LIGHT SLEEPER
États-Unis – 1992
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Drame
Réalisateur : Paul Schrader
Acteurs : Willem Dafoe, Susan Sarandon, Dana Delany, David Clennon, Mary Beth Hurt
Musique : Michael Been
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 103 minutes
Éditeur : Studio Canal
Date de sortie : 29 mars 2023
LE PITCH
John LeTour, 40 ans, est un solitaire qui traîne dans New York apparemment sans but. Refusant tout engagement, LeTour gagne sa vie en dealant de la drogue. Mais l’heure du bilan semble avoir sonné. La police le surveille davantage ; ses clients lui paraissent de plus en plus paumés et la culture de la drogue appartient désormais au passé. Il est temps pour LeTour de changer de vie, de se remettre en question. John LeTour commence alors un difficile parcours où il sera confronté à son destin, au danger et peut-être à la mort…
Last Days in New York
Neuvième film de Paul Shrader, Light Sleeper vient clore une décennie qu’il a participé à construire formellement, entre autres avec American Gigolo et son remake de La Féline. Récit d’une dernière virée en solitaire pour un dealer dandy mélancolique qui se réveille dans un New York qui dérouille en pleine gueule de bois.
Scène de nuit au cœur de la city, John LeTour se fait porter par un taxi pour rejoindre sa prochaine livraison. Les plans, le montage, la structure de la séquence cite volontairement Taxi Driver, film frère de Martin Scorsese (mais dont il est l’auteur du scénario) porté par une autre figure solitaire, un autre qui aimerait s’extraire d’une existence qui ne lui convient plus, un autre ange déchu qui se confond avec son décor. En parallèle se rejoue aussi la grammaire d’American Gigolo où Richard Gere passait de chambres en chambres, comme des arrière-cours d’une réalité uniquement constituée de couloirs urbains le guidant de l’une à l’autre. Dans Light Sleeper, Willem Dafoe ne fait pas beaucoup mieux, son existence même se réduisant en effet à son rôle unique de dealer pour riche, et à une vie nocturne réglée comme du papier à musique. Mais la ville a changé, la culture américaine aussi, et la belle époque des grands espoirs, puis de la réussite pour tous boivent la tasse, alors que les rues sont recouvertes d’ordures qui s’entassent et que les nuits d’insomnies s’éternisent.
Sevrage
Mais si son amie et patronne Ann (lumineuse Susan Sarandon) prépare déjà sa reconversion dans la cosmétique légitime, LeTour reste constamment emprisonné par sa nostalgie d’une jeunesse fantasmée plus légère et débridée, mais clairement sous stupéfiants. L’ambivalence et les hésitations du personnage sont révélées par les trois voix distinctes que lui offre le réalisateur : celle dont il use en société, celle qui couche dans son journal intime et une bande sonore blues dont les chansons expriment ce qu’il désirerait être et devenir. Le personnage est à un carrefour de sa vie, une phase pivot où il peine à choisir une direction. Comme souvent chez Schrader le film se prête à des atmosphères de film noir moderne, croise même une trame policière qui tendra le film vers un final à la violence aussi sèche et définitive qu’attendue, mais Light Slepper est essentiellement la chronique d’une errance, de déambulations recluses dans un environnement oppressant dont les accents photographiques et certaines compositions sonores tireraient presque vers l’atmosphère glauque et inquiétante d’un Abel Ferrara. Si on pense ici forcément au King of New York sorti deux ans plus tôt et là aussi sur une reconversion impossible, ou au troublant The Addiction, Schrader apporte une forme d’élévation spirituelle, des aspirations christiques qui donne à la notion de renaissance une portée lyrique inattendue.
Le dernier plan, sublime sur deux mains qui s’étreignent et un baiser posé très lentement sur celle d’une Marie des temps modernes, fait s’évanouir la mélancolie déchirante qui animait le film jusque-là. L’espoir renait chez Paul Schrader, preuve que l’âge et le temps finissent toujours par changer les hommes.
Image
Petite copie distribuée par Studio Canal en Australie ou Angleterre depuis quelques temps déjà, le master HD n’a manifestement pas profité d’une restauration récente et semble reprendre une source déjà éprouvée et affichant toujours quelques restes de petites taches noires et de stries. Cela n’est jamais vraiment dérangeant, mais cela reste à l’image de l’ensemble toujours un peu trop léger autant du coté de la définition, de la profondeur, du traitement des couleurs… Assez propre, assez stable, toujours confortable, mais jamais vraiment impressionnant, le film méritait un peu mieux.
Son
Seule la piste mono américaine est présente ici, comme sur les disques anglo-saxons d’ailleurs, mais retraitée en DTS HD Master Audio qui fait mieux sur la jaquette que PCM. Il n’empêche que la restitution est particulièrement ferme et équilibrée, délivrant les dialogues avec beaucoup de naturel et se laissant emporter généreusement par les compositions de Michael Been.
Interactivité
Grosse déception du coté de l’interactivité proposé par Studio Canal. Là où Indicator proposait le commentaire audio du réalisateur enregistré en 2002, les interviews inédites de celui-ci et de Willem Dafoe ainsi qu’un long Q&A avec le chef of Ed Lachman et Paul Shrader (et quelques autres fioritures), l’édition française reste rivetée à la structure habituelle de la collection Make My Day. Alors certes la présentation de Jean-Baptiste Thoret est éloquente et l’analyse poussée de Nicolas Saada particulièrement passionnante et creusée, mais on est jaloux quand même !
Liste des bonus
Préfaces de Jean-Baptiste Thoret (9’), « Light Sleeper » revu par Nicolas Saada (39’).