LOVE LIES BLEEDING
Royaume-Uni, Etats-Unis – 2024
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisatrice : Rose Glass
Acteurs : Kristen Stewart, Katy O’Brian, Ed Harris, Anna Baryshnikov, Jena Malone, Dave Franco, …
Musique : Clint Mansell
Durée : 104 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Anglais Dolby True HD 7.1 & Français DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 15 novembre 2024
LE PITCH
Le Nouveau-Mexique, à la fin des années 80. Lou, gérante solitaire d’une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie, une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de violence…
No Pain No Gain
Quelque peu handicapé par une écriture laborieuse et maladroite qui peine à agencer les différentes articulations d’un récit où se mêlent romance queer, film noir et body horror, Love Lies Bleeding confirme néanmoins avec un panache certain le talent singulier et la personnalité de sa cinéaste. Pour son second essai, Rose Glass (Saint Maud) entraîne Kristen Stewart et Katy O’Brian dans un voyage au bout de la nuit plein de sexe, de sueur, de sang et de corps huilés et maltraités.
Fanatisme, solitude, culpabilité, automutilation et hallucinations, le tout saupoudré en arrière-plan d’athéisme, de crise identitaire et de lesbianisme : Saint-Maud, premier long-métrage de la britannique Rose Glass mené par une Morfydd Clark transfigurée (avant qu’elle ne se ridiculise en Galadriel de pacotille pour une certaine série Amazon), s’était très justement attiré les éloges de la critique et des festivaliers un peu partout dans le monde. Se posait dès lors la question du second film, une étape toujours compliquée à négocier. La cinéaste de 33 ans tiendrait-elle toutes les promesses d’un coup d’éclat où elle avait su digérer des influences aussi écrasantes que Roman Polanski et Ken Russell sans jamais s’effacer derrière une cinéphilie très marquée, se distinguant par une stylisation soignée et une sensibilité joliment perverse ?
Pour tous ses défauts structurels (sur lesquels nous reviendrons plus loin), Love Lies Bleeding est bel et bien un film de Rose Glass et ce, jusqu’au bout des ongles. Bien qu’ayant abordé la promotion de son nouveau bébé en revendiquant cette fois-ci l’influence du Showgirls de Paul Verhoeven, Glass trace un sillon bien différent, quelque part entre la Julia Ducourneau de Titane, le David Lynch de Lost Highway et le John Dahl des débuts. Le seul point commun entre le film de strip-teaseuses de notre hollandais préféré et Love Lies Bleeding se situe dans les trajectoires parallèles du personnage jadis incarné par Elizabeth Hurley et celui incarné aujourd’hui par Katy O’Brian, deux femmes indépendantes échappées du Midwest et prêtes à soumettre leur corps à toutes les souffrances pour réaliser leur rêve de gloire sur une scène de Las Vegas, un geste d’émancipation noyé dans la vulgarité clinquante de ce foutu Rêve Américain. La comparaison s’arrête là, la vision de Rose Glass s’éloignant de l’énergie cinétique insolente de Showgirls pour se lover avec grâce dans un cinémascope crépusculaire et atmosphérique traversée de sorties de routes oniriques au son de nappes synthétiques planantes.
La lune dans le caniveau
Love Lies Bleeding tire sa force et son indéniable pouvoir de fascination d’une histoire d’amour entre deux femmes, une histoire d’amour pas tout à fait comme les autres et la rencontre de deux âmes blessées et solitaires, hantées par des pulsions de violence et de destruction. L’alchimie entre Kristen Stewart, gérante d’une salle de sport qui soupçonne son père, un trafiquant d’armes local et meurtrier notoire que le FBI tente de coincer depuis plusieurs années (Ed Harris, affublé d’une tignasse spectaculaire et rejouant la partition menaçante de A History of Violence), d’avoir assassiné sa mère et Katy O’Brian, une jeune bodybuildeuse bisexuelle fuyant une famille castratrice pour remporter un championnat de culturisme, est totale. Refusant les standards habituels des romances lesbiennes, les scènes d’amour entre les deux actrices dégagent une sensualité troublante et authentique mais sans le moindre voyeurisme. Un tour de force érotique qui distingue Love Lies Bleeding du tout venant et lui confère une identité palpable et vénéneuse. Cette passion, la cinéaste la pousse jusque dans ses ultimes retranchements à l’occasion d’un climax particulièrement osé, entre poésie rose bonbon et fantaisie de comic-book, et dont nous tenons à vous laisser la surprise.
Seule à la manœuvre sur le scénario de Saint-Maud, Rose Glass s’est ici offert les services de la scénariste polonaise Weronika Tofilska (les séries Hanna et His Dark Materials mais aussi, et surtout, Baby Reindeer, phénomène Netflix de ce printemps 2024). Une collaboration loin d’être aussi fructueuse que prévue. Film mutant aux ambitions pulp, Love Lies Bleeding ne parvient que très rarement à marier les genres vers lesquels son histoire s’aventure. Reposant sur un coup de sang pas très crédible, le virage vers le film noir s’effectue au forceps et la violence du moment ne fait guère illusion. Les choses se compliquent à chaque rebondissement majeur, avec des irruptions de personnages qui tombent comme un cheveu sur la soupe (la palme à la lesbienne envahissante et aux chicots pourris interprétée avec une outrance agaçante par Anna Baryshnikov) et un happening familial inabouti qui lance le dernier acte. Quant au body horror lié à la prise de stéroïdes par le personnage de Katy O’Brian, bien qu’amusant et parfois saisissant, il tient plus de l’effet de mode lié à un genre très prisé des nouveaux cinéastes indépendants que d’une métaphore pertinente sur le culte du corps parfait.
Et pourtant … Et pourtant … On ne peut pas nier que Love Lies Bleeding s’accommode en fait plutôt bien de sa structure de vilain petit canard, ses défauts accentuant en fin de compte sa superbe bizarrerie. C’est ce qui s’appelle savoir retomber sur ses pattes. Rose Glass aurait-elle neuf vies ? C’est tout ce qu’on lui souhaite.
Image
Semble-t-il exclusive à une édition US concoctée par A24, la copie en 4K Ultra-HD cède par chez nous la place à un blu-ray très soigné mais à la définition fluctuante, avec des scènes sombres aux contours parfois incertain. Ces menus défauts sont contrebalancés par des contrastes maîtrisés, une compression robuste et une colorimétrie dont les variations surprenantes s’épanouissent ici à merveille.
Son
Forcément, la piste française DTS-HD 5.1, très performante mais moins subtile, ne fait pas tout à fait le poids et n’a pas la profondeur enveloppante de la VO en Dolby True HD. Même avec une installation rudimentaire, la différence d’impact et de spatialisation entre les deux mixages est évidente. Il suffit pour s’en convaincre de comparer VF et VO sur une scène aussi viscérale que celle où une Katy O’Brian hallucine qu’elle vomit sur scène le corps de Kristen Stewart (oui oui!) pour constater la teneur purement viscérale d’effets sonores parfaitement restitués en 7.1.
Interactivité
Metropolitan a ici choisi de privilégier l’emballage sur le contenu avec une édition dite limitée avec jaquette réversible, livret, poster et cartes postales. Sympa mais pas sûr que cela fasse oublier un commentaire audio de la réalisatrice et de sa scénariste privée de sous-titres alors que le propos est riche et soutenu et évoque de nombreuses scènes coupées et alternatives ou encore une featurette expéditive et frustrante. Un peu triste tout ça.
Liste des bonus
Commentaire audio (VO) de la réalisatrice Rose Glass et de la scénariste Weronika Tofilska, Featurette « Sex, Steroids & Codependency » (7’), Bande-annonce.