MAGNUM 44 SPECIAL
La legge violenta della squadra anticrimine – Italie – 1976
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Stelvio Massi
Acteurs : John Saxon, Lee J.Cobb, Lino Capolicchio, Renzo Palmer, Rosanna Fratello, Antonella Lualdi…
Musique : Piero Pintucci
Durée : 95 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Italien, français, anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français, anglais
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 19 mars 2024
LE PITCH
A Bari, le commissaire Jacovella cherche par tous les moyens à mettre sous les verrous Ragusa, un industriel en apparence respectable, mais qui se livre à des activités frauduleuses. Lors d’un braquage, un policier est tué. Mais le tueur, un adolescent plein de remords, détient des preuves pour faire tomber Ragusa…
Crimes en première page
Éléphant Films continue de nous régaler avec sa collection dédiée au néo-polar italien en exhumant un film assez confidentiel du genre, Magnum spécial 44. Réalisé par le spécialiste Stelvio Massi, ce polar mélancolique et social se démarque de ses habituels films d’action et bénéficie d’un casting de toute beauté.
Lorsqu’on songe à la carrière de Stelvio Massi, dédiée principalement au poliziottesco, on pense évidemment à ses réalisations de la fin des années 1970 qui mettaient en vedette la star du genre Maurizio Merli dans des polars musclés à l’action omniprésente (Un flic explosif). Mais en 1976 quand sort ce Magnum spécial 44 (titre français désolant, l’original appuyant plutôt sur la violence de la police), Massi n’a pas encore entamé sa fructueuse collaboration avec Merli et sort du succès de sa trilogie Mark il poliziotto, toujours inédite en France. Bien que déjà à l’aise avec les séquences d’action et de tension (la scène du braquage avec la cavale qui s’ensuit est particulièrement réussie), le cinéaste lorgne ici plutôt vers un polar social en s’intéressant particulièrement au poids de la presse et des journalistes. De nombreuses séquences ont ainsi été tournées dans les locaux de La gazzetta del mezzogiorno, le journal de la ville de Bari où fut tourné le film. Permettant de scander le récit, ces passages permettent aussi de mettre en valeur l’un des seconds rôles les plus importants du genre, Renzo Palmer, en rédacteur en chef partant en conflit ouvert avec le ténébreux commissaire Jacovella.
A l’instar de Comment tuer un juge ? de Damiano Damiani, la presse devient ainsi un acteur à part entière de l’enquête quitte ici à la mettre en péril, notamment en publiant les photos d’un fugitif qui dès lors verra ses jours comptés… A la fois à la recherche de sensationnalisme mais également épris de justice, le personnage ambigu de Palmer piquera d’ailleurs la vedette à celui tenu par John Saxon qu’on a plus souvent l’habitude de voir de l’autre côté de la barrière dans les poliziottesci (Le cynique, l’infâme, le violent). Même si ce rôle de commissaire individualiste et autoritaire lui va comme un gant, il faut bien avouer qu’il reste superficiel au contraire des excellents seconds couteaux qui peuplent la pellicule de Massi.
Province violente
Le spécialiste du Bis Dardano Sarchetti, qui collabora à de nombreuses reprises avec Umberto Lenzi, ainsi que Lucio De Caro (Société anonyme anti-crime) signent un scénario de bonne facture dépeignant une mafia de province en décrépitude et une police à bout de nerfs en confrontation malgré une violence commune aux deux parties. La véritable réussite du film repose finalement sur l’irruption d’un couple de pauvres tourtereaux campé par la chanteuse Rosanna Fratello et Lino Capolicchio, l’inoubliable acteur de La maison aux fenêtres qui rient. Sombrant dans le banditisme pour sortir de sa misérable condition, ce dernier se retrouvera au pied du mur après avoir tué un policier et volé un document compromettant au parrain Ragusa, interprété avec brio par la légende Lee J.Cobb ici dans son dernier rôle (il décédera quelques mois après la sortie du film). Décidément atypique, le film de Massi se déroule non pas dans les cités urbaines habituelles de Milan ou Rome mais dans les Pouilles, à Bari et Trani. Une atmosphère provinciale et sudiste qui fera une nouvelle fois songer aux polars de Damiani, notamment La mafia fait la loi avec un certain Lee J. Cobb dans un rôle similaire. Malgré le côté solaire de cette région du Sud, la photographie délavée de Mario Vulpiani (fidèle collaborateur de Marco Ferreri) rend au contraire une atmosphère maussade collant parfaitement à la mélancolie dégagée par le film et sa BO. Composée par Piero Pintucci, principalement connu pour ses arrangements dans la variété italienne, elle s’avère tantôt Funky, tantôt amère et triste comme la magnifique chanson de générique de Nives Gazziero « Amare senza mai pensare ». Enfin, certains d’entre nous reconnaitrons sans doute la bellissima Antonella Lualdi. Véritable star lors des années 1950-1960 où elle joua pour les plus grands (Monicelli, Pasolini, Chabrol…), elle incarne ici la femme du commissaire. C’est d’ailleurs dans ce même personnage de femme de flic que les français la connaissent puisqu’elle joua auprès de Pierre Mondy dans la série policière Les Cordier, juge et flic durant une quinzaine d’années.
Ce film un peu à part dans la filmographie de son auteur vaut donc clairement la découverte, avec son casting de qualité, sa musique entêtante et une atmosphère d’urgence bien rendue. Espérons désormais que d’autres films de Stelvio Massi intègrent les catalogues de nos éditeurs comme par exemple le très bon et méconnu Il conto è chiuso avec le boxeur argentin Carlos Monzon et l’icône Luc Merenda.
Image
Malgré quelques réserves (les couleurs apparaissent souvent ternes notamment en extérieur et on aperçoit quelques scories), le Master proposé remplit parfaitement sa fonction en nous proposant un film rare. Le travail de Mario Vulpiani est toutefois bien mis en valeur notamment lors des scènes nocturnes, parfaitement contrastées.
Son
Les différentes versions (italienne, française, anglaise) sont proposées en Mono et sont de qualité. Le mixage donne la part belle à la BO composée par Piero Pintucci, et les dialogues, bien que légèrement feutrés, restent clairs et aérés.
Interactivité
Les deux compères Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele, auteurs de Mario Bava : le magicien des couleurs, reviennent sur le caractère original du film de Massi, ses jeux de lumière notamment lors d’une séquence déchirante lors de la mort de Capolicchio ou encore le poids de la Presse dans le film.
Enfin, c’est avec grand plaisir que nous retrouvons une interview de Lino Capolicchio, qui nous a malheureusement quitté en 2022. Peu attiré par les films « commerciaux », il avoue que sa participation au film est accidentelle (il avait rencontré par hasard Massi sur un autre tournage dans les Pouilles). Il ne regrette en tout cas pas du tout, considérant que son monologue où il revient sur la mort du policier, fait partie de ses plus beaux moments de cinéma.
Liste des bonus
Livret de 24 pages, par Alain Petit ; Le film par Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele (2023, 23’) ; Entretien avec Lino Capolicchio (14’, VOST), Bande-annonce.