L’ESPRIT DE LA MORT
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The Asphyx – Royaume-Uni – 1972
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Peter Newbrook
Acteurs : Robert Stephens, Robert Powell, Jane Lapotaire, Alex Scott, Ralph Arliss, Fiona Walker…
Musique : Bill McGuffie
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 87 minutes
Editeur : MDC Films
Date de sortie : 5 février 2025
LE PITCH
Angleterre, XIXème siècle. En utilisant un appareil photographique expérimental, le scientifique Sir Hugo Cunningham, découvre une entité surnaturelle appelée Asphyx, qui apparaît au moment de la mort pour capturer l’âme. Avec l’aide de son fils adoptif Giles, il mène d’autres expériences et conçoit un moyen de maîtriser l’Asphyx et d’accéder ainsi à l’immortalité. Mais, comme tout scientifique visionnaire devrait le savoir, défier les lois naturelles et spirituelles entraîne des conséquences terribles…
L’art spirite
Distribué en queue de comète de l’âge d’or du cinéma gothique anglais, L’Esprit de la mort, ou The Asphix, en affiche pourtant toutes les caractéristiques. Un thriller ésotérique dans un décor victorien mais qui, plus que les grandes sensations d’angoisses, quête surtout une atmosphère morbide sur fond de combat contre la mort elle-même. Celle d’un genre aussi sans doute.
On ne sait pas vraiment comme finalement Peter Newbrook en est venu à réaliser son seul et unique long métrage avec L’Esprit de la mort. Cameraman pour David Lean (sur Le Pont de la Rivière Kwai et Lawrence d’Arabie tout de même), puis directeur photo sur des production bien plus modestes comme Papillons de nuit ou Le Spectre maudit et enfin producteur de programme bis comme le terrible Suceurs de sang, Peter Newbrook a sans doute été fortement inspiré par ce scénario imaginée par les inconnues Christina et Laurence Beers. Celui-ci conte la quête d’un passionnée de parapsychologie pour capturer l’image, puis l’essence elle-même, de la mort qui plane au-dessus des moribonds. Un autre Prométhée qui tel le fameux Baron Frankenstein va peu à peu se laisser emporter par sa folie scientifique menaçant l’existence de ses proches et sa propre santé mentale. Pas question ici cependant de créer la vie à l’aide de pièces rapportées de cadavres, mais bien d’étudier et stopper le trépas, au départ subit puis mis en scène. A ce titre, le film s’inscrit parfaitement dans le milieu, aristocratique, et l’époque, le XIXe siècle, qui était alors traversée par une réelle fascination pour les grandes découvertes scientifiques et les particularités de la photographie, mais aussi par tout un pan de la parapsychologie s’imaginant trouver là de nouveaux moyens de communiquer avec l’au-delà ou de fixer des preuves de l’existence d’autres mondes. C’est d’ailleurs à cette même époque que l’illustre Conan Doyle s’efforçait d’enregistrer les voix des défunts et battait la campagne pour photographier les fées.
The Real Ghostbusters
Film fantastique oblige, L’Esprit de la mort fait de Sir Hugo Cunningham est grand précurseur inventant une machine pour enregistrer le mouvement (une caméra donc), mais aussi par la suite tout un attirail délicieusement gothique pour emprisonner cet « esprit de la mort » ou Aphyx afin d’assurer l’immortalité de la personne visée. Le lien avec la notion du cinéma comme « cimetière vivant » (idée reprise par Alain Resnais ou Cronenberg) est évidente, tout comme la proximité avec un futur divertissement beaucoup plus détendu : SOS Fantômes. A une époque où le cinéma de genre britannique perd clairement de la vitesse, largement rattrapé par un cinéma d’horreur américain bien plus puissant et politique (La Nuit des Morts-vivants et Rosemary’s Baby sont passé par là et L’Exorciste est en embuscade), L’Esprit de la mort ne choisit pas comme la Hammer de s’engouffrer dans un régime plus démonstratif, sanglant ou érotique, ou dans une déconstruction des mythes (comme Dr Jekyl et Sister Hyde, Frankenstein et le monstre de l’enfer ou Le Cirque des vampires), mais se tourne volontiers vers un ton plus sérieux, adulte et psychologique. Et ce, même si les mises à mort restent étonnement théâtrales : pendaison, chaise électrique ou guillotine semblant bizarrement plus adéquates et pratique pour nos protagonistes. Intéressant certainement mais pas toujours aboutie, la proposition est alourdie par des dialogues omniprésents qui ont tendance à ressasser les mêmes problématiques morales tout en les bazardant allégrement à la scène suivante, tout autant que par une mise en scène qui manque souvent d’audace. Heureusement Robert Stephens (La Vie privée de Sherlock Holmes) et Robert Powell (Mahler, Harlequin…) font de leur mieux pour insuffler une vraie fièvre dans leurs personnages de savants-fous liés par le deuil, et la sublime photographie signée par le grand Freddie Young (Gorgo, Lawrence d’Arabie, Lord Jim…) retrouve à merveille l’élégance et la chaleur feutrée des classiques de la Hammer.
C’est sans doute aussi dans cette volonté de ne s’inscrire ni dans le classicisme gothique ni dans les effusions des 70’s que L’Esprit de la mort trouve sa propre identité, film presque sans âge, un peu hors du temps malgré son introduction et sa conclusion contemporaines… Non, on n’ira pas jusqu’à dire immortel.
Image
Rarissime en France et finalement pas recroisé en Home Cinema depuis une ancienne sortie VHS, L’Esprit de la mort a une carrière un peu plus glorieuse dans les pays anglo-saxons avec déjà deux éditions Bluray, par exemple, chez Kino Lorber. MDC Films nous propose d’ailleurs le même matériel que la dernière en date, utilisant une superbe restauration du film effectuée à partir d’un scan 2K des négatifs (et certains éléments positifs semble-t-il). En dehors de quelques rapides transitions plus malmenées et de cadres parfois vaporeux sur les bords, la copie est vraiment très belle, assurant une propreté appréciable, des couleurs chaudes et raffermies (on n’est effectivement pas loin du cinéma de Fischer) et un grain aussi organique que délicat. Une belle prestation accompagnée du montage long américain dont les fameuses scènes supplémentaires proviennent cependant d’une source SD et tranchent forcément avec le reste.
Son
La version originale reste plutôt sobre et concentrée sur les avants. Les voix sont claires, les musiques bien posées et on peut regretter que certains bruitages et effets manquent d’un peu de consistance, mais le DTS HD Master Audio 2.0 rend parfaitement hommage au mono initial. La version française est bien présente, avec un coffre typique de l’époque où les dialogues sont mis en avant au détriment du reste avec quelques grésillement à la clef. Le doublage est cependant plutôt convaincu et assez efficace.
Interactivité
MDC Films nous propose ici donc de redécouvrir cette curiosité du cinéma gothique anglais. Présenté sous la forme d’un boitier scanavo avec fourreau cartonné, l’édition propose en premier lieu les deux montages du film. La principale reste cependant la mouture anglaise puisque le cut US en plus d’être composé de plans supplémentaires ou alternatifs abimés, vient surtout ajouter des échanges verbaux supplémentaires en forme de redites. Belle intention en tous cas, tout comme pour les nostalgiques la possibilité de revoir le métrage dans sa belle qualité VHS, recadrée et en vf uniquement.
Le véritable bonus de l’édition reste cependant la longue présentation du journaliste Nicolas Stanzick (Midi Minuit Fantastique), spécialiste du cinéma d’épouvante, qui retrace les dernières heures du cinéma gothique britannique, dit décadent, avant de se concentrer sur le film en question. Il brosse naturellement les portrait et les carrières du réalisateur et des acteurs, mais s’efforce surtout d’analyser le film par sa réinterprétation des éléments fantastiques ou ses liens avec le mythe de Frankenstein, avant de dériver vers les échos méta fait à l’écran entre les projections et les dernières heures d’un cinéma agonisant. Osé mais intéressant.
Liste des bonus
Version longue US (98’),« L’Histoire de L’Esprit de la mort » par Nicolas Stanzick (39’), « L’Esprit de la mort » en VHS Vision (1.33, 85’, VF), Galerie photos de tournage (4’), Bandes-annonces.