L’IMPORTANT C’EST D’AIMER
France, Italie, Allemagne – 1975
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Andrzej Zulawski
Acteurs : Romy Schneider, Fabio Testi, Jacques Dutronc, Klaus Kinski, Claude Dauphin, Roger Blin…
Musique : Georges Delerue
Durée : 113 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Aucun
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 15 février 2022
LE PITCH
Sur le tournage d’un film, Nadine Chevalier est humiliée par la réalisatrice, sous les yeux de Servais Mont, un photographe indépendant. Ému par le traitement indigne infligé à l’actrice, il passe la voir dès le lendemain à son domicile. Il y rencontre Jacques, son mari, un homme excentrique dissimulant un mal profond. Le jour d’après, Nadine et Servais se revoient. Une amitié profonde naît entre ces deux êtres que la vie a fragilisés. Sans lui en parler, Servais décide d’offrir à Nadine un premier rôle dans une pièce de théâtre. Mais, pour ce faire, il est obligé d’emprunter une grosse somme d’argent à Mazelli, un maître chanteur…
à la folie
Entrée fracassante d’Andrzej Zulawski dans le paysage cinématographique français, L’Important c’est d’aimer fut un succès à la hauteur des vagues de rejet total et du scandale qu’il put tout aussi bien provoquer. Aussi culte qu’essentiel donc, et certainement le portrait le plus à vif de l’immense Romy Schneider.
Adapté du roman de Christopher Frank, La Nuit américaine, L’Important c’est d’aimer est un mélodrame. Un gigantesque mélodrame aux sentiments exacerbés, aux amours passionnels, aux accents mélancoliques déclamés par le thème musical obsédant de George Delarue et incarné à l’écran par la sublime et fragile Romy Schneider et le fort et séduisant Fabio Testi. Sauf que c’est aussi le premier film français de Andrzej Zulawski, chassé de Pologne après La Troisième Partie de la nuit et Le Diable jugés anti-communistes, qui fait plier littéralement et violent le genre sous son âme noire, sa vision désespérée et âpre du monde qui l’entoure. On y retrouve encore en arrière-plan des consonances d’une vision presque fantasmée du cinéma français, et plus particulièrement du petit monde élégant du polar hexagonal (costumes, attitudes), mais ce sont surtout plus que des échos, des fantômes d’un monde éteint, pourrissant. Le rapport au cinéma dans L’Important c’est d’aimer est fascinant, celui-ci ne persistant plus que par des photos collectionnées par le clown triste et impuissant (Jacques Dutronc) qui sert de mari à l’héroïne, ou par une ouverture convulsive la montrant elle, chevauchant un homme en sang, sur le plateau de tournage d’un film de cul manifestement Z. Incapable de dire « je t’aime » à son partenaire, elle est photographiée par Servais, pour un portrait déchirant qui porte tout le film dans un regard. La fiction en instantané qui retrouvera son reflet dans le dernier plan du film où les caméras ont déserté, le sang et les plaies sont devenues réels et les sentiments enfin exprimables.
La faiblesse des sentiments
Un film de l’(amour) impossible, dont celui d’une histoire d’amour anti-hollywoodienne sans exacerbations larmoyantes, sans simplicité de l’évidence, où chacun doit réussir à s’extraire du tombeau dans lequel il s’est enterré. Elle, ce sont ses rêves d’actrice ratée et la dette qu’elle estime avoir envers son époux. Lui des désirs de photographe artiste qu’il épanche en photographiant des partouzes sordides pour le compte d’un mafieux local. Des retrouvailles qui tardent, une relation qui pourrie littéralement sur place et qui exulte avec violence, avec rage, avec mépris, même lorsque Servais signe un pacte avec le diable afin d’aider à financer une représentation de Richard III pour qu’elle puisse y briller. Partenaire d’un Klaus Kinski toujours aussi dément et inquiétant, poussée à bout par un metteur en scène dont le lyrisme, les excès et les accents baroques semblent être des exaltations de la personnalité de Zulawski, Romy Schneider se confond plus que jamais avec son personnage. Ses failles affichées, sa mélancolie, sa fatigue évidente… Elle incarne jusqu’aux bord de la folie un film en constante convulsion, souffrant, suintant, crevant d’aimer malgré le cauchemar qui l’habite. Malaisant, puissant et bouleversant.
Image
Pas de copie UHD pour L’Important c’est d’aimer, sans doute parce que le master lui-même n’est pas aussi performant que celui de Possession. La restauration reste évidente et le résultat dépasse évidement l’ancien DVD de Studio Canal mais malgré des cadres très propres, un grain plutôt bien géré et des noirs qui se maintiennent sérieusement, la définition semble parfois un poil en retrait. Sans doute aussi à cause d’une photographie initiale volontairement terne et des scènes intérieures qui ne cherchent jamais la lumière et la clarté. Un film décidément pas facile, mais Le Chat s’en sort franchement bien.
Son
La piste mono française se voit présentée en DTS HD Master Audio pour un résultat plus clair et posé que jamais. Aucune perdition à noter, la restitution est limpide. Attention cependant, Zulawski a volontairement travaillé son mixage en jouant sur les niveaux de certains dialogues et les chevauchements de sources, ce qui rend certaines séquences assez perturbantes de ce point de vue là.
Interactivité
Encore une très belle édition pour l’éditeur français et une nouvelle preuve de son attrait pour l’œuvre de Zulawski (on nous a déjà promis un troisième film) avec comme toujours un superbe digipack avec fourreau (quel visuel !) comprenant un Bluray bien rempli.
Si la section bonus s’ouvre sur un petit reportage d’époque tourné dans les coulisses du film avec de courtes interviews de Schneider et Dutronc, ce sont surtout les trois entretiens inédits qui occupent le plus. A commencer par le cinéaste en personne, interviewé quelques temps avant sa mort, qui s’avère comme toujours pas franchement des plus faciles avec le journaliste, crache volontiers sur Les Cahiers du cinéma ou la Gaumont (« bourgeois » !), mais continue de déclamer un amour inconditionnel pour Romy Schneider. Pour lui le film lui doit tout, ou presque, et on sent dans sa voix et ses yeux l’émotion constamment prête à prendre le dessus.
Réalisateur du Vol du Phoenix avec Miou Miou et Souchon, Laurant Ferrier fut surtout très longtemps un assistant réalisateur très présent dans le cinéma français et entre autres dans pour L’Important c’est d’aimer. Après une petite évocation de ses débuts, il s’attarde avec de nombreux détails et anecdotes sur les coulisses du tournage, brossant le portrait d’un réalisateur construisant volontairement une atmosphère tendue et parfois chaotique sur le plateau, cultivant l’animosité des acteurs à l’encontre de Fabio Testi, ou se passionnant pour le tournage des séquences les plus corsées. Des passages X qui constituaient d’ailleurs l’une des matières premières du premier montage de trois heures aujourd’hui totalement perdu. Entre les deux, on trouve aussi une rencontre avec Fabio Testi justement, souvent décrié par la critique et les autres membres de l’équipe et qui pourtant reste ici très élégant, parle de sa collaboration avec les autres acteurs, de sa difficulté de trouver un point d’accroche au personnage et l’excellent accueil qu’à connu le film.
Liste des bonus
Sur le tournage de L’important c’est d’aimer, images d’archives (4’),
Entretien avec Zulawski (16’), « L’important c’est Romy » par Andrzej Zulawski (24’), « L’amour platonique » avec Fabio Testi (15’), « L’important c’est la folie » avec Laurent Ferrier, (42’).