LIMBO
智齿– Hong Kong, Chine – 2023
Support : Bluray & DVD
Genre : Polar
Réalisateur : Soi Cheang
Acteurs : Ka-Tung Lam, Cya Liu, Mason Lee, Hiroyuki Ikeuchi…
Musique : Kenji Kawai
Durée : 118 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Cantonnais et français Dolby True HD 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Kinovista
Date de sortie : 21 novembre 2023
LE PITCH
Dans les bas-fonds de Hong-Kong, un flic vétéran et son jeune supérieur doivent faire équipe pour arrêter un tueur qui s’attaque aux femmes, laissant leur main coupée pour seule signature. Quand toutes leurs pistes s’essoufflent, ils décident d’utiliser une jeune délinquante comme appât.
Dark City
Lauréat du Grand Prix et du Prix de la critique du festival Reims Polar 2023, Limbo de Soi Cheang a également pas mal fait parler lors de sa sortie en France, par son esthétisme marqué et un jusqu’au boutisme qui renoue avec une certaine tradition du cinéma hongkongais de Catégorie III, aux aspirations âpres et sans concession.
Limbo suit l’enquête menée par deux flics opposés (la brute et le réfléchi) à la poursuite d’un tueur insaisissable qui sectionne les mains gauches de victimes qu’il a préalablement violées. Cette traque, sur le papier on ne peut plus classique, est cependant façonnée par une esthétique très marquée et pas moins marquante. Le film a d’ailleurs été un peu rapidement vendu comme un descendant du Seven de David Fincher, dans la lignée également de l’adaptation monochrome de Sin City de Franck Miller et Robert Rodriguez. Mais au-delà des jeux de références, le film de Soi Cheang (Coq de combat, The Monkey King) résonne d’une sensibilité et d’une identité qui lui sont propres. Résolument désespéré, Limbo est thriller qui a cette faculté de graver à l’encre noir la rétine des spectateurs. En premier lieu, les partis-pris visuels puissants et évocateurs du film en font déjà un objet très accrocheur. Ce qui happe en premier lieu à la découverte de Limbo, c’est son noir et blanc extrêmement contrasté et ultra détaillé, qui crée un effet d’aplat étonnant. Pourtant initialement tourné en couleurs, le film a été basculé en noir et blanc en post-production, un choix plus que judicieux qui retranscris avec plus d’acuité encore l’atmosphère déliquescente et humide, presque de fin du monde, que le réalisateur Soi Cheang a voulu dépeindre à l’écran. Dans les bas-fonds de la cité hongkongaise décrite dans Limbo, sans réel repère de lieu ni de temps, on patauge en permanence dans l’eau, les monceaux d’ordures et autres sacs de détritus qui jonchent littéralement l’écran, tels un labyrinthe d’immondices au sein duquel se dépatouillent tant bien que mal les personnages, à la poursuite de leur serial-killer, d’une jeune délinquante ou encore à la recherche d’une arme de service perdue, sous des trombes d’eau de pluie se déversant quasiment sans discontinuer.
Hong-Kong Fist
La mise en scène du réalisateur hongkongais est significative, on pourra la trouver trop démonstrative, elle est surtout fascinante dans sa recherche de sens. Les cadrages en plongée de la caméra dominante du cinéaste écrasent un peu plus les protagonistes, Soi Cheang géométrise la composition de ses plans, emprisonne les personnages, dans un monde sans oxygène et littéralement dégueulasse. A ce titre, Limbo joue sur les textures, les matières, comme un film poisseux, à l’image de son assassin crado à tous les niveaux. Le réalisateur déploie également quelques mouvements de caméras aériens assez virtuoses, toujours pour accompagner ses personnages perdus dans le cadre, telle une force supérieure scrutant ce microcosme. Soi Cheang n’est pas tendre avec son univers, dont il fait un personnage à part entière, et encore moins avec celles et ceux qui le composent. Un petit théâtre de cruauté et de souffrance mettant en scène des protagonistes aux plaies morales béantes. L’inspecteur Cham Lau, flic bourru, sanguin, violent et instinctif, porté par Gordon Lam, généralement habitué aux seconds rôles (Infernal Affairs, Election), livre ici une composition puissante d’un homme détruit intérieurement, tel un mort-vivant en sursis, une prestation qui n’est pas en soi une figure toute neuve, mais qui porte en elle suffisamment de souffrances, qu’elle constitue le contrepoids idéal de son jeune partenaire et néanmoins supérieur Will Ren, incarné par Mason Lee (fil du réalisateur de Tigre et Dragon). Mais s’il y a un personnage supplicié à son paroxysme, c’est bien celui de Cya Liu qui, pour sa première apparition à l’écran en jeune délinquante paumée responsable d’un accident dramatique et portée par une recherche de rédemption, devient surtout le punching-ball de l’ensemble des personnages masculins. Un parti-pris qui pourra faire grincer des dents, rapport à un sadisme très démonstratif, tant le réalisateur n’élude aucune violence physique faite à la jeune femme, constamment sur la brèche de la complaisance.
Également dominé par un magnifique score de Kenji Kawai (Ghost in the Shell, Ip Man, Detective Dee), Limbo est un polar dur, violent et dépressif qui ne lésine sur aucun effet pour marquer le spectateur, l’abandonnant in-fine sur le bas-côté, sonné et sur les rotules, à l’issue d’un ultime morceau de bravoure qui n’en finit pas et laisse les personnages sur le carreau, parachevant ce tableau nihiliste oppressant de noirceur sur une légère note d’apaisement franchement bienvenue. Si le cinéma Hongkongais semblait sur le déclin ces dernières années, Limbo fait office de sursaut violent et soudain. Un nouveau souffle ?
Image
Face à un film si puissant esthétiquement, l’éditeur a blindé son rendu visuel, avec une image absolument splendide, à la définition remarquable, aux contrastes marqués et somptueux. Le niveau de détails discernables est absolument dingue. Les plans de nuit sous la pluie ne souffrent d’aucun décrochage, l’ensemble se redécouvre à la maison avec un souci esthétique encore renforcé.
Son
L’éditeur propose des pistes en Dolby True HD, qui disposent de suffisamment d’énergie et de dynamisme pour un rendu à la fois puissant et enveloppant. Le polar urbain de Soi Cheang constellé de bruits environnementaux crée une ambiance sonore efficace, renforcé par la musique de Kenji Kawai, qui trouve largement sa place, tout comme les dialogues, clairs et précis.
Interactivité
L’éditeur a proposé à Frédéric Ambroisine, véritable spécialiste et précurseur de l’intérêt du cinéma asiatique en France, de se joindre aux bonus pour évoquer le film. Excellente idée ! L’ex-journaliste des vénérables HK Orient Extrême Cinéma ou encore Kumite y propose une présentation du film et de son réalisateur, très détaillée et riche, ainsi qu’une interview de Soi Cheang qu’il a lui-même mené. Un court mais très intéressant making-of d’une dizaine de minutes complète le menu avec une galerie d’affiches et la bande-annonce.
Liste des bonus
« Hong Kong, Dark City » : interview de Soi Cheang par Frédéric Ambroisine (24′) ; Présentation du film par Frédéric Ambroisine (22′) ; Making of (10′) ; Galeries de projets d’affiches : diaporama 7 affiches ; Bande-annonce ; Livret de 28 pages.