L’HOMME TRANQUILLE
The Quiet Man– États-Unis – 1952
Support : Bluray et DVD
Genre : Comédie
Réalisateur : John Ford
Acteurs : John Wayne, Maureen O’Hara, Victor McLaglen
Musique : Victor Young
Durée : 129 min
Image : 1.37
Son : Anglais, Français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Rimini
Date de sortie : 23 novembre 2022
LE PITCH
Sean Thornton, un ancien boxeur américain, revient à Inisfree, son village natal d’Irlande, avec l’objectif de racheter l’ancien « cottage » de sa famille pour s’y installer définitivement. Il fait la connaissance de Mary Kate Danaher, la sœur du colérique Red Will Danaher qui convoitait la maison des Thornton avant que Sean ne la rachète. Le « yankee » entreprend tout de même d’épouser Mary Kate selon les règles de la tradition irlandaise.
L’âme fordienne
Lorsque l’on s’appelle John Ford, l’image imprimée par le réalisateur américain dans l’inconscient collectif est fortement liée au western malgré ses nombreuses incursions dans des genres bien plus variés qu’il n’y parait. Pourtant l’un de ses plus grands succès critique et public se déroulera bien loin des Rocheuses de Monument Valley qui ont fait sa réputation en prenant pied non loin des lacs de la région du Connemara, dans la partie Ouest de l’Irlande.
L’Irlande a et aura toujours eu une place à part dans le cœur de Ford. Fils d’immigrés de ce beau pays, il a été bercé dans cette culture familiale qu’il s’est logiquement accaparé avec tout le folklore qu’il en découle. Bien avant les célèbres films qui feront sa réputation, il abordait sa terre natale dans les films engagés et politiques que sont Le Mouchard et Révolte à Dublin respectivement tournés en 1935 et 1936. Le sujet lui tient à cœur, ses racines sont là. Alors lorsqu’il tombe durant cette même année sur le roman homonyme du romancier à succès Maurice Walsh, il s’empresse d’en acquérir les droits pour en faire son adaptation cinématographique. Une partie de plaisir lorsque l’on est un metteur en scène fraichement oscarisé mais malheureusement pour lui, la réalité est tout autre et le film mettra prés de 16 ans à se monter.
Pas si tranquille
Changement de producteur, de studios, film pas assez bankable. Les raisons bonnes ou mauvaises sont nombreuses. John Ford excelle dans les westerns, les cowboys, indiens et charges de cavalerie. Tout cela, il connait ; il les a filmés maintes et maintes fois avec classe mais aussi il faut bien l’avouer par dépit à certains moments. Il rêve d’autres choses, de sujets qui lui sont proches, de nouvelles approches lui permettant de creuser différemment ses personnages. Les raisins de la colère et Qu’elle était verte ma vallée semblent confirmer ses dires avec deux nouveaux Oscar à la clé, mais rien n’y fait. Pour gagner son indépendance pour ce projet auquel il tient particulièrement, on lui demande à nouveau de refaire un western à succès histoire de rassurer les investisseurs et Rio Grande sera celui-là. Il trouve en Merian C. Cooper (l’un des hommes avec Ernest B. Schoedsack derrière le fameux King-Kong de 1933), le producteur idéal qui le laissera tourner dans le village irlandais de Innisfree (haut lieu touristique depuis ce jour). Il embarque dans son aventure son équipe et sa famille de cinéma : Victor Mc Laglen, son frère Francis Ford et bien entendu son alter ego John Wayne à qui il colle Maureen O’Hara pour lui mener la vie dure. C’est là qu’est la vraie force du film en dehors de toutes ses qualités techniques. Le duo fonctionne à merveille et Ford établi par ce film un discours sur l’émancipation de la femme dans un monde d’hommes. Il prend un réel plaisir à empêtrer John Wayne dans son machisme tout en lui faisant garder la tête haute. Son film regorge de scènes d’anthologie comme la fameuse scène du baiser repris avec amour par Spielberg dans une scène mémorable de son E.T., la longue scène homérique du combat final (John Carpenter s’en serait-il inspiré pour celle d’Invasion Los Angeles, Humm) et cette scène à la limite du surréalisme où John Wayne se revoit en flash-back dans une séquence de boxe. Un sommet à elle seule. Il ne faut pas omettre également l’art de Ford à filmer ses décors naturels en technicolor comme autant de lieux vivants, ni la ritournelle musicale et entêtante de Victor Young. Autant d’arguments majeurs pour se replonger dans une des œuvres les plus intimes de son réalisateur. Car le vrai John Ford est là. Il fixe l’âme humaine comme il fixe l’horizon en faisant de son film irlandais le film de tous les immigrés, les italo-américains, les juifs, les hispaniques, tous se sont reconnus dans ce film et vont le plébisciter pour en faire l’un des sommets de la carrière de son réalisateur.
Le film obtiendra deux statuettes : l’une pour la photographie et une pour la mise en scène faisant de John Ford avec quatre Oscar le réalisateur le plus primé de sa catégorie. Et ce record n’est toujours pas près d’être battu.
Image
Le master proposé ici par Rimini occulte toutes les versions antérieures de ce film incontournable. Soignée, la profondeur de champ permet de se plonger avec délectation dans les décors irlandais idylliques. La définition de l’image et la colorimétrie redonnent une cure de jouvence à l’œuvre. Le vert symbolique irlandais et les robes rouges de Maureen O’Hara sont éclatants. Seuls les effets de superposition demeurent plus visibles. Mais on en redemande car une qualité immersive pareille ne demande qu’à être saluée.
Son
Comme pour l’image, le travail sur le son est considérable. Si la VF est plus étouffée, la piste originale est particulièrement bien équilibrée aussi bien sur la piste voix que sur la musique très présente de Victor Young.
Interactivité
Un bijou éditorial concocté avec amour pour la première fois en haute définition et en édition collector. Et quel collector !
Rimini n’est pas peu fier de son coffret et il a bien raison. Dans un écrin magnifique le film se pare de magnifiques atouts à commencer par un livre d’une centaine de pages sur le village Inisfree où le film fut tourné ainsi qu’un jeu de cartes postales.
Quant à la section bonus, elle vous promet de longues heures de découvertes réparties sur deux disques bien touffus. Le premier comporte des items fait maison avec l’intervention une heure durant de Cécile Gornet “doctoresse” en cinéma et professeur de philosophie et de Frederic Mercier, journaliste au magazine Transfuge. Tous deux épluchent le film dans une conversation des plus complètes sur l’origine du film et sa place dans le cinéma de John Ford. Cécile Gourmet revient seule cette fois sur un comparatif entre le scénario et les changements apportés par le metteur en scène lors du tournage. L’on y comprend mieux les choix artistiques et intentions de John Ford. Sur le deuxième disque la parole est laissée de l’autre côté de l’Atlantique avec un documentaire ”le Rêve Irlandais de John Ford” par des spécialistes du maitre comme Martin Scorsese et Peter Bogdanovich qui a pu le rencontrer à maintes occasions avant de lui en consacrer un ouvrage. Enfin un retour de plus de 100 minutes sur le village d’Inisfree complète l’édition. D’une lenteur à la Derrick et d’une approche déconcertante, celle-ci s’adresse aux plus complétistes des fans.
Bref, un coffret à exhiber en place de choix dans sa vidéothèque.
Liste des bonus
Analyse comparée entre le film et le shooting script par Cécile Gornet professeur de philosophie, doctorante en cinéma (2022, 10’), « Le Rêve irlandais de John Ford » de Sé Merry Doyle, narration par Gabriel Byrne, avec les témoignages de Maureen O’Hara, Peter Bogdanovich, Martin Scorsese… (« Dreaming the Quiet Man », 2012, 92’), « Innisfree » : documentaire de José Luis Guerin sur les lieux du tournage (1990, 108’), Conversation entre Cécile Gornet, professeur de philosophie, doctorante en cinéma et Frédéric Mercier, journaliste au magazine Transfuge (exclusivité Blu-ray, 2022, 67’), Livre de 100 pages sur le retour à Inisfree par Christophe Chavdia, 4 cartes postales