LES YEUX DE LA NUIT
Night Has a Thousand Eyes – Etats-Unis – 1948
Support : DVD
Genre : Policier, thriller
Réalisateur : John Farrow
Acteurs : Edward G. Robinson, Gail Russell, John Lund, Virginia Bruce…
Musique : Victor Young
Durée : 76 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais Dolby Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 25 mai 2021
LE PITCH
Un Mesmer de pacotilles se voit finalement doté de vrais dons de divination et entreprend de sauver la fille de son ex femme, apparemment vouée par le destin à mourir dans d’affreuses circonstances.
La Belle et le triton
Il est rare que film noir et fantastique se croisent. D’autant plus pour le meilleur. Ce fut pourtant le cas pour Les Yeux de la Nuit, réalisation du méconnu mais très talentueux John Farrow qu’Éléphant Films nous propose cette fois en DVD dans sa collection Cinéma MasterClass.
La nuit, près d’une gare de Los Angeles. Une femme fuit un danger invisible, grimpe à tout allure un escalier de service et attend le passage du train pour se suicider. Elle sera heureusement rejointe in extremis par son fiancé, venu pour la sauver. Comment l’a-t-il retrouvée ? Grâce au taciturne John Triton, vieil artiste de cabaret disant posséder quelques pouvoirs de divination. Dit-il la vérité ou bien est-il un escroc voulant mettre la main sur la fortune de la jeune femme ? Un flashback nous révélera alors toute son histoire, intrinsèquement liée à celle de la miraculée.
L’introduction, malgré l’intervention du fantastique (mais en est ce vraiment ?) a tout de celui auquel le genre nous a habitué : une belle en détresse, un détail très théâtral (elle dit vouloir fuir les étoiles, des milliers d’yeux la regardant – titre original du film), un héros sans reproche et un danger… encore non identifié. Une brillante entrée en matière, pleine de suspense et de promesses, que viendra confirmer la suite.
Devine qui vient tuer ce soir ?
Une fois de plus, ce film noir est l’adaptation d’un roman. Celui de Cornell Woolrich (déjà à l’origine du film Les Mains qui Tuent, également chez Eléphant Films), écrivain prolifique qui signera nombre d’histoires policières dans les années 40. Ici, l’adaptation va considérablement s’éloigner du matériau de base pour insister sur l’élément fantastique. Finalement une bonne chose puisqu’elle donne au film une véritable originalité dominée par le personnage de Triton, incarné par le très typé Edward G. Robinson (vu quelques années auparavant dans le Assurance sur la Mort de Wilder ou juste avant dans le Key Largo de Huston). Un personnage véritable clé de voûte du récit autour duquel va se dérouler une sorte de destin maudit inéluctable qui va avoir raison de ses associés mais aussi s’acharner sur leur fille. L’origine de cette malédiction étant évidemment due à ce soi-disant pouvoir lui-même mais aussi à l’argent qu’il a généré. A la réalisation, John Farrow, très bon faiseur de l’époque qui signe la même année l’excellent La Grande Horloge (disponible aussi chez Éléphant Films) et qui ici réussit encore à rythmer remarquablement bien cette histoire (de temps donc, encore !) qui malgré un indéniable ventre mou dans son écriture (la distance avec le roman, sans doute) nous tient en haleine jusqu’à sa dernière minute. Et ce notamment grâce à un climax digne de celui d’un film de maison hantée (la main du coupable, à l’identité toujours inconnue, qui apparaît mystérieusement derrière le rideau pour jouer littéralement avec le temps) et un final dans la pure tradition du whodunit (même si peut être un peu vite expédié).
Au final, un authentique diamant noir comme les années 40 nous en ont livré des tas mais que le temps nous a malheureusement fait oublier. Loué soit le support physique et Éléphant Films de nous les faire (re)découvrir aujourd’hui.
Image
Titre uniquement disponible en DVD, on devine rapidement pourquoi. La pellicule a subi les assauts du temps bien plus méchamment que les autres titres de cette fournée Cinéma MasterClass. L’intro, pourtant sublime d’un point de vue formelle, est entachée de coins sombres et d’une lumière tremblotante. La suite oscillera entre lignes verticales se déplaçant ici ou là et griffures ou poussières apparaissant elles aussi de temps à autres. On imagine aisément que la restauration dont ont pu bénéficier les autres titres n’avait ici pas voix au chapitre. Mille fois dommage.
Son
Une seule piste en vo qui elle a un peu moins subi le poids des ans et s’en sort relativement bien. Il manque évidemment au mono un relief certain mais les voix sont tout à fait compréhensibles et les effets sonores participent malgré tout activement à l’atmosphère du film.
Interactivité
Une unique capsule dans laquelle Eddy Moine nous présente le film. Il revient sur le roman, sur différents éléments de la production mais aussi sur la carrière de Robinson et notamment sur sa suspicion de communisme durant la fameuse chasse aux sorcières du maccarthysme qui traumatisa et divisa le Hollywood de l’époque. La bande annonce d’époque clôture la section suppléments.
Liste des bonus
Le film par Eddy Moine (10’), Bande annonce (2’).