LES VOITURES QUI ONT MANGÉ PARIS + LE PLOMBIER
The Cars That Ate Paris, The Plumber – Australie – 1974, 1979
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller
Réalisateur : Peter Weir
Acteurs : John Meillon, Terry Camilleri, Kevin Miles, Bruce Spence, Judy Morris, Ivar Kants, Robert Coleby…
Musique : Bruce Smeaton, Gerry Tolland
Durée : 91 et 76 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : ESC Editions
Date de sortie : 20 avril 2022
LE PITCH
Les voitures tuent dans le petit village rural de Paris, en Australie. Un homme dont le frère a été tué se retrouve dans la cité…
Une universitaire brillante, mais peu adaptée aux réalités du monde moderne, reçoit un plombier venu faire quelques travaux dans sa salle de bains. De plus en plus envahissant, il finit par s’installer chez elle. Face à cet homme étrange et menaçant, elle se révèle terriblement vulnérable.
Les envahisseurs
Futur réalisateur de Witness, Le Cercle des poètes disparus, The Truman Show ou Master and Commander, Peter Weir à aussi été le chef de file de la résurrection du cinéma australien dans les années 70, tranchant avec la somnolence des années précédentes, imposant une véritable identité locale, sociale et esthétique, et affirmant une étrangeté, inquiétante et poétique comme peuvent en attester les deux films réunis par ESC dans cette même édition HD.
Venu du cadre de la télévision, le jeune Peter Weir a déjà fait ses preuves par le biais du court métrage, Michael, et du moyen, Homesdale, tous deux auréolés d’un même Grand Prix de l’Australian Film Institute, lorsqu’il se lance enfin dans son premier long. Profitant comme tous ses contemporains de la fameuse aide de l’Australian Films Development Corporation qui va permettre l’explosion de l’Ozploitation, il creuse définitivement le sillon de l’insolite qu’il avait juste esquissé en imaginant une étrange ville nommée Paris, qui ne vivrait que des accidentés de la route découverts alentours. Des accidents provoqués par ses habitants. Dans un paysage toujours aride, aux airs de vieille ville de Western, toute l’économie du patelin repose à la fois sur les carlingues abimées et leurs pauvres conducteurs et passagers, envoyés en convalescence à l’hôpital local ou à l’asile. Si le maire ne cesse de renvoyer ses décisions et ses discours aux grand pionniers venus conquérir ces terres (rappelons que c’étaient des condamnés de toutes sortes envoyés par la couronne pour voler la terre des aborigènes), célébrant une histoire fortement fantasmée, la philosophie de Paris est d’embrasser littéralement la modernité à l’excès et de faire des voitures des machines de morts mais vitales, dont l’humain ne deviendrait presque plus qu’un parasite dépendant. Et avec ses bandes de jeunes customisant à outrance leurs véhicules préférés, transformés en monstres grimaçants, bardés de pointes et de protections imposantes, ont est clairement pas loin du futur Mad Max de George Miller.
Out back
Mais Les Voitures qui ont mangé à Paris n’est pas un film d’action sombre et violent, mais une fable volontairement déconcertante où l’aspect farfelue de la situation, le caractère presque burlesque des habitants de la ville, toujours aimable et souriant, glisse lentement (peut-être trop) vers le cauchemar dérangeant, renvoyant une certaine image de l’Australie, longtemps véhiculée, à sa propre réalité brutale et injuste, dessinant en filigrane la guerre des classes et des générations qui sommeille. Réalisé cinq ans plus tard après les succès de Pique-nique à Hanging Rock et La Dernière vague, le téléfilm Le Plombier se montre beaucoup plus resserré, autant dans son espace que dans son rythme, mais travail encore en filigrane cette confrontation entre deux origines sociales. Car dans cette opposition qui va naitre entre une étudiante anthropologue et le plombier qui envahit et détruit de plus en plus son espace personnel (la salle de bain), se joue bien entendu l’opposition entre une femme issue d’un milieux favorisé et cultivé et un homme ayant connu une vie moins confortable. Mais Peter Weir y prend un malin plaisir à brouiller les pistes et surtout à ne jamais vraiment prendre parti. Un home invasion des plus intimistes, une situation grotesque qui tourne au cauchemardesque, au kafkaïen, et qui saisit admirablement par ses décalages et sa tension, son inquiétante étrangeté, une réalité toute contemporaine.
Pouvant être considérés comme deux œuvres un peu mineures dans la filmographie de Peter Weir, Les Voitures qui ont mangé à Paris et Le Plombier respirent cependant à chaque instant le sens du décalage, de l’onirisme et de la pertinence de son auteur, tout autant que de la vitalité explosive d’un cinéma australien en pleine révolution.
Image
Nouvelle preuve, s’il en fallait, de l’importance du cinéma de Peter Weir en Australie, ces deux longs métrages ont été admirablement et richement restaurés pour leur distribution en Bluray. Le premier film est celui qui parait le plus éclatant avec ses cadres extrêmement lumineux mais sans une seule faiblesse apparente, ses reflets argentiques et son grain maitrisé. Le second, à la production plus restreinte, doit composer avec une pellicule moins coûteuse (du 16mm gonflé ? ) entrainant un grain plus neigeux et une définition légèrement moins tendue, mais n’affiche plus la moindre trace des années.
Son
Les DTS HD Master Audio 2.0 permettent de retrouver les films avec des pistes nettoyées pour la circonstance, tout en conservant leur frontalité originale. C’est propre, clair et efficace.
Interactivité
Un temps annoncé sous la forme d’un grand coffret réunissant les deux œuvres en présences avec La Dernière vague (bientôt en solo) et Pique-nique à Hanging Rock (malheureusement pas annoncé pour l’instant), Les Voitures… et Le Plombier sont disposés sous la forme de deux Bluray (un pour chaque films) et un DVD pour le premier métrage. Sur les disques on retrouve à chaque fois une courte présentation du film signée Bernard Borie, suivi d’une analyse légèrement plus longues signées Yves Alion. Des interventions qui malheureusement restent beaucoup trop en surface, résumant l’action des films, soulignant quelques thématiques, mais rien de vraiment surprenant.
Par contre belle surprise que de retrouver ici le court métrage Michael tourné pour le programme long Three to Go, où par le biais du faux reportage télévisé et avec une petite dose de sarcasme et de sympathique pour une jeunesse tant décriée et caricaturée, Peter Weir dresse le portrait d’un jeune homme sur le point, enfin, de s’affirmer.
Liste des bonus
Les Voitures qui ont mange Paris : Présentation du film par Bernard Borie (4’), Entretien autour du film avec Yves Alion (8’), Court métrage : « Three to Go » de Peter Weir (1969, 30’), Bande-annonce originale.
Le Plombier : Présentation du film par Bernard Borie (3’), Entretien à propos du film avec le journaliste Yves Alion (18’), Bande-annonce.