MAD DOG MORGAN
Australie – 1976
Support : Bluray
Genre : Western, Aventure
Réalisateur : Philippe Mora
Acteurs : Dennis Hopper, Jack Thompson, David Gulpilil, Frank Thring, Michael Pate, Bill Hunter
Musique : Patrick Flynn
Image : 2.40 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 103 minutes
Éditeur : Intersections
Date de sortie : 28 février 2023
LE PITCH
1853, Colonies Britanniques d’Australie : suite à un petit larcin, Daniel « Mad Dog » Morgan est condamné à 12 ans de bagne. À sa libération, il est sauvé d’une blessure par Billy, un jeune aborigène, et devient alors un bushranger, un bandit notoire en rébellion contre les autorités locales, brutales et vicieuses. Une chasse à l’homme s’engage, mais pour Mad Dog, il n’est pas question de baisser les armes.
Une légende du bush
Un nouvel éditeur arrive en ville (qui a dit que le support physique était mort) : Intersections. Et dans leur première fournée aux cotés du Dingo de Miles Davies ont peut enfin découvrir en intégralité le détonnant Mad Dog Morgan, échappée australienne pour l’inénarrable Dennis Hopper enfin libéré du montage de son The Last Movie et s’apprêtant à plonger dans le Apocalypse Now de Coppola.
Ce n’est certainement pas un hasard si Dennis Hopper a été contacté pour incarner à l’écran un authentique héros populaire australien, une figure historique que la légende a transposé en une sorte de Robin des bois local. C’est que l’iconoclaste Philippe Mora (Les Entrailles de l’enfer, The Return of Captain Invincible, Hurlements III) veut bien évidemment mêler cette imagerie rugueuse, un peu pouilleuse, avec le souffle contestataire et l’évocation de la fin du voyage du mythique Easy Rider. Denis Hopper est alors le rebelle ultime, le révolté et l’artiste en marge, lui blacklisté par Hollywood suite aux chaos du tournage et de la post-production de son The Last Movie. Il est aussi une figure de la transgression, affichant sans détour ses hautes consommations d’alcool et de stupéfiants de tous genres. D’un vieux truand baladant les autorités anglaises dans le bush sauvage, il fait une figure intensément tragique, étrange dandy mal lavé et à la barbe hirsute, la violence constamment dans les mains, la folie dans le regard, mais aussi une constante et terrible fragilité. Mêlant véritables faits historiques, légende et réinterprétation contemporaine, Philippe Mora s’attarde moins sur la sauvagerie de certaines de ses exactions, que sur la personnification d’une révolte de ce qui deviendra le peuple australien face à l’oppresseur anglais.
Chien fou aboie
Le massacre des immigrés chinois en ouverture, le terrible passage au bagne dont Morgan ressortira marqué à vie, la xénophobie envers les aborigènes ou les immigrés chinois (avec ici l’excellent David Gulipilil en ami « sauvage »), la bêtise et la pauvreté répandues, ne donnent jamais une image appréciable du pays en fondation et dirige naturellement la faute sur l’empire britannique et ses représentant de l’ordre, ne voyant en ces gens qu’un troupeau d’animaux. D’où l’importance constante des paysages sauvages, primaires, de l’Australie, une nouvelle fois célébrés par une superbe photo solaire de Mike Molloy (Link, Le Cri du sorcier, The Hit) s’approchant surtout ici des peintures d’un paradis résistant, encore pur, que des habituels déserts sauvages et dangereux de l’Ozploitation, bastion de résistance face à une civilisation autoproclamée et outils d’oppression. Outre la célébration d’une figure bien connue des australiens (Daniel Morgan a même des statues dans certaines villes), Mad Dog Morgan évoque avec une certaine truculence, le rythme erratique des biographies libres, une vision toute locale du western américain. Plans très larges en Panavision, parallèles constants entre les aborigènes et les amérindiens, chevauchées endiablées et échanges de coups de feu en pagailles, célébration d’un gangster proche du peuple et adoration d’un paysage, et donc d’un mythe, qui s’efface… On est jamais très loin du cinéma d’Arthur Penn (Little Big Man, Bonnie & Clyde), de la crudité du cousin italien, mais bien entendu nourri par le souffle et l’esthétique contestataire des 70’s. Une belle curiosité.
Image
Voilà une restauration particulièrement impressionnante, en particulier pour un film distribué à la sauvette durant des années avec des masters bien dégueux et souvent tronqués. Comme pour l’édition australienne, le bluray d’Intersections ne propose que le director’s cut du film (mais c’est largement suffisant) dans son tout nouveau master 4K effectué à partir d’un interpositif survivant. Au passage les techniciens ont retiré la quasi-totalité des taches, points et autres griffures (2-3 persistent), restabilisé les cadres et fait disparaitre les disgracieuses variations lumineuses et colorimétriques. Cette dernière est d’ailleurs éclatante avec des teintes chaudes, voir aveuglantes, et accompagne à merveille une définition d’une très belle finesse qui du coup préserve les matières, le grain et les argentiques organiques de la pellicule.
Son
Pas de version française à l’horizon (existe-t-elle ?) en tout cas le mono anglais d’origine disposé sur un DTS HD Master Audio 2.0 est aussi direct qu’efficace avec une clarté bien maitrisée, quelques effets dynamiques bien organisés et une énergie omniprésente.
Interactivité
Le nouvel éditeur Intersections séduit d’emblé par la simplicité, et donc l’élégance, du design de son fourreau contenant un boitier amaray plus classique. A l’intérieur de ce dernier on trouve d’ailleurs un petit livret d’une vingtaine de pages qui retrace la figure centrale du bushranger dans l’histoire du cinéma australien. Très intéressant mais malheureusement quelques coquilles d’impressions nous empêchent de profiter de l’intégralité du texte.
Dans la même dynamique le bluray propose une rencontre avec Éric Peretti (un habitué des bonus chez Artus et autres) qui lui se concentre avec beaucoup de précision sur la renaissance du cinéma australien dans les années 70 et les origines et caractéristiques de la Ozploitation.
Bien entendu le réalisateur Philippe Mora est bien présent avec un petit détour en voix off sur les anciens lieux de tournages, ainsi que par une interview plus classique mais particulièrement intéressante. Cette dernière revient sur les origines du film, s sortie et sa difficile distribution mais aussi et avant tout sur la collaboration très particulière avec Dennis Hopper, alors en plein période psyché, passant d’un professionnel acharné au collaborateur délirant et pas toujours bien gérable. Plein d’anecdotes et beaucoup de sympathie se dégagent de ce moment. Reste dans la foulée le Making of d’époque, plutôt complet avec de nombreuses images de tournage et une interview forcément décalée de la star et une interview radio d’époque du réalisateur qui complète sobrement le tout. Il y a de quoi faire.
Liste des bonus
Livret de 28 pages contenant un essai de Melvin Zed sur la figure du Bushranger dans le cinéma australien, Entretien avec Philippe Mora (34min, VOSTF), Introduction à la Nouvelle Vague Australienne par Éric Peretti (24min, VF), Les lieux de tournage (14min, avec commentaire de Philippe Mora en VOSTF), Making of d’époque (25min, VOSTF), Interview radio d’époque de Philippe Mora illustrée d’images d’archives (14min, VOSTF), Bande annonce.