On a de cesse d’essayer de comparer Keaton avec Chaplin. Pourtant, si tous deux œuvrent dans la comédie, leur génie n’empiète jamais ou rarement sur les plates-bandes de l’un et de l’autre. Lorsque le premier utilise l’humour comme un combat social, le second s’en sert comme exhutoire d’une société où tout le monde doit rentrer dans le moule formaté de ce monde. Question box-office, si les deux sont des vedettes reconnues, Buster est toujours loin de l’aura de Charlie. Avec Ma vache et Moi, Keaton va empiéter sur le monde de Chaplin qui connaît un triomphe avec The Kid en s’essayant à une comédie plus sentimentale. Malheureusement, sur ce pan là il ne faut pas longtemps pour s’apercevoir de la supériorité de Charlot sur un sujet qu’il maîtrise depuis bien longtemps. Pour ne pas aider, son fidèle scénariste Clyde Bruckman pointe aux abonnés absents ; ce qui se sent rapidement dans le rythme moins élaboré et conceptuel de l’histoire. Si le film fait un peu plus d’une heure vingt, on est tout de même une bonne quinzaine de minutes au-dessus des standards habituels de la comédie de l’époque et sur ce format, ça se ressent forcément.

Go Home

« Salut cow-boy, on va les rassembler vos bêtes à cornes !» Cette réplique à beau appartenir au film Wayne’s World, elle pourrait facilement se retrouver au cœur du film de Buster Keaton. Celui-ci prend le fameux thème du citadin débarquant à la campagne comme un Parisien squattant la campagne le week-end en se plaignant du bruit du monde rural. Cette thématique nouvelle en 1925 permet ainsi au réalisateur de s’amuser en mélangeant les genres et prendre excuse pour tourner un faux western, thème que l’on ne lui aurait jamais proposé spontanément. Son personnage novice en la matière aura bien du mal à se dépêtrer de la vache que l’on va lui mettre dans les pattes. Par la force des choses, il va finir par la prendre en affection en mode Fernandel avec sa génisse Marguerite dans La Vache et le prisonnier d’Henri Verneuil. Buster Keaton s’amuse à se moquer gentiment de ces deux versants de la société. Il délaisse ses cascades qui font encore pâlir les Jackie Chan de ce jour pour accentuer le côté candide de son personnage. Si sa caméra se montre souvent imaginative et ingénieuse, son film ne raconte au final pas grand-chose, un peu perdu entre les genres qu’il veut brasser. Il faut attendre la dernière bobine du film pour retrouver l’acteur dans son domaine de prédilection. Il gère son dernier acte de main de maître avec son flot de ruminant débarquant en ville pour y semer la zizanie. Son corps élastique et son génie comique se libèrent enfin d’un second acte boursoufflé et inégal.

S’il prête plus à sourire qu’à rire, Ma vache et moi retrouve donc Buster Keaton en petite forme sans être non plus désagréable. Comme si la vedette reprenait son souffle avant d’enchaîner les chefs d’œuvres que sont Le Mécano de la Générale et l’hilarant Steambot Bill Junior aka Cadet d’eau douce, classiques incontestés de la comédie et du septième art.