LIONS ET AGNEAUX

Lions for Lambs – Etats-Unis – 2007
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Robert Redford
Acteurs : Robert Redford, Meryl Streep, Tom Cruise, Michael Pena, Andrew Garfield, Peter Berg,
Musique : Mark Isham
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et français LPCM 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 92 minutes
Editeur : BQHL Éditions
Date de sortie : 8 août 2024
LE PITCH
Dans les montagnes enneigées d’Afghanistan, un hélicoptère de l’armée américaine est abattu par les Talibans. Perdus en milieu hostile, les soldats sortis indemnes du crash luttent pour survivre en attendant d’éventuels renforts. Le sénateur Jasper Irving, responsable de l’échec de l’opération, préfère abandonner les soldats et négocie le retrait des troupes américaines embourbées dans une guerre mal préparée. Le sort des GI’s ne tient plus qu’entre les mains d’une journaliste et d’un universitaire qui se battent pour leur cause…
Prise de parole
Sept ans après un anecdotique (mais joli) La Légende de Bagger Vance, le grand Robert Redford, reprenait enfin la caméra prêt cette fois-ci à confronter l’Amérique à son visage délétère et son apathie. Non pas en balançant outrageusement sa propre opinion à l’écran, mais en ouvrant sobrement une conversation. Modeste certes mais pas inutile.
Retour donc en 2007, où six ans après le 11 septembre, le pays s’était enfoncé dans le régime de la peur, les grandes invasions idéologiques et un sommeil réflexif des plus inquiétants. Le règne du gouvernement Bush et le réveil d’une culture de la vengeance et de l’expansionnisme militaro-industriel qui rappelait forcément à certains, dont Redford naturellement, les tristes années de la Guerre du Vietnam. Produit à peu de frais via l’historique United Artist et un coup de pouce financier de la star Tom Cruise, Lions et agneaux raisonnait alors comme une reprise de la parole, ou du moins une ouverture claire vers une discussion qui avait été stoppée dès le 12 septembre 2001, écrasée sous le poids du choc et du patriotisme généralisé. Tout est donc dans le texte, dans le verbe, le film se réduisant à deux huis clos où deux discussions plus ou moins houleuses font rage, et au centre deux jeunes militaires américains, tombés d’hélicoptère en pleine zone ennemie.
disputatio
Les victimes d’un nouveau plan stratégique du sémillant sénateurs républicains, incarné avec charisme et froideur calculé par un Tom Cruise idéal, qui tente dans son bureau de vendre son grand plan à une journaliste vétéran, Meryl Streep, trop habituée à vendre la soupe et retrouvant enfin un peu de son mordant. Ces deux jeunes gens sont aussi les anciens étudiants d’un professeur de politique, Redford himself qui joue de sa stature de vieux sage fatigué, qui s’efforce alors de convaincre un élève prometteur, le tout jeune Andrew Garfield, de ne pas se perdre dans l’indolence et, d’une certaine façon, de reprendre le flambeau. Ceux qui parlent et au cœur ceux qui ont décidé d’agir autant pour de bonnes que de mauvaises raisons. C’est malheureusement cette section qui souffre ici le plus du manque de moyens et d’intensité, la longue attente face à l’avancée ennemie semblant presque tournée en studio avec ses accents factices et les quelques échanges de coups de feu hésitant entre la mollesse et le sentimentalisme pataud. Dommage. Mais le reste du métrage se marie beaucoup mieux avec cette mise en scène minimaliste, posée et précise, mettant en avant les performances admirables de quatre grands acteurs (mention spéciale comme toujours à madame Streep) et la justesse de leurs échanges. Un dialogue presque philosophique d’un coté sur l’importance de l’engagement et de la reprise en main de son destin et de celui de son pays, et une analyse pertinente des méthodes de l’administration Buch et de l’autre l’effacement de la voix journalistique de l’autre, avec constamment un didactisme certes très présent, mais jamais plombant ou tirant vers le prosélytisme idéologique.
Beaucoup de justesse et d’intelligence dans un film qui en effet ne s’empare pas totalement, comme il aurait pu, des attributs d’un cinéma plus formel ou la nervosité d’une œuvre dossier, mais vient constamment poser les bonnes questions, décrivant en filigrane une nation au pied du mur entre des politiques ne pensant qu’à construire leur carrière, des journalistes à retranscrire les informations sans plus les remettre en question, une jeunesse désengagée et une ancienne garde démocrate désabusée. 17 ans plus tard, la conversation n’a pas trouvé de conclusion.
Image
Lions et agneaux n’était sorti jusqu’à aujourd’hui qu’en DVD. Pourtant le master HD date bien de la première sortie du film (2009 pour le bluray US pour être précis) et un forcément un peu marqué par la grande douceur et les petites imprécisions des premières générations de Bluray. Ici cela se ressent essentiellement dans les quelques scènes nocturnes dans le blizzard en Afghanistan ou dans quelques arrière-plans, sans que cela soit vraiment handicapant. Car l’image est bien propre et bien tenue, les contrastes homogènes et précisément dessinés et que l’ensemble profite d’un piqué tout à fait convaincant.
Son
Comme toujours BQHL opte pour un traitement sonore LPCM (source non compressée) plutôt que le DTS HD Master Audio de la galette US. Cela n’empêche pas le 5.1 de délivrer une spatialisation plutôt fluide et naturelle, avec de toute façon un accent plus prononcé sur les dialogues et leur énergie que sur de quelconques considérations spectaculaires.
Interactivité
Cette édition s’avère plutôt complète avec une reprise appréciable des suppléments de la sortie US à savoir un petit making of du film et son extension plus centrée sur le scénario et ses inspirations, qui permet de voir Redford et ses interprètes revenir sur leurs personnages, leurs motivations, leurs réflexions et le débat politique proposé à une époque où les remises en question post-Guerre en Irak commençaient seulement à émerger. Plutôt sobres mais assez informatifs, ils sont joliment complétés par un commentaire audio (sous-titré) du réalisateur qui, même s’il s’essouffle un peu sur la fin, revient sur le choix des acteurs et ses retrouvailles avec Meryl Streep, la signature des United Artist, les réalités d’un film à petit budget, quelques questions techniques et bien entendu sa vision du cinéma dit « engagé ».
A cela BQHL a décidé tout de même d’apporter sa petite pierre en enregistrant une rencontre très intéressante avec Philippe Durant (auteur d’ouvrage sur Mickey Rourke, Gabin ou Ventura) qui aborde Lions et agneaux justement par le prisme de la place particulière de Redford dans l’histoire du cinéma américain, ses choix habituels de sujet et sa réflexion autour des évolutions politiques et idéologiques de son pays.
Liste des bonus
Commentaire audio de Robert Redford, « Du synopsis au film » (8’), Making of (21’), « Robert Redford, l’indépendant humaniste » par l’historien du cinéma Philippe Durant (40’).