L’ÉTOILE DU NORD
France – 1981
Support : Bluray
Genre : Drame, Policier
Réalisateur : Pierre Granier-Deferre
Acteurs : Philippe Noiret, Simone Signoret, Fanny Cottençon, Julie Jézéquel, Liliana Gerace, Gamil Ratib…
Musique : Philippe Sarde
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Durée : 124 minutes
Editeur : Coin de Mire
Date de sortie : 29 septembre 2023
LE PITCH
Sur le bateau qui le ramène d’Alexandrie, Édouard Binet fait la connaissance de Sylvie Baron, jeune, jolie et vaguement danseuse, qui rêve de cabine de première classe et de contrats fabuleux. Édouard la présente à Nemrod Loktoum, un homme d’affaire égyptien qu’il va bientôt assassiner dans le train qui les mène à Pairs – « L’étoile du Nord » – pour lui voler son argent…
Un locataire de passage
Dix ans après Le Chat et La Veuve Coudert, L’Étoile du Nord marque les retrouvailles de Pierre Granier-Deferre, dont ce sera le dernier succès public, et Simone Signoret, dans son dernier grand rôle au cinéma, avec l’œuvre de Simenon. Un joli film qui profite aussi des épaules toujours solides de Philippe Noiret.
L’idée était d’ailleurs moins ici de renouer avec Simenon, alors quelques peu délaissé dans le cinéma français, que de redonner un beau et grand rôle à une Simone Signoret pour laquelle Pierre Granier-Deferre ne cache pas une admiration sincère pour celle qu’il perçoit presque comme sa maman de cinéma. Pourquoi pas alors y attacher aussi le nom du créateur de Maigret en adaptant la nouvelle Le Locataire, mais en y rééquilibrant très librement la place des personnages en fonction de son ambition première. Aidé par Michel Griselet (Flic ou Voyou, Le Choix des armes) et surtout l’important Jean Aurenche (L’Auberge Rouge, La Traversée de Paris, Que la fête commence…), Granier-Deferre recentre ainsi la petite vie de cette pension de famille bruxelloise autour de Louise, maitresse de maison fatiguée et quelque peu éteinte, et le nouvel arrivé, Edouard Binet, charmeur voir flamboyant, qui vient se cacher d’un meurtre qu’il aurait commis à Paris.
Orientalismes
Passé la première demi-heure qui place ainsi les arguments du récit policier entre la femme, le riche égyptien et l’amant, le filme tourne essentiellement au huis clos, et aux dialogues engoncés dans cette vieille bâtisse qui donne sur une rue grisonnante malgré la très jolie reconstitution de cette Europe de 1934 à l’orée d’une nouvelle guerre. Un cadre cependant jamais totalement étouffant puisqu’il est celui de la rencontre entre deux personnages, l’un nostalgique de son Égypte enivrante et de sa relation avec une célèbre chanteuse locale, l’autre se permettant à travers lui de voyager enfin et de s’extraire de son quotidien. Des voyages par flashbacks (réels ?), par anecdotes et par quelques clichés qu’il trimballe dans sa valise. Philippe Noiret est forcément parfait en doux mythomane, ours fragile et toujours en quête d’attention, et Signoret admirable dans cette force physique où affleure une émotion constante, sensible et désarmante. Entre ces deux-là une forme d’amour semble naitre, prenant aisément le pas sur le reste du tableau. Ainsi si les prestations des seconds rôles, dont Fanny Cottençon, délicate en courtisane de son temps et la toute jeune Julie Jézéquel en adolescente particulièrement effrontée, sont toujours convaincantes, elles manquent souvent de place pour exister. Tout comme effectivement cette trame policière dont clairement les auteurs du film n’ont pas grand-chose à faire, préférant creuser l’émotion et la justesse des dialogues.
Pas de grandes tensions donc dans L’Étoile du nord au rythme plutôt dilué, mais un joli drame filmé tout en élégance, en dialogues ciselés, en ambiances évocatrices glissées par Phillipe Sarde, et qui reste alors un vrai plaisir.
Image
L’éditeur propose ici un nouveau Master 2K produit pour la présente édition en collaboration avec Studio Canal. Une belle amélioration par rapport à l’ancien DVD forcément avec une image bien plus généreuse, creusée et organique dans son rendu des matières. De quoi rappeler les charmes de la reconstitution historiques, les délicatesses de la photographie et le suranné des couleurs. Le piqué est d’ailleurs plutôt solide, mais on note dans les séquences en basse lumières une réapparition de quelques points blancs et surtout des noirs glissants vers les gris sur les bords du cadre.
Son
Le passage au DTS HD Master Audio préserve l’aspect sobre et central du mono d’origine mais lui octroie une clarté et un confort effectivement inédit. Dialogues et compositions de Sarde trouvent un bel équilibre dans cette restitution à la fois claire et feutrée.
Interactivité
Nouvelle séance complète proposée en option par l’éditeur (sa spécialité), mais nous sommes en 1982 et les actualités ont depuis longtemps désertées les salles. Reste donc une bande annonce d’Une Robe noire pour un tueur proposée en ouverture, suivi d’une double dose de réclames pour grands écrans. Là aussi on sent que certains choses ont changées. Si on nous vend du Nuts (insistez bien sur le « u ») comme on nous vendait autrefois n’importe quel chocolat, désormais Gainsbourg vient déclamer sa passion pour Gini qui peut se boire à 2 (ou à trois…), Lee Cooper nous invite à mettre les mains dans les poches de nos camarades, Miko nous vend « sous le choc, le plaisir » et le minitel fait son entrée fracassante avec un sobre mais explicite 3615 Cum (no comment). Du coté plus humoristique, on croise Aldo Maccione qui peine à nous faire croire à son romantisme et à son amour des Petits Cœurs.
En supplément, Coin de mire a aussi eu la bonne idée de reprendre l’interview de Pierre Granier-Deferre enregistrée en 2003 pour la sortie du DVD. Une rencontre très agréable et pleine de souvenirs et d’anecdotes du tournage qui passe par les prémisses du projet, le travail d’écriture, le choix des acteurs, mais aussi quelques évocations plus générales sur le cinéma du monsieur et des approches ou un style qui changent en fonction des inspirations et des émotions de la vie. Touchant. On y découvre aussi comment Bertrand Tavernier fut amené à prendre la place du réalisateur (et ça se voit !) pour le dernier jour de tournage.
Liste des bonus
La séance complète avec actualités Pathé, réclames publicitaires et bandes-annonces d’époque (14’), Interview de Pierre Granier-Deferre (29’).