L’HOMME QUI VOULAIT SAVOIR
Spoorloos – Pays-Bas / France – 1988
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller
Réalisateur : George Sluizer
Acteurs : Bernard-Pierre Donnadieu, Johanna Ter Steege, Gene Bervoets, Gwen Eckhaus, Bernadette Le Saché…
Musique : Henny Vrienten
Durée : 116 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français/Flamand DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 7 juin 2024
LE PITCH
Sur la route des vacances, Rex et Saskia s’arrêtent sur une aire d’autoroute. L’homme s’éloigne du véhicule pendant quelques minutes. À son retour, sa compagne a disparu. Fou de douleur, il renonce à sa vie professionnelle et sociale pour se consacrer exclusivement à la recherche de la disparue. Après trois années d’une quête infructueuse, il reçoit une étrange carte postale, dont l’auteur prétend connaître la vérité sur la disparition…
Portée disparue
L’Homme qui voulait savoir est le quatrième film du réalisateur George Sluizer, une œuvre étrange et marquante, adorée par Stanley Kubrick himself, qui reste plus de trente ans après sa réalisation, un film volontairement unique et insaisissable.
Le réalisateur néerlandais George Sluizer est pour ainsi dire l’homme d’un seul film, bien qu’il en ait signé quelques autres entre 1961 et 2012. C’est en tout cas pour L’Homme qui voulait savoir que son nom est entré dans l’histoire du cinéma. Thriller à la fois torturé, machiavélique, sournois mais aussi ludique, Spoorloos (en VO) est une œuvre dense, assez incomparable, qui affiche une personnalité remarquable dans le paysage cinématographique franco-néerlandais. Le film est adapté du roman de Tim Krabbé « L’œuf d’or » par l’auteur lui-même associé au réalisateur. On y suit la quête désespérée d’un homme cherchant à tout pris, non pas à retrouver sa compagne disparue, mais à comprendre ce qui lui est arrivé. C’est dans cette nuance que se situe toute la subtilité du film de Sluizer. Une plongée dans une obsession, une hantise qui dévore le personnage du quidam enquêteur, Rex, ce-dernier perdant progressivement pied avec la réalité alors qu’il tente de se rattacher au moindre détail lui permettant de connaître la vérité. Sur la base de ce canevas de thriller relativement conventionnel, s’ajoute une couche autrement plus malsaine lorsque le présumé kidnappeur déploie autour de celui qui le traque une sorte de jeu du chat et la souris, tirant les ficelles et brouillant les pistes, tout en offrant la possibilité au compagnon éploré de répondre à ses interrogations. Mais à quel prix… D’une précision d’orfèvre, le scénario du film déploie une mécanique huilée, façonné comme un conte macabre, dont chaque pièce du puzzle forme un tout cohérent, développant un rapport très surprenant entre les deux hommes.
La science des rêves
L’Homme qui voulait savoir se démarque du tout-venant du polar français de la fin des années 80 par certains autres aspects notables. Tout d’abord par sa gestion de la temporalité. Le film s’affranchit de toute linéarité, se plaisant à brouiller les cartes et les repères de son personnage principal, ainsi que ceux du spectateur, en faisant régulièrement des bonds dans le temps sans prévenir, usant de flashbacks et d’une ellipse de trois ans. Le choix d’un rythme temporel haché qui s’accompagne d’un basculement successif et significatif des points de vue. Si le film débute du côté du jeune couple, pour progressivement accompagner la jeune femme avant sa disparition, il se range ensuite du côté du jeune homme à la recherche de sa compagne, avant d’opérer une surprenante bascule du côté du ravisseur pour enfin faire converger ces deux derniers. Une succession de pas de côtés qui nourrissent le sentiment de vertige et de malaise créé par le film, qui semble prendre un malin plaisir à ne pas emprunter les chemins attendus. En cela, L’Homme qui voulait savoir contourne habilement le suspense induit à l’identité du psychopathe en le révélant à l’écran très tôt, tout en s’appesantissant de manière presque anormale sur son modus operandi, en ménageant même une bonne dose d’humour (voir les multiples tentatives d’enlèvement qui échouent lamentablement), dans un mélange de tons qui désarçonne et empêche le spectateur d’évoluer sur une narration balisée, rendant le film particulièrement imprévisible. Ce qui intéresse George Sluizer avant tout, c’est la mécanique mentale de ce sociopathe, professeur ultra cartésien obsédé par le contrôle et les rapports qu’il va développer avec le personnage de Rex, sa « victime », enquêteur sans repères, visité par des rêves dont on s’interroge s’ils sont réellement l’illustration d’une portée concrète ou le signe d’un esprit sombrant dans la folie. La réussite du film ne serait rien sans l’interprétation de ces trois personnages. Dans le rôle de Saskia, l’épouse enlevée, l’actrice néerlandaise Johanna Ter Steege, se fait remarquer pour ses débuts au cinéma. Mais c’est surtout l’incroyable prestation de Bernard-Pierre Donnadieu qui marque les esprits, incarnant à la perfection la déviance calculatrice de son personnage manipulateur.
A noter que George Sluizer signera quelques années plus tard, en 1993, un remake américain de sa pièce maîtresse, avec Jeff Bridges, Sandra Bullock et Kiefer Sutherland, beaucoup moins inspiré que son modèle, qui fait aujourd’hui office de petit classique du cinéma.
Image
L’image de cette édition est issue d’une restauration du master à partir du négatif original. Le résultat est ultra probant, avec une image nettoyée et une très belle définition, agrémentée d’un grain cinéma du plus bel effet. Beau niveau de détail et des couleurs ultra contrastées, chaudes comme il faut lors des scènes en extérieur, et plus glacées dans les plans nocturnes, avec des contrastes bien marqués.
Son
Au niveau sonore, il faudra se contenter d’un DTS Master Audio 2.0, qui assume d’alterner de la langue française au flamand comme le réclame l’intrigue, mais qui parvient cependant à tirer son épingle du jeu. Dialogues clairs, ambiance riche en sons environnementaux et musique bien mise en avant. C’est du tout bon, sans artifice.
Interactivité
L’édition sous format Mediabook est accompagnée d’un livret consacré au film, rédigé par Olivier Père. Le disque propose par ailleurs une présentation du film par Samuel Blumenfeld, qui revient sur le projet et le travail d’adaptation, les carrières du réalisateur et des comédiens, ainsi que les différentes étapes de la conception du film. Il s’appesantit un peu plus sur l’accueil étrangement compliqué à la sortie d’un film qui a mis du temps à pouvoir être vu et dont la réputation s’est tissée sur le long terme, jusqu’à séduire particulièrement Stanley Kubrick. Blumenfeld propose par ailleurs son analyse de certaines scènes et de certains choix du réalisateur. Un bonus plutôt intéressant mais qui n’évite pas la redite, notamment par rapport à l’interview de Sluizer également présente dans les bonus. Celle-ci, antérieure à la présentation de Blumenfeld, lui a visiblement servi de canevas pour son intervention tant on retrouve d’éléments communs dans les deux modules. Le réalisateur y évoque également sa conception de la peur et de l’angoisse au cinéma et son rapport au spectateur. Il aborde également les désaccords rencontrés avec Tim Krabbé lors de l’adaptation, le choix initial de Jean-Louis Trintignant pour le rôle du prédateur et l’étonnante fascination de Kubrick pour son film. Enfin, une seconde interview de 2014 avec la comédienne Johanna Ter Steege, évoquant sa carrière, sa préparation pour le rôle et ses rapports (très bons) avec George Sluizer et ceux (conflictuels) avec Bernard-Pierre Donnadieu.
Liste des bonus
Interviews George Sluizer (19’) et Johanna Ter Stiege (14’), Présentation de Samuel Blumenfeld (36’), trailer.