LES SORCIÈRES D’AKELARRE
Akelarre – France, Espagne, Argentine – 2020
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Pablo Agüero
Acteurs : Alex Brendemühl, Amaia Aberasturi, Daniel Fanego, Garazi Urkola, Yune Nogueiras, Jone Laspiur…
Musique : Maite Arrotajauregi, Aranzazu Calleja
Durée : 92 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Espagnol et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Blaq Out
Date de sortie : 07 décembre 2021
LE PITCH
Pays basque, 1609. Six jeunes femmes sont arrêtées et accusées d’avoir participé à une cérémonie diabolique, le Sabbat. Quoi qu’elles disent, quoi qu’elles fassent, elles seront considérées comme des sorcières. Il ne leur reste plus qu’à le devenir…
Ordalie
La figure de la sorcière, rattrapée par l’actualité du monde contemporain, s’extirpe du cinéma d’exploitation dans lequel elle a sévi des décennies durant avec Les Sorcières d’Akelarre. L’adaptation d’un terrible fait de sorcellerie survenue au début du XVIIe siècle pour mieux parler du réel et de la persécution des femmes.
Les épisodes du genre de celui conté dans Les Sorcières d’Akelarre sont malheureusement bien nombreux dans l’histoire européenne, hantée par des vagues de massacres de jeunes filles (essentiellement) suspectées de pactes avec le diable et autres comportements pas assez catholiques. Au XVe et XVIe siècle, c’est bien entendu l’Inquisition espagnole qui fait régner la terreur dans la chrétienté et forcément le Pays basque, à la culture et à la langue indépendante, reste l’une de leurs cibles privilégiées. Une forme de gratuité qui frappe dès l’ouverture du métrage puisque les raisons pour lesquels le juge Rostegui, et ses tristes acolytes, a jeté son dévolu sur ce groupe de jeunes filles ne sera jamais vraiment explicité. Au mieux certains les auraient entrevues danser et chanter au bord d’une falaise, simple instant de connivence féminine, de sororité bien innocente, que l’église ne peut supporter. Le bonheur est suspect, la joie inquiétante et la liberté on ne peut plus louche. Arrêtées, humiliées, enfermées dans une geôle insalubre, les adolescentes d’Akelarre sont bien entendu les victimes de l’obscurantisme religieux de leur époque, mais sans doute avant tout de la dictature patriarcale, d’un regard masculin toujours aussi désarmé devant le mystère féminin. Découvrant qu’elles ne sont finalement que les projections fantasmées de leurs bourreaux (qui ne rêvent que d’assister à un sabbat… pour la science bien entendu), elles essayent de renverser la situation, à rentrer dans le jeu et devenir ainsi des sorcières… du moins tel qu’ils se les imaginent.
Pièce à conviction
De créature effrayante, diabolisée, la sorcière devient porte-drapeau féministe, dans lesquels les « héroïnes » affirment leur indépendance, se réapproprient leur corps, leur sexualité, leurs identités de groupe tout en se moquant ouvertement des mâles pantois devant cette cérémonie grotesque, aussi sensuelle que ridicule. Véritable point de bascule du film, le désir visible du Juge (Alex Brendemühl) pour la séduisante Ana (Amaia Aberasturi) révèle que bien entendu derrière ces fameuses chasses aux sorcières s’est le plus souvent caché la concupiscence des hommes. Et le jeu de l’acteur, ne fait aucun mystère là-dessus. Le point est posé, admirablement photographié avec une lumière rougeoyante, superbement composé grâce à une reconstitution historique aussi riche qu’économe, mais Pablo Agüero donne bien souvent la sensation d’enfoncer des portes ouvertes avec une conviction un peu encombrante. Les femmes qui deviennent par défiance et symbolique ce dont on les accuse ; Les sorcières comme totem d’une sexualité féminine affirmée ; L’inquisition comme figure de persécution politique, tout cela a largement été exploité et creusé dans des films comme The Witch (Robert Eggers), Le Grand inquisiteur (Michael Reeves), La Nuit des maléfices (Piers Haggard) ou de manière encore moins subtile dans le bourrin Sorcière de Neil Marshall. Là où Les Sorcières d’Akelarre a fait la différence finalement c’est dans son enrobage de film d’auteur, à la mise en scène assez onirique, évitant justement de s’attarder trop longtemps sur les sévices (presque inexistants dans le film) subies par ces sorcières supposées, où de se livrer à un érotisme plus malaisant pour le spectateur. A l’heure des #MeToo et nombreuses révélations de prédateurs sexuels omniprésents dans la vie publique, Les Sorcières d’Akelarre connaît effectivement un joli effet de résonance, mais qui cache un film moins novateur qu’on voudrait bien le croire.
Image
Sans doute que le film aurait gagné à pouvoir être capturé sur pellicule, le rendu numérique, d’autant plus visible sur support Bluray, installant une légère distance avec le sujet avec sa matière et sa lumière. La restitution reste cependant des plus performantes avec une définition bien pointue, une profondeur marquée et surtout une palette colorimétrique chaude, vive et lumineuse.
Son
Les Sorcières d’Akelarre est admirablement accompagné par son mixage DTS HD Master Audio 5.1 de la version originale. Les confrontations entre les langues dans les dialogues sont rendues avec précision, tout comme des ambiances sonores, certes souvent épurées, mais qui savent apporter un dynamisme puissant lorsque que nécessaire. Le sabbat final en est l’exemple le plus marquant, mais les quelques scènes en bord de mer ou dans les bois se montrent aussi détaillés et généreux.
Interactivité
Blaq Out propose ici une édition des plus complètes et intéressantes. On trouve quelques images volées sur le tournage pour des séquences au final raccourcies dans le film et l’explication rapide du choix visuel de l’ouverture, mais deux suppléments viennent véritablement charpenter la section bonus. Le premier est une longue interview du réalisateur qui raconte sans détours la longue gestation du film, sa découverte des faits historiques qui l’ont inspiré, les choix esthétiques, la tonalité presque grotesque du film et bien entendu les parallèles évidents avec l’actualité. Un témoignage très intéressant, admirablement complété par Mère de Dieux, long métrage de documentaire qu’il a réalisé en 2015. Une rencontre étrange et fascinante avec un groupe de femme Patagoniennes qui ont tout quitté pour construire un temple. Entre magie et cause féminine, les deux films se répondent et tracent une même voie.
Liste des bonus
Entretien avec Pablo Agüero (36′), Scènes coupées (5′), « À la lueur des bougies » (3′), « Mère de Dieux » : documentaire de Pablo Agüero (exclusivité Blu-ray, 87’).