste en disgrâce, se lance à la poursuite d’Indiens Apaches qui ont attaqué un poste de cavalerie et massacré ses occupants. À court d’hommes pour mener la traque, il constitue une troupe hétéroclite composée de volontaires, de criminels locaux et de prisonniers sudistes…
Les copains d’abord
Œuvre essentielle dans la construction du « mythe Peckinpah », Major Dundee est un long-métrage passionnant. Autant pour l’histoire de son tournage et de sa post-production chaotique, où furent posées les bases de la relation orageuse que le cinéaste entretiendra durant toute sa carrière avec l’industrie du cinéma, que pour sa richesse thématique et son impact formel indéniable, en dépit des coupes et de la censure imposées par des producteurs ignorants.
Fort des critiques enthousiastes et du succès européen de Coups de feu dans la Sierra en 1962 (lequel n’est d’ailleurs toujours pas disponible en blu-ray dans l’Hexagone, à bon entendeur !) et de sa réputation de scénariste talentueux, Sam Peckinpah parvient à convaincre la Columbia et le producteur Jerry Bresler (Les Vikings de Richard Fleischer) d’investir un peu plus de 4 millions de dollars pour porter à l’écran le script encore inachevé et en pleine réécriture de Major Dundee. En compagnie d’Oscar Saul (scénariste de l’adaptation de 1951 d’Un tramway nommé Désir d’après Tennessee Williams), Peckinpah travaille en effet d’arrache-pied sur la base d’un manuscrit original de Harry Julian Fink et réoriente un récit d’aventures classique vers un portrait complexe, fiévreux et ambigu d’un officier carriériste et obsédé par la réussite de sa « mission ». Sous cet angle nouveau, le rôle du major Amos Dundee séduit sans tarder Charlton Heston, lequel se révèle intrigué et fasciné par Peckinpah. Outre la star de Ben-Hur et du Cid, le réalisateur et scénariste parvient aussi à attirer dans ses filets Richard Harris et James Coburn et constitue pour les seconds rôles une solide galerie de « gueules » telles que R.G. Armstrong, Warren Oates, Slim Pickens, Brock Peters, Ben Johnson et L.Q. Jones, tous appelés à devenir de fidèles amis et alliés au cours des années. S’il sait qu’il lui reste encore du boulot à abattre sur l’écriture et un tournage ambitieux à mener à son terme, Sam Peckinpah se sent en sécurité et baisse la garde auprès du studio et de ses producteurs. Il se trompe lourdement et va très vite en faire les frais.
Au cœur du mexique
Alors que le tournage au Mexique est sur le point de démarrer, le couperet tombe : Jerry Bresler ampute le budget de plus d’un million de dollars, ramenant l’enveloppe finale à 3 millions. Insuffisant pour Peckinpah. Son alcoolisme et sa paranoïa s’intensifient et ralentissent le rythme des prises de vue. Le cinéaste en vient presque aux mains avec Charlton Heston mais l’acteur lui renouvelle malgré tout sa confiance et son admiration et va même engager son propre cachet (de fait, il travaille gratuitement !) pour offrir une marge de manœuvre supplémentaire à la production. Et lorsque le tournage trouve enfin son équilibre avec la perspective raisonnable de respecter les délais, la Columbia prend la très mauvaise décision d’envoyer une armée de costards cravates pour mettre la pression sur Peckinpah, lui suggérant ce qu’il doit filmer et quand et le plus vite possible, nom d’un chien ! Le réalisateur fait le contraire, tourne au compte-gouttes, pique des colères homériques et picole toujours plus. Les derniers jours de prises de vue se déroulent ainsi en son absence (Charlton Heston affirme d’ailleurs avoir pris le contrôle pour mettre en boîte l’essentiel sur deux ou trois jours).
Peckinpah espère alors pouvoir sauver ce film si cher à son cœur au montage et livre un « rough cut » de plus de 4 heures qu’il ramène tant bien que mal à 2h36. Peine perdue. Jerry Bresler vire le réalisateur de la post-production, coupe 33 minutes, adoucit le propos, ramène la violence au strict minimum et engage le compositeur Daniele Amphitheatrof qui livre un score contraire aux ambitions de départ. Défiguré, Major Dundee se plante tout naturellement au box-office et l’aura de Sam Peckinpah dégringole alors au plus bas. Il faudra alors attendre 2005, soit 21 ans après la mort du réalisateur, pour découvrir un nouveau montage de Major Dundee, agrémenté de quinze minutes supplémentaires, d’une nouvelle musique et d’un nouveau mixage. Un travail de restauration et de réparation effectué à partir des notes de Peckinpah en personne. Et c’est bien ce dernier montage, baptisé « Producer’s Cut » ou « Extended Version » en fonction des projections et des exploitations en vidéo que nous propose aujourd’hui le blu-ray distribué par Sony et ESC Distributions.
La horde sauvage
On ne va pas se mentir, cette nouvelle version, tout en donnant un meilleur aperçu du film que Sam Peckinpah avait en tête et en corrigeant certains problèmes du montage de 1965, n’est qu’un pansement sur une jambe de bois. Maudit de bout en bout, couvert de cicatrices et rapiécés grossièrement, Major Dundee n’est que l’ébauche, le brouillon d’un chef d’œuvre. Il manque toujours une fin digne de ce nom, une bonne trentaine de minutes pour couvrir les nombreuses sous-intrigues abandonnées en cours de route et on a toujours ce sentiment tenace que le montage coupe l’herbe sous le pied aux nombreuses scènes d’action. Et pourtant, quel brouillon ! Impérial, Charlton Heston trouve là l’un de ses plus beaux rôles, la gestion du scope est d’une maîtrise souvent totale et Peckinpah s’y entend mieux que n’importe qui pour mettre en place une atmosphère délétère et faire monter la tension dans un mélange d’alcool, de sueur, de poussière et de plomb. Surtout, Major Dundee tient lieu de note d’intention pour toute la filmographie de « Bloody Sam ». Le Mexique, la violence, la perte des repères, les sursauts suicidaires d’héroïsme, la poésie du vague à l’âme, la vision paradoxale des femmes, à la fois un idéal romantique et un exutoire misogyne, … tout y est, à l’état brut dans un film que l’acteur R.G. Armstrong décrit avec beaucoup de justesse comme un « Moby Dick à cheval ».
Il n’est pas interdit de voir en Major Dundee une double allégorie, l’une très consciemment pensée par Peckinpah, l’autre purement accidentelle. Évidemment, la « horde sauvage » menée en toute illégalité au-delà de ses frontières par le major Amos Dundee pour poursuivre et anéantir l’ennemi correspond en tous points à l’idée que Peckinpah se faisait des Etats-Unis. Soit une bande de renégats, de pirates et d’ambitieux à moitié fous, de couleurs et d’horizons divers, se haïssant la moitié du temps, en quête de gloire et de sang et agissant sous le couvert d’une légitimité plus que discutable. L’image d’une Nation unie simplement dans la violence et le malheur. Mais on ne se privera pas non plus au passage de dresser un parallèle entre l’odyssée mexicaine de ces pieds nickelés armés jusqu’aux dents et Sam Peckinpah lui-même, embourbé avec son équipe dans un tournage prenant chaque jour des allures de naufrage magnifique et terrifiant. Quand la vie imite l’Art. Et vice-versa.
Image
On retrouve le même master restauré ayant servi au DVD événement de 2005 ainsi qu’au blu-ray de la collection Very Classics en exclusivité Fnac, très correctement remis aux goûts du jour des exigences HD. Quelques plans affichent une définition en retrait et des couleurs brûlés au sein d’un ensemble solide qui restitue efficacement le grain de la pellicule et les ambiances lourdes, ensoleillées et colorées du Mexique. En tous points recommandable, malgré une poignée de défauts et la marque du temps.
Son
Le mixage anglais en 5.1 peut impressionner, par sa propreté, sa densité et le travail de spatialisation mais il dégage aussi un sentiment d’artificialité palpable, notamment en raison du traitement de la piste musicale, le cul entre deux chaises. Composé et enregistré au début des années 2000, le score de Christopher Caliendo se donne un mal fou pour sonner « d’époque » et il y parvient presque tout le temps. Le « presque » a ici toute son importance, avec des basses qui débordent par instants. Pour une oreille avertie, impossible de ne pas le remarquer. L’authenticité semble donc davantage aux côtés des doublages européens, sauf que non, les voix ne collant pas toujours. On aurait aimé pouvoir choisir entre deux pistes originales.
Interactivité
Pas de nouveauté au menu d’une interactivité héritée là encore du DVD de 2005 et enfermée dans un simple packaging Amaray avec un bémol de taille : la disparition inexplicable du seul commentaire audio, assuré par des historiens du cinéma. On peut au moins oublier l’horrible jaquette de l’édition Fnac mais les amateurs d’imports auront toutes les raisons de se tourner vers le magnifique collector d’Arrow Video paru en 2021 et qui contenait une myriade de suppléments inédits, les deux montages du film et quelques goodies fort sympathiques. Le cinéphile français doit donc ici se contenter de la version longue, d’un extrait du documentaire fleuve Passion & Poetry de Mike Siegel, un spécialiste de Sam Peckinpah, centré sur la genèse pour le moins agitée de Major Dundee, une featurette d’époque sur les cascades (en noir et blanc ou en couleurs, au choix), d’une poignée de scènes et de plans inédits, d’un échantillon du promo real destinée aux exploitants de salle et à des bandes-annonces. Du petit lait, pas forcément négligeable, mais qui se contente d’égratigner la surface de ce diamant brut.
Liste des bonus
Extrait du documentaire « Passion & Poetry: The Ballad of Sam Peckinpah » de Mike Siegel / « Course à la catastrophe », documentaire sur les cascades du film : Scène coupée incomplète : « Combat au couteau » / Scène coupée : « Major Dundee et Teresa » / Scènes coupées muettes / Maquettes pour une bande-annonce / Extrait promotionnel / Bande-annonce de la réédition 2005 / Bande-annonce originale.