LIFE IS CHEAP… BUT TOILET PAPER IS EXPENSIVE

Etats-Unis – 1989
Support : Bluray
Genre : Comédie, Thriller
Réalisateur : Wayne Wang
Acteurs : Spencer Nakasako, Cora Miao, Lo Lieh, Wei Lo, Victor Wong, Angela Yu Chien…
Musique : Mark Adler
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 85 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 4 mars 2025
LE PITCH
Un jeune homme est chargé de transporter une mystérieuse mallette de San Francisco à Hong Kong, où un parrain local doit la récupérer. Lorsque des truands rivaux mettent la main dessus, l’homme, désemparé, doit retrouver la cargaison tout en gardant secrète sa relation avec la maîtresse du caïd…
Quelques jours à Hong-Kong
Restée totalement inédite en France malgré son statut culte dans certains milieux cinéphiles et en particulier du coté de la communauté sino-américaine, la comédie noire et punk de Wayne Wang au titre à rallonge et in the face, se dote désormais chez nous d’une sortie HD de sa récente restauration 4K. Décollage immédiat.
Découvert par à peu près tout le monde grâce à son formidable diptyque Smoke et Brooklyn Boogie d’après et avec Paul Auster, Wayne Wang fait partie de cette jeune génération de cinéastes chinois qui après avoir étudié aux USA avait entamé la petite révolution de la Nouvelle Vague hongkongaise. Mais pour Wayne Wang, très vite les limites de l’industrie locale et en particulier de la production télévisée furent trop éreintantes et le poussèrent à repartir aux Etats-Unis. Tourné quelques années plus tard,Life is Cheap but Toilet Paper is Expensive, est d’abord alors l’histoire d’un énième retour, d’une plongée en immersion dans les rues agitées et surchargées de la fameuse « Perle d’Orient ». Le film suit ainsi un homme sans nom aux airs de cowboy moderne, débarquant en avion, essayant les chambres d’hôtel, traversant le cadre affublé d’une mallette qu’il doit livrer à quelques mafieux locaux. En amorce une affaire possible de tromperie entre lui et la femme d’un des gangsters (jouée par la star Cora Miao, épouse du réalisateur)… Armé de ce simple postulat et de pas grand-chose d’autre, Wayne Wang débarque lui aussi et se laisse aller à son inspiration et à ses improvisations en mode tournage guérilla multipliant les chemins de traverses, les parenthèses et les inserts, croisant allègrement sa fiction de nombreuses instances documentaires.
Tourisme sauvage
La limite entre les deux est d’ailleurs souvent bien mince et on ne sait plus vraiment ce qui tient de la captation sur le vif, de la mise en forme du réel ou du détournement de celui-ci. La caméra capture cette grand Mecque du cinéma populaire comme rarement, s’amuse en donnant sa propre vision de la fameuse folle poursuite urbaine, versant interminable en poussant les limites d’une vision subjective jusqu’à un gag tarte-à-la-crème, et surtout détourne constamment le cadre polar vaguement initié. Il y est donc surtout question d’une succession de portraits / témoignages, de personnages curieux ou azimutés (le vendeur de rolex incarné par l’inénarrable Victor Wong, le tueur de canards, la prostituée et ses minauderies, le couple de nouveau riche aux gouts douteux, le « Big Boss » joué par le grand Lo Wei…), donnant chacun à voir un versant méconnu de la culture et de la vie locale. Wang s’efforce surtout d’y dépeindre une société totalement schizophrène dans sa quête insatiable de réussite économique, personnelle et collective, véritable exacerbation du libéralisme à deux pas d’une Chine communiste, menaçante et préparant déjà sa reprise du pouvoir. Un objet curieux alors, véritable puzzle narratif et structurel invoquant les associations de montages abruptes et contrastés d’un Jean-Luc Godard, accoudées à un esprit de sale-gosse, irrévérencieux et déjanté.
On n’est jamais loin non plus d’un cinéma expérimental qui à force de jouer dans la rupture se disperse aisément et aligne les séquences plus ou moins mémorables, plus ou moins utiles, mais le regard porté et un sens du ridicule finalement assez uniques dans le cinéma asiatique de l’époque, donne à Life is Cheap une identité intrigante et parfois franchement réjouissante.
Image
On retrouve ici tout le travail fourni par l’éditeur US Arbelos en 2023, à commencer justement par une restauration extrêmement poussée du film à partir de nouveaux scans 4K d’un interpositif original. Film presque underground mais apparaissant désormais avec des contours et des matières tout à fait solides et admirablement définies, retrouvant ses couleurs (beaucoup de gris soit mais aussi des rouges éclatants) et plus largement une netteté de définition que beaucoup n’aurait jamais imaginé pour une telle production. Le grain peut effectivement s’avérer un peu fluctuant et quelques plans rapides se laissent aller à de tout petits décrochages, mais le rendu est vraiment admirable. A noter que comme il s’agit de la version définitive du film, elle inclue les plans captés en DVD par Wayne Wang en 1996 durant la production de Chinese Box et qui malgré quelques bidouillages et tentatives d’homogénéisation, tranchent forcément avec le reste.
Son
Le film reste fidèle à son mono d’origine avec une piste DTS HD Master Audio mélangeant anglais et cantonnais qui joue essentiellement sur la clarté de restitution. Idéal pour les dialogues et quelques sorties musicales, les bruitages et captations des sonorités de la ville, donnant un ensemble très équilibré et efficace.
Interactivité
Ici aussi Carlotta Films s’empare du matériel américain pour délivrer à leur tour les deux nouvelles interviews du réalisateur. Dans la première il revient brièvement sur son enfance, sa découverte du cinéma puis sur ses débuts dans le métier par le biais de la télévision et son rapprochement avec la Nouvelle Vague HK, avant de se consacrer plus sérieusement à ses débuts de cinéaste et à la production de Life is cheap, ses choix structurels et ses thèmes culturels. Pour le deuxième segment il est rejoint par son camarade, co-réalisateur, Spencer Nakasako, pour un échange plus que détendu délivrant de nombreuses anecdotes de tournage ou sur la distribution difficile du film. Il y est aussi beaucoup question de la vie très particulière à Hong-Kong.
Le programme s’achève par une version longue de la fameuse scène de poursuite centrale, restaurée elle aussi pour l’occasion, et la nouvelle bande annonce du film.
Liste des bonus
Entretien avec Wayne Wang (24’), « Retour sur « Life is Cheap… » : Entretien avec Wayne Wang et Spencer Nakasako (29’), Scène originale de la poursuite (10’), Bande-annonce de la restauration (2’).