LOVE IN A FALLEN CITY
傾城之戀 – Hong-Kong – 1984
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Ann Hui
Acteurs : Chow Yun-Fat, Cora Miao, Jovy Coudrey, Chiao Chiao…
Musique : Man-Yee Lam
Durée : 95 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Mandarin DTS HD Master Audio 5.1, Cantonnais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 31 août 2021
LE PITCH
L’histoire se passe en grande partie à Hong Kong, en 1941. Bai Liusu, divorcée depuis plusieurs années, vit dans l’atmosphère étouffante de la maison familiale. La seule manière d’échapper à cette ambiance serait de se remarier. Faisant fonction d’intermédiaire pour le mariage d’une des filles de la famille Bai, madame Xu entreprend en même temps de « caser » Liusu. Madame Xu lui offre cependant un échappatoire : partant à Hong Kong rejoindre son mari qui fait des affaires avec Fan Liuyuan, elle invite Liusu à partir avec elle, sous prétexte de s’occuper des enfants pendant le voyage. Commence alors, dans l’ambiance mondaine de la colonie britannique, un jeu du chat et de la souris entre Bai Liusu et Fan Liuyuan.
Our Story
Première adaptation d’une œuvre de Eileen Chang pour Ann Hui avec Love in a Fallen City, romance qui se heurte une nouvelle fois aux bouleversements de la société chinoise. L’une des dernières grandes productions de la Shaw Brother et un Chow Yun-Fat, comme toujours, séducteur en diable.
Désormais connu et reconnu grâce aux succès de The Story of Woo-Viet et surtout à un Boat People reconnu internationalement, Ann Hui est une valeur montante lorsqu’elle se lance dans sa première adaptation d’une œuvre de la célèbre (du moins en Chine) Eileen Chang qui a totalement révolutionné la littérature chinoise dans les années 40/50. Une approche plus réaliste, plus humaniste et qui surtout replace les femmes au centre du récit, et en livre des portraits profonds, revendicateurs en tout cas, dans une culture où cette voie est souvent éteinte. Un parcours et des thèmes qui font inévitablement écho avec Ann Hui, seule femme de la nouvelle vague chinoise, qui se détache du cinéma de genre de ses collègues. Le choix va se porter sur le roman Love in a Fallen City, rencontre mélodramatique entre une femme divorcée, indépendante, et un charmeur dandy, dont les longues séances de séductions révèlent en filigrane la teneur des rapports homme-femme dans la chine des années 40 et surtout insiste, comme souvent chez la romancière, sur le carcan imposé par la société, et plus violemment encore par la sacrosainte famille. Malheureusement, il faut avouer que le film n’arrive que partiellement à en capturer le souffle, faisant de Bai Liusu (Cora Miao) un personnage assez effacé, timide et donc pas forcément à la hauteur de la prédation mise en place par un Chow Yun-Fat déjà aux sommets de son charisme.
Elle et lui
De cette disharmonie, et de la lourdeur de quelques dialogues dont, les références culturelles peuvent parfois nous échapper, le couple semble hésiter longuement entre rapprochements et éloignements sans que la logique soit totalement convaincante. Une situation qui s’accélère cependant dès que le Japon entame son invasion de la Chine, jouant alors comme un catharsis presque libérateur abattant les codes, les postures et les résistances, leur permettant d’assumer leur amour pleinement. L’opposition entre la sincérité de leur romance, devenue d’une simplicité évidente, et un Hong-Kong en proie au chaos, presque en ruine, éclaire alors avec pertinence la longue première partie du film. Une étude presque sociologique qui illustre la construction en states, en autorité pyramidale au sein même de la famille bourgeoise chinoise, faite de décisions arbitraires, de jugements cruels et de mariages arrangés qui ne serait pas sans rappeler quelques célèbres romans anglais (Jane Austen par exemple). Comme pour Eighteen Springs quelques 13 ans plus tard, Ann Hui excelle dans la description de ce microcosme étouffant, tout comme dans la reconstitution d’une époque, celle de la chine coloniale, entre insouciance, occidentalisme et signes d’une décadence annoncée.
Un joli film le plus souvent, imparfait mais constamment réalisé avec pudeur et finesse, qui ne trouvera pas totalement son public lors de sa sortie en salle, ce qui sera un nouveau coup dur pour la célèbre Shaw Brothers. Un studio mythique qui tentait alors d’investir dans la nouvelle génération de cinéastes et de talents mais qui peinait, comme Ann Hui ici, à trouver le bon accord.
Image
A priori voilà une nouvelle petite exclusivité pour Spectrum Films puisqu’à notre connaissance il n’existe nulle part ailleurs de Bluray pour ce film. Désormais collaborateur privilégié de la Shaw Brothers, l’éditeur français a eu accès une assez jolie source (sans doute la même qui fut utilisée pour le très bon, à l’époque, DVD de Celestial Pictures) offrant des cadres relativement propres (quelques points blancs persistent) et surtout une définition très généreuse qui souligne la profondeur des plans et l’élégance de leurs compositions. Les détails sont bien présents, mais la restauration numérique perturbe un peu parfois la finesse de l’ensemble par quelques zoom plus floconneux ou des abords vaporeux.
Son
Le choix est lancé entre deux versions. D’un côté un doublage mandarin remixé en DTS HD Master Audio 5.1 qui reste finalement assez sobre sur sa spatialisation (le film est tout de même très intimiste). On lui préférera la version originale cantonaise proposée dans un DTS HD Master Audio 2.0 très clair et bien équilibré.
Interactivité
Encore une édition joliment soignée pour Ann Hui chez Spectrum Films, qui s’ouvre comme il se doit par une présentation très informative de Arnaud Lanuque, replaçant la relation artistique entre la réalisatrice et la romancier Eileen Chang, soulignant les qualités du film, ses particularités historiques (sujet, lieux de tournages) et discours d’un message politique sous-jacent. La réalisatrice s’en défend d’ailleurs dans un court entretien récupéré d’une ancienne édition DVD (tout comme l’intervention de Maggie Q, fan du film, et d’un journaliste anglais). Même si la rencontre est trop courte, Ann Hui évoque ses premières années, sa passion pour King Hu et Chang Che et effectivement botte en touche dès qu’il est question de politique. On retrouve aussi le portrait passionnant de la romancière Eileen Chang par la spécialiste Brigitte Duzan. Mais la bonne surprise vient de la présence du joli court métrage inédit en France My Way (extrait de l’anthologie Beautiful 2012) évoquant avec beaucoup de sensibilité les quelques jours qui précèdent l’opération d’un homme transgenre. Avec en prime une très belle interprétation de l’inattendu Francis Ng.
Liste des bonus
My Way – Court-métrage réalisé par Ann Hui (20’), Présentation du film par Arnaud Lanuque (13’), Eileen Chang par Brigitte Duzan (9’), Interview de Ann Hui (8’), Interview de Maggie Q (5’).