MAIS QU’AVEZ-VOUS FAIT À SOLANGE ?
Cosa avete fatto a Solange ? – Italie – 1972
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Massimo Dallamano
Acteurs : Fabio Testi, Karin Baal, Joachim Fuchsberger, Cristina Galbo, Camille Keaton, Gunther Stoll, …
Musique : Ennio Morricone
Durée : 107 minutes
Image : 2.35:1, 16/9ème
Son : Français & Italien DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Le Chat Qui Fume
Date de sortie : 1er juillet 2022
LE PITCH
Professeur de sport et d’italien dans une école catholique pour filles à Londres, Enrico Rosseni entretient une liaison avec Elizabeth Seccles, l’une de ses élèves. Lors d’une escapade au bord de la Tamise, le couple est témoin du meurtre sordide d’une jeune femme…
Ombre et lumière
Morceau de choix de la salve de titres du Chat Qui Fume de ce mois de juillet, Mais qu’avez-vous fait à Solange ? plonge le spectateur venu se rincer l’œil dans une spirale de crimes sordides où l’innocence de jeunes filles en fleur et à la cuisse légère est sérieusement remise en question. Pas loin d’être un chef d’œuvre, ce giallo de 1972 marque le point culminant de la filmographie de Massimo Dallamano, artisan génial et bourru disparu bien trop tôt.
C’est en 1976 à l’âge de 59 ans tout juste que Massimo Dallamano tire sa révérence. Natif de Milan, Dallamano connut deux carrières bien distinctes au sein de l’industrie cinématographique italienne. La première débute au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et s’étend jusqu’à la deuxième moitié des années 60. Travailleur, compétent, Dallamano se construit une belle réputation en tant que directeur de la photographie. Œuvrant exclusivement dans le cinéma populaire, il se spécialise dans le film d’aventures et le péplum. On lui doit les images du Mystère de la jungle noire et du Tigre de Malaisie de Gian Paolo Callegari, des Nuits de Lucrèce Borgia de Sergio Grieco, des Cosaques de Viktor Tourjansky et Giorgio Venturini, de Nefertiti, reine du Nil de Fernando Cerchio ou encore du très bon Ponce Pilate de (toujours) Gian Paolo Callegari et Irving Rapper où Jean Marais campe le tristement célèbre gouverneur romain. La consécration, Dallamano l’obtient en travaillant pour Sergio Leone sur le doublé Pour une poignée de Dollars / Et pour quelques Dollars de plus en 1964 et 1966. Sitôt le On a volé la Joconde de Michel Deville en boîte, il raccroche pour se consacrer à la mise en scène. Un western – forcément ! – ouvre le bal, il s’agit de Bandidos. Le giallo suit de près avec Le tueur frappe trois fois en 1968. Deux adaptations de classiques de la littérature l’imposent comme un cinéaste à suivre de près. Vénus en fourrure et Le dépravé proposent, respectivement, des versions très personnelles des romans de Léopold Von Sacher-Masoch (La Vénus à la fourrure) et d’Oscar Wilde (Le portrait de Dorian Gray). Mais c’est avec Mais qu’avez-vous fait à Solange ?, giallo nerveux, malsain et ambigu que Dallamano frappe fort. Très fort.
Une étude en jaune
Un tueur ganté à l’identité mystérieuse, des meurtres sadiques à l’arme blanche, quelques images fugitives à déchiffrer, un héros dépassé et même un score (superbe) d’Ennio Morricone. À première vue, Mais qu’avez-vous fait à Solange ? respecte à la lettre les règles du giallo selon il signore Dario Argento. Et pourtant. Dallamano, par sa mise en image nerveuse et rentre-dedans, s’éloigne volontairement du fétichisme et du symbolisme stylisé de la trilogie animale du maestro, laquelle venait de se conclure l’année précédente avec Quatre mouche de velours gris. De toute évidence, les deux cinéastes ne partagent pas non plus la même vision de la femme et de la sexualité. Tel un Verhoeven transalpin, Massimo Dallamano se veut bien plus frontale et confronte, sans détourner le regard, femmes-enfants, putains, victimes, matrones ou épouses frigides à une société masculine hypocrite, lâche, violente et phallocrate jusqu’à l’extrême (puisque le tueur, pour exercer sa vengeance plante un long couteau dans le vagin de ses cibles dénudées !). Les femmes ne sont jamais ce que l’on croit ou ce que l’on voudrait en faire mais les hommes, eux, sont tout à fait prévisibles. Les hommes d’église condamnent mais ne voient rien et ne savent rien, les pères la pudeur se rincent l’oeil en douce, les époux frustrés n’assument leur infidélité qu’au pied du mur et ceux qui se réclament progressiste cachent bien leur sinistre jeu. Tourné intégralement à Londres, par un cinéaste italien et incluant des acteurs allemands (et une actrice espagnole, la sublime Cristina Galbo) dans son casting, Mais qu’avez-vous fait à Solange ? se paie ainsi des allures de gigantesque pied de nez radical à la Vieille Europe sur le point de subir de plein fouet les révolutions sexuelles et féministes. Une voie que le cinéaste explorera encore davantage dans La lame infernale, jumeau détraqué, furibard et bis de Mais qu’avez-vous fait à Solange ?
Bénéficiant de la très belle photo d’un certain Aristide « Joe D’Amato » Massaccesi et de la présence d’un Fabio Testi absolument parfait en mâle alpha qui fend peu à peu l’armure (et qui ressemble ici étrangement à Sean Connery), Mais qu’avez-vous fait à Solange ? Enchaîne les morceaux de bravoure au croisement du giallo, du krimi et du whodunnit mais pâtit sensiblement d’une résolution à l’emporte-pièce tout juste sauvée par un plan final émouvant sur le visage à jamais traumatisée d’une Camille Keaton en pleine régression.
Image
Depuis 2006 et l’indispensable DVD de feu Neo Publishing (nous y reviendrons), seul le blu-ray édité par Arrow Video en 2015 permettait de savourer les délices pervers du film de Massimo Dallamano dans une copie haute-définition de fort belle tenue. Fidèle à sa réputation de perfectionniste, Le Chat Qui Fume parvient à faire encore (un peu) mieux avec des contrastes respectés, une meilleure gestion du grain et une définition qui se maintient très haut même lors des scènes plongées dans pénombre. Seul un plan abîmé qui vire au jaune à la 68ème minute semblent avoir résisté aux supers pouvoirs de restauration du matou qui clope.
Son
Un souffle presque imperceptible mais tout de même bien là ne parvient pas à gâcher la fête pour deux pistes mono solides comme le roc et parfaitement équilibrées entre la musique d’Ennio Morricone et les dialogues. Quelques ambiances parviennent même à s’imposer (la nuit d’orage qui précède le meurtre de Pilar Castel). Seul regret, l’absence du doublage anglais.
Interactivité
Neo Publishing proposait déjà, outre son fameux packaging jaune très classe, des suppléments de haute volée avec la participation de Fabio Testi et du producteur Fulvio Lucisano. La galette haute-définition d’Arrow en rajoutait encore une couche avec entretiens exclusifs, analyse du genre « écolières en péril » et un commentaire audio assuré par des spécialistes du giallo. Il faudra donc céder à des pulsions complétistes car Le Chat Qui Fume propose à son tour des suppléments exclusifs. Fabio Testi, l’actice Pilar Castel et le producteur Fulvio Lucisano reviennent chacun à leur tour sur leurs carrières, sur les spécificités de l’époque et du cinéma populaire italien et délivrent au passage quelques anecdotes sur le tournage du film qui n’est qu’un sujet parmi d’autres dans une approche éditoriale assez globale, pertinente et passionnante. Une pierre de plus à l’édifice.
Liste des bonus
Dallamano et les autres avec Fabio Testi (28 minutes), Mais qu’avez-vous fait à Pilar avec Pilar Castel (24 minutes), Le grand producteur avec Fulvio Lucisano (10 minutes), Film-annonce.