MADAME BOVARY & BETTY
France – 1991 / 1992
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Claude Chabrol
Acteurs : Isabelle Huppert, Jean-François Balmer, Christophe Malavoy, Jean Yanne, Marie Trintignant, Stéphane Audran, Jean-François Garreaud, …
Musique : Matthieu Chabrol, Jean-Michel Bernard, M.J. Coignard-Helison
Durée : 143 et 113 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS-HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 22 septembre 2021
LE PITCH
Madame Bovary : Au XIXème siècle, Emma Bovary s’ennuie auprès de son mari Charles, banal médecin d’une petite ville de Normandie. Elle aspire à une vie romanesque, au grand amour et au luxe.
Betty : Chassée du domicile familiale par son mari et sa belle-mère pour cause d’adultère, forcée de renoncer à ses enfants, Betty sombre dans l’alcoolisme. Dans un bar en région parisienne, elle fait la rencontre de Laure, veuve d’un médecin lyonnais, et lui raconte son histoire …
à la lettre
Deux adaptations d’auteurs majeurs de la littérature française. Deux portraits de femme. Tournés coup sur coup au début des années 90, Madame Bovary et Betty confirment, si cela était encore nécessaire, la prédilection de Claude Chabrol pour les portraits au vitriol de la petite bourgeoisie française et son amour des lettres. Le tout en épousant le point de vue décalé et fragmenté de personnages féminins complexes et tragiques, des âmes tourmentées magnifiquement incarnées par Isabelle Huppert et feu Marie Trintignant.
Entre Claude Chabrol et Madame Bovary, c’est une longue histoire. La découverte, adolescent, du roman de Gustave Flaubert a profondément marqué le futur cinéaste de la Nouvelle Vague. Et ce dernier de se jurer au tout début de sa carrière qu’il portera un jour le texte à l’écran. Ce sera finalement chose faîte en 1991, après plus de trente ans d’hésitation et d’occasions manquées. Cette nouvelle version pour le cinéma de Madame Bovary arrive d’ailleurs à point nommé pour Chabrol, fragilisé par les échecs successifs de Jours Tranquilles à Clichy et Docteur M, deux films qu’il reconnaît comme ratés. Signant lui-même le scénario qu’il travaille pour être le plus fidèle à la lettre et à l’esprit de Flaubert, Claude Chabrol s’entoure de ses habitués, devant comme derrière la caméra. Outre un Jean Yanne délectable dans le rôle du pharmacien Mr Homais, c’est l’heure des retrouvailles avec Isabelle Huppert. Magnétique dans Violette Nozaire, incroyable dans Une affaire de femmes, l’actrice est le choix rêvé pour incarner le rôle-titre. Et en effet, Huppert compose une Emma Bovary de très haute volée, jouant sur le charme, la colère, la désorientation, la tristesse et la frustration comme nulle autre. Elle est au centre de tout, émouvante même lorsqu’elle joue « faux », pari osé et payant lorsqu’il s’agit de souligner à quel point Emma est tristement à côté de la plaque. À ses côtés, Jean-François Balmer est parfaitement touchant de lourdeur et de platitude provinciale dans le costume de Charles Bovary, époux dévoué mais décevant. Toutefois, aussi luxueuse et soignée soit elle, cette adaptation de Madame Bovary ne suscite en fin de compte qu’un ennui poli. Car Chabrol, quelque part paralysé par la tâche, reste chevillé au roman et traîne ce dernier comme un boulet au pied de sa caméra. Voilà un film qui ne manque pas de savoir-faire ni de technique et encore moins d’intelligence mais qui se révèle pourtant incapable de restituer le cœur et la force de la fuite en avant suicidaire d’Emma Bovary.
Au fond du trou
Après Flaubert, Simenon. Chabrol en est bien conscient, il n’en a pas tout à fait fini avec Madame Bovary et la Betty Etamble du créateur de l’inspecteur Maigret n’est qu’une extension de l’héroïne de son film précédent et son contrepoint. Madame Bovary était le récit d’une chute, Betty sera celui d’une résurrection. Et il est amusant de noter ce qui lie et ce qui oppose les deux films. Dans les deux cas, Chabrol use de la voix-off, très régulièrement dans Madame Bovary, avec parcimonie dans Betty. Le premier est linéaire, le second est déconstruit, allant jusqu’à mettre du flashback dans du flashback. Le premier est fermement inscrit dans l’époque de son intrigue (sous Napoléon III), le second est presque intemporel, à l’exception de cette scène hilarante où la belle-mère coincée de Betty est victime d’une crise de cardiaque devant .. « Questions pour un champion » ! La première traite du luxe et de la folie romanesque, le second de la luxure et de l’infidélité. Emma Bovary et Betty Etamble ont les mêmes origines rurales et provinciales, mais si la première ne parvient pas à se hisser dans la haute société, la seconde épouse un homme dont la famille est richissime et qui a ses entrées dans les plus hautes sphères de l’Etat. Le dernier croisement entre les deux œuvres, on le déniche dans le casting du personnage principale. Egalement au générique d’Une affaire de femmes où elle jouait face à Isabelle Huppert, nominée aux Césars pour l’occasion, Marie Trintignant se glisse dans la peau de Betty et trouve là l’un de ses plus beaux rôles.
Alcoolisée jusqu’au seuil de la mort ou rayonnante dans les bras de ses amants de passage, maladroite face à son futur mari ou glaciale dans le carcan étouffant d’une famille bourgeoise, la fille de Jean-Louis et Nadine Trintignant démontre ici l’étendue de son jeu qui va bien au-delà de cette apparence de femme aux grands yeux tristes et à la voix si particulière. Femme fatale malgré elle, Betty va se décharger de son histoire et de ses blessures pour mieux renaître, « vampirisant » ainsi le personnage fantomatique que joue Stéphane Audran, autre complice récurrente de Chabrol. Moins noir que prévu, vénéneux comme il faut, sarcastique et émouvant aux bons moments, Betty marque également le vrai retour en forme de Claude Chabrol, fin prêt à s’attaquer aux chefs d’œuvres que seront L’Enfer et La Cérémonie. On aurait bien sûr aimé passer un peu de plus de temps dans le Trou, le bar au centre du film, et auprès de ses clients affectueusement surnommés les Tordus. Et l’on ne peut que regretter une fin quelque peu expédiée. Mais Betty s’avère autrement plus séduisant et vivant que Madame Bovary, « classique » trop conscient de son importance pour ne pas se révéler indigeste au moment de passer à table.
Image
Issues d’une très belle restauration où les négatifs originaux ont été scannés en 4K, les images des deux films affichent une définition remarquable avec un grain discret et des couleurs retrouvées. Reste une poignée de scènes en très basse lumière (l’appartement des Bovary à la toute fin, par exemple) où un fourmillement bien visible se conjugue avec des ambiances plus ternes.
Son
Du mono pur et dur. Pas une trace de souffle mais une absence presque totale de relief où les dialogues prennent l’avantage et où les pistes musicales se font discrètes. On notera tout de même un joli regain de dynamique sur la chanson de Michel Jonasz qui déroule sur le générique de fin de Betty.
Interactivité
Des suppléments se sont perdus entre le DVD de 2008 chez MK2 et la présente édition de Madame Bovary supervisée par Carlotta. L’interview d’Isabelle Huppert et de courts segments sur Flaubert, les figurants et le Madame Bovary de Jean Renoir resteront donc l’exclusivité de la vieille galette standard. On retrouve en revanche avec plaisir la présentation très complètes et concises de Joël Magny, auteur d’un livre sur Claude Chabrol ainsi que plusieurs scènes commentées avec beaucoup de précision par le cinéaste qui s’attarde essentiellement sur sa mise en scène, ses choix d’angles et son découpage. Betty présente la même interactivité et avec la même qualité mais peut toutefois se vanter de ne rien avoir perdu entre deux éditions. Tous ces bonus sont présentés en définition standard.
Liste des bonus
Présentations de Joël Magny (2 minutes) / Scènes commentées par Claude Chabrol (36 minutes sur Madame Bovary et 31 minutes sur Betty) / Bandes-annonces.