MAHLER
Royaume-Uni – 1974
Support : Bluray
Genre : Drame, Historique
Réalisateur : Ken Russell
Acteurs : Robert Powell, Georgina Hale, Lee Montague, Miriam Karlin, Rosalie Crutchley, Gary Rich…
Musique : Gustav Mahler
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais et français LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 115 minutes
Editeur : BQHL Éditions
Date de sortie : 07 février 2024
LE PITCH
En 1911, alors qu’il ne sait pas qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre, le compositeur Gustav Mahler, très malade, se remémore les grandes étapes de sa vie. A l’occasion d’un voyage en train pour Vienne – son dernier voyage – les images défilent… Les relations tumultueuses avec sa femme Alma, l’enfance malmenée d’un génie en herbe,les jours de création heureuse dans une nature inspiratrice, l’atmosphère antisémite de Vienne au tournant du XXème siècle…
L’Art romantique
Cinéaste de l’excès, du chaos et du scandale, Ken Russell revenait en 1974 à ses grands amours pour la musique classique et ses plus illustres compositeurs. Ici donc un biopic de Gustav Mahler, mais qui ne se borne pas à suivre scolairement les étapes laborieuses d’une vie, plongeant littéralement dans sa musique et son esprit de créatif.
Certainement plus connu aujourd’hui pour le génial opera rock des Who Tommy, le sacrilège et interdit Les Diables ou le trip SF Au-delà du réel, Ken Russell était pourtant surtout connu en Angleterre pour son obsession pour la musique classique et ses grandes figures. Un intérêt déjà largement mis en avant durant ses années passées à la BBC où ses documentaires sur Prokofiev, Elgar, Bartok ou Debussy avaient provoqué une mini révolution en refusant justement l’approche sage et sobrement élogieuse, scrutant autant les part d’ombres de ses sujets que laissant la forme des films s’échapper peu à peu des structures les plus classiques. Quatre ans après un Music Lovers centré sur un Tchaïkovski torturé par son homosexualité et qui fut rapidement interdit par les descendants le rendant invisible jusqu’en 2019 (!), Ken Russell revient donc à ses amours avec ce portrait passionné de Gustav Mahler, figure incontournable de la musique au passage de la fin du 19eme siècle au début 20ème, qui ne fait ni le choix de se limiter à une période représentative de la vie de l’artiste, ni de retranscrire pas à pas les grandes étapes de celle-ci (de son enfance à sa mort), mais bien de se laisser emporter par sa musique pour s’efforcer de s’en approcher au plus près. Le film prend ainsi pour prétexte le dernier voyage en train de Mahler, en direction de Viennes, et surtout les échanges tendus avec son épouse Alma, les rares rencontres avec d’autres passagers ou le chef de gare, avec le visage des fans hurlants son nom à a fenêtre du comportement, pour faire échos à de lointains souvenirs, à quelques épisodes, intimes le plus souvent, et pas forcément dans un ordre totalement chronologique.
Chant de la nuit
Les liens se font ici par des thèmes (la mort très présente, l’enfance, l’amour…) et trouve une incarnation dans le mariage total de l’image et d’extraits éloquents des grandes symphonies (10 dont la dernière inachevée) et de ses opéras. Le film est ainsi construit comme un constant aller-retour entre le Malher qui se dirige vers une mort inéluctable, et un mélange de réminiscences et de rêveries où Ken Russell prend un malin plaisir à constamment chambouler les limites et les frontières. La maniaquerie de l’artiste lui faisait exiger de sa femme qu’elle fasse cesser tous les bruits de la campagne environnante afin qu’il puisse accoucher de sa symphonie pastorale : elle s’exécute dans un morceaux silencieux naïf dont la beauté romantique ne finira pas exploser que lorsque sa propre musique viendra remplacer définitivement la bande son. Même poésie, mais versée vers le mélancolique, lorsque les notes de sa sixième symphonie, dite Tragique, vient préfigurer la mort de sa propre fille. La mise en scène épouse sentiments et musiques, mais aussi les troubles psychanalytiques du monsieur (qui fut l’un des patients de Freud justement) dans un cauchemar illustrant la terreur de l’enterrement vivant alors qu’une version lascive de son épouse se laisse caresser par son amant et d’autres soldats disponibles. Mais si scandale il y eut encore avec Malher, c’est certainement pour cette longue et fabuleuse séquence venant dépeindre dans une symbolique outrée la conversion de Gutav, juif d’origine, au catholicisme afin de se dépêtrer de l’antisémitisme omniprésent de l’époque et obtenir enfin le poste convoité de directeur de l’Opera de Vienne. Dans un délire muet quasi burlesque, Russell transforme Malher en Buster Keaton sur fond d’imagerie Wagnérienne détournée en délire nazi et en hommage aux premières œuvres de Fritz Lang.
Fabuleux, unique, fou, humain et merveilleux, Malher est autant une déclaration d’amour au grand compositeur, qu’un portrait complexe de l’homme et un film intensément personnel et inventif.
Image
Presque uniquement cantonné au support DVD dans le monde (en dehors d’un inattendu Bluray Japonais), Mahler s’offre une sortie HD en France. Autre bonne surprise, si elle n’est pas exempte de défauts, la copie proposée est d’excellente qualité. La source utilisé est certainement un master vidéo à l’ancienne, mais le travail de rafraichissement et de restauration effectuée dessus est plus qu’appréciable avec un nettoyage très poussé des cadres et un effort certain pour en préserver son grain et ses matières. Les séquences en pleine lumière sont superbes, et seules celles plus sombres ou aux mouvements plus vifs font apparaitre quelques élans flous ou même quelques artefacts.
Son
On laisse de coté la version française, plutôt bien mixée certes mais aux voix et au jeux pas toujours convaincants, pour profiter d’une version originale LPCM 2.0 qui retranscrit parfaitement aussi bien les dialogues à l’économie et les ambiances discrètes, que la puissance des élans musicaux. Rien à redire.
Interactivité
Il n’existe pas vraiment de matériau éditorial connu autour du film et la plupart des personnes engagées ayant disparu, il faudra donc se contenter des petits essais des éditeurs pour accompagner le programme. En plus d’un petit livret dédié, BQHL a invité le critique Justin Kwedi de La Septième Obsession pour une présentation relativement classique du film (origines, production, thèmes, réception), et l’habitué Rafik Djoumi a ouvrir la réflexion sur les rapports de Ken Russell avec le monde de la musique et les grands compositeurs, par une présentation de ses nombreuses réalisations portée par les orchestres symphoniques ou le rock plus moderne.
Liste des bonus
Livret, Ken Russell et la musique par Rafik Djoumi (32’), Présentation exclusive du film par Justin Kwedi (24’).