LES TROIS MOUSQUETAIRES & ON L’APPELAIT MILADY
The Three Musketeers, The Four Musketeers – Royaume-Uni, États-Unis, Espagne, Panama – 1973, 1974
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Aventure, Comédie
Réalisateur : Richard Lester
Acteurs : Oliver Reed, Raquel Welch, Richard Chamberlain, Michael York, Frank Finlay, Christopher Lee, Geraldine Chaplin, Jean-Pierre Cassel, Faye Dunaway, Charlton Heston, Spike Milligan, Roy Kinnear, Georges Wilson, Nicole Calfan, Michael Gothard
Musique : Michel Legrand, Lalo Schifrin
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais, Français et Allemand LPCM 2.0
Sous-titres : Français, Allemand
Durée : 107 & 108 minutes
Éditeur : Studio Canal
Date de sortie : 26 avril 2023
LE PITCH
D’Artagnan se lie d’amitié avec trois mousquetaires du roi. La reine Anne d’Autriche leur confie la mission de lui rapporter de Londres des ferrets qu’elle a imprudemment offerts au duc de Buckingham. Richelieu et Milady tentent de faire échouer leur mission…
Un pour tous et tous pour deux
Alors que le cinéma français tente de raviver ses icônes populaires avec une nouvelle version du célèbre roman d’Alexandre Dumas sur grand écran, Studio Canal rappelle que c’est du coté de l’empire britannique qu’il faut aller chercher l’une de ses meilleures versions. Un casting de rêve, un ton joyeusement décalé, une irrévérence constante pour un double programme qui capture comme jamais l’esprit populaire, aventureux et certainement moins noble, des premières aventures de D’Artagnan et ses compères.
Autant connu en France que de par le monde, Les Trois mousquetaires (car c’est essentiellement le premier pavé qui est toujours traité) ne compte plus ses plus ou moins célèbres itérations, du bondissant Gene Kelly au bien de chez nous Hunebelle jusqu’aux délires steampunk d’un Paul W.S. Anderson ou à l’énorme production hexagonale évènement de 2023. Et le plus souvent une nouvelle adaptation est le signe d’une production luxueuse, blockbuster de son temps tel que le perçu la célèbre famille de producteur Salkind (du Procès d’Orson Welles à la saga Superman) en imaginant une nouvelle aventure cinématographique des Beatles avant de dévier vers un fastueux divertissement épique de près de quatre heures avec introduction, intermède et tout le tintouin. Dommage d’ailleurs que cette forme finira par se scinder en deux épisodes distribués à quelques mois d’écarts, mais la présence d’un casting 5 étoiles colossal persistera, piochant aussi bien du coté des références absolues du cinéma britannique (Christopher Lee, Frank Finley, Oliver Reed…), de grands noms américains toutes générations confondues (Charlton Heston impérial en Richelieu, Faye Dunaway en Milady…) jusqu’à l’apparition d’un Jean-Pierre Cassel (Louis XIII) ou d’une Nicole Calfan bien de chez nous.
Par l’épée et la pitance
Coproduction européenne oblige et gros moyens à la clef permettant une fois encore d’assurer des reconstitutions historiques minutieuses, des costumes parfois beaucoup plus frivoles et fantaisistes (on penserait même parfois à du Ken Russel) et une armada de figurants et de canassons pour dynamiser l’ensemble. Une grosse entreprise confiée à Richard Lester célèbre pour ses deux films musicaux délirants aux cotés des Beatles Quatre garçons dans le vent et Help ! mais aussi artisan assez insaisissable et souvent peu considéré malgré (entre autres) un superbe La Rose et la flèche. On retrouve ici pleinement son esprit irrévérencieux s’engouffrant volontiers dans les contours les plus tumultueux et rabelaisiens du roman, retrouvant la nature pas toujours si glorieuse de nos vaillants mousquetaires, héroïques et braves certes, mais jamais loin de soiffard bagarreurs, rustres tournant aisément aux complets soudards. Les nombreux duels à l’épée n’ont rien de l’élégance de l’escrime mais vrille plus généralement à la bagarre généralisée, à l’affrontement où tous les coups sont permis, les lames devenant massues tandis que le décor de l’échauffourée se détruit progressivement sous les assauts. Vigoureux pour le moins, tout comme le regard à la fois précis et pittoresque que jette le réalisateur sur l’époque du récit, soulignant constamment non sans ironie le fossé qui existait entre ces enjeux de cours (tout ne tourne en définitive qu’autour de la preuve d’une tromperie entre la reine et son noble anglais), les richesses et ambitions politiques de la noblesse, et la précarité, voir la crasse dans laquelle vivait le peuple.
50ans après
L’héroïsme ne peut alors naitre que par inadvertance. Par la fougue juvénile d’un D’Artagnan (Michael York) à la limite de l’arrivisme et du beau-parleur, ou par un sens du devoir dont on ne souvient que par envie d’aventures. Les Mousquetaires de Lester en sont plus que jamais humains, définitivement sympathiques et régulièrement comiques, en particulier dans le premier Les Trois mousquetaires, divertissement endiablée qui frise parfois à la comédie burlesque par les échecs constants de traquenards ou de botes foireuses, et bien entendu les incessantes chutes et maladresses d’une Constance Bonacieux (Raquel Welsh) pas loin d’un Pierre Richard en corset. Mais ce qui ne devait au départ n’être que la seconde partie du même métrage, On l’appelait Milady, affiche des ambitions plus complexes en se recentrant sur le passif tragique qui lie Athos (formidable Oliver Reed forcément), alcoolo mélancolique, et la perfide et séduisante Milady (Faye Dunaway, sublime), assassin et agent du Cardinal, première victime en définitive de son statut de femme « libre ». Par un jeu constant de répétitions et d’effets miroirs (les combats et les situations se répondent d’un film à l’autre), le réalisateur fait glisser l’univers de ces mousquetaires vers une réalité bien plus cruelle et dramatique. Sur fond de guerre de religion, la bagatelle devient ici mortelle et rehausse considérablement la force de ce grand spectacle de cape et d’épée retrouvant la qualité d’interprétation et de dialogues des grands classiques tout en lui insufflant une modernité nouvelle et bienvenue.
Un vrai régal, et c’est naturellement l’adaptation cinéma qui semble le mieux vieillir années après années.
Image
Les deux films ont donc connu les honneurs d’une toute nouvelle restauration 4K avec manifestement un retour à la source en bonne et due forme, un scan inédit des négatifs et un nettoyage complet des masters. Ces derniers sont désormais d’une propreté éclatante où, excepté des génériques moins pointus, l’ensemble se marie habillement avec le grain de pellicule (fin, délicat mais présent) et les argentiques. Un rendu très cinématographique où même la photographie extrêmement lumineuse aux blancs volontairement brulés sur lors des extérieurs, offre une définition puissante et impeccablement ciselée révélant plus que jamais la majesté des costumes (la scène du bal en particulier) et la beauté de décors médiévaux toujours convaincants et crédibles. Une sacrée revitalisation.
Son
Pas de DTS HD Master Audio ou de Dolby Atmos à l’horizon mais des pistes stéréo d’origine glissée avec sobriété en LPCM (donc source non compressée) afin de rester au plus près des sensations d’origines. Quelques petits effets de souffle sur le doublage français, de légères variations d’intensité sur la version anglaise (dues à la captation initiale), mais là aussi la restauration est évidente avec une clarté et des équilibres retravaillés.
Interactivité
Proposés en Angleterre dans sa collection Vintage Classic, les deux UHD en présence ici reprennent très naturellement le documentaire en deux parties, La Saga des mousquetaires, qui avait été produit en 2004 pour le coffret DVD. Un supplément parfaitement conçu qui donnait la parole à tous les participants encore vivants (des producteurs jusqu’à la plus grande part des acteurs) pour venir raconter les origines du film, la constitution du casting, la séparation du projet en deux métrages, le tournage en Espagne, les cascades et combats particulièrement risquées, les multiples blessures sans oublier les hommages indispensables aux grands noms disparus comme Oliver Reed ou Roy Kinnear décédé lors du tournage du Retour des trois mousquetaires. Un troisième épisode tardif disponible dans le coffret DVD mais dont on aurait certainement aimé profiter aussi en 4K malgré un résultat, il est vrai, bien moins enthousiasmant. Sur le doc, les meilleures interventions sont à nouveau à créditer à l’imparable Christopher Lee qui n’hésite jamais à dire ce qu’il pense sur les salaires alloués, les risques inconsidérés demandés et le comportement cavalier de certains de ses collègues. On retrouve aussi le petit making of promo d’époque du premier film avec ses courtes interventions de Richard Lester sur le plateau et quelques images de tournages à la clef.
Studio Canal s’est tout de même fendu de deux nouvelles interventions du critique britannique Neil Sinyard, spécialiste de Richard Lester, qui traverse lui aussi la création, le tournage et la réception des deux métrages avec un regard plus cinéphilique autant en replaçant les films dans la carrière du cinéaste, en évoquant leur style, les prestations de tout ce beau monde et la construction en miroir des deux parties d’un film coupé en deux de manière quelque peu artificielle. Très intéressant.
Liste des bonus
Les Trois mousquetaires : Interview de Neil Sinyard (31’), La Saga des Mousquetaires, partie 1 (24’), Making of (7’), Bandes-annonces
On l’appelait Milady : Interview de Neil Sinyard (23’), La Saga des Mousquetaires, partie 2 (26’), Bande-annonce.