LES RIVIÈRES POURPRES
France – 2000
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Mathieu Kassovitz
Acteurs : Jean Reno, Vincent Cassel, Nadia Farès, Jean-Pierre Cassel, Dominique Sanda, Karim Belkhadra, Laurent Lafitte…
Musique : Bruno Coulais
Image : 2.35 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Anglais
Durée : 106 minutes
Editeur : Gaumont
Date de sortie : 30 octobre 2024
LE PITCH
Guernon. Un corps mutilé est découvert suspendu à une falaise. Le commissaire Niémans est dépêché sur les lieux. A 300 km de là, Kerkérian, jeune loup solitaire, enquête sur une profanation de sépulture. Deux flics, deux affaires… mais une même piste pour un horrible secret.
Tueur(s)
Intense succès populaire qui fit croire, avec un certain Le Pacte des loups, en ce début de nouveau millénaire qu’un nouveau souffle du ciné de genre français allait renverser la balance, Les Rivières pourpre est aujourd’hui considéré comme un classique moderne du polar hexagonal. Pas si mal pour une production largement conspuée alors par la critique, et un Mathieu Kassovitz que beaucoup voyaient comme un traitre à la cause de « l’auteur ».
Il ne fait pas toujours bon lorsque l’on est propulsé nouvel espoir du cinéma français de dévier de la voie toute tracée… par les autres. Après le phénoménal, et toujours aussi brillant La Haine, Mathieu Kassovitz n’avait certainement pas l’ambition de s’engouffrer ad eternam dans un cinéma social et engagé, lui qui a été nourri par une cinéphilie éclairée, par l’école américaine et qui a admiré l’apport stylistique du camarade Luc Besson. Une incompréhension s’est ainsi crée comme souvent, et à littéralement fait exploser en plein vol son troisième long métrage, Assassin(s) pourtant sans doute son plus inventif et certainement son plus brutal. Le réalisateur accepte alors le projet de la Gaumont, d’adapter sur grand écran le best-seller de Jean-Christophe Grangé, Les Rivières pourpres dans l’optique tout à fait limpide de signer plus ou moins un Seven ou un Silence des agneaux à la française. Certain ont pu voir cela comme un aveu d’échec de la part de l’auteur de La Haine, mais celui-ci assume totalement sa capacité à devenir aussi un réalisateur mercenaire, et embrasse totalement la commande. Le film n’est certainement pas traité par-dessus la jambe et en plus d’un difficile travail d’adaptation effectué avec Grangé en personne, Kassovitz trouve là effectivement l’occasion de faire la démonstration de son savoir technique, de sa maitrise d’une réalisation pour le moins démonstrative (plans à l’hélicoptère, panoramiques circulaires, travellings marqués, contre-plongées à foison…) et plus généralement d’un talent évident pour le cinéma de l’action.
Le sang et la sueur
Une caméra constamment en mouvement, fébrile, idéale pour transmettre cette idée d’une double enquête, constamment dans l’urgence, sur la brèche, tendue à l’extrême, et qui se marie étonnement bien avec les ambitions presque gothiques de la superbe photographie signée Thierry Arbogast (Nikita, Leon, Ridicule…). Un divertissement d’une redoutable efficacité portée par la personnalité parfois franchement sale gosse du cinéaste entre le ridicule de nos braves représentants de l’ordre en képi et une baston mémorable contre des skins sur fond de Tekken, mais qui ne trahit jamais l’atmosphère sombre et glauque du roman. Il plonge ainsi jusqu’aux épaules dans les eaux nauséeuses d’un petit village français transformé en terrain d’expérimentation pour une Grande école jouant au parfait petit eugéniste nazi. Pari joliment réussi en sommes où même Jean Reno convainc dans la défroque d’un vieil enquêteur solitaire et taiseux, régulièrement bousculé par le plus jeune, et bien moins procédurier Vincent Cassel fonctionnant comme toujours à l’instinct. On le sait, le principal défaut des Rivières pourpres reste un scénario alambiqué combinant la difficulté de résumer 500 pages de surcouches d’indices et de fausses pistes en un long métrage de moins de deux heures avec un accroc survenu en début de tournage et ayant entrainé de multiples relectures jusque sur le plateau. Excepté un twist final gentiment bazardé (et de toute façon pas vraiment convaincant non plus dans le roman), cet espèce de flou constant du récit, ces pièces de puzzles qui ne semblent jamais vraiment s’emboiter et ces rares dialogues posés où nos deux enquêteurs avouent largement leur désarroi, participe aussi à cette sensation d’un polar constamment dépassé par le mal et le souffre qui l’habite. Et puis comme le dit si bien Vincent Cassel dans le making of « mieux vaut-il être clair et chiant ou perdu et énergique ? ». Le choix est vite fait.
Un film qui a des défauts certes, mais qui reste 20 ans après toujours un petit modèle du genre, régulièrement copié dans nos contrées sans jamais être égalé… Non, on ne parlera pas d’un certain Les Rivières pourpres 2 ou de L’Empire des loups.
Image
Voilà un film qui a toujours été cajolé par Gaumont et qui support après support affirme à chaque fois de belles performances techniques. Nouvelle restauration donc pour Les Rivières pourpres avec un scan 4K des négatifs et un nouveau travail de nettoyage et de stabilisation extrêmement poussé. L’image est impeccable, extrêmement propre, mais met aussi constamment en valeur le grain bien présent de la pellicule et des matières parfois bien rugueuses. On est ici dans un rendu général légèrement plus doux que de coutumes, avec des profondeurs plus délicates qu’abyssales, mais toujours dans le but de respecter au mieux la photographie de Thierry Arbogast dont les séquences volontairement opaques, les intérieurs nourris de quelques sources de lumières à peine et les teintes cuirs n’ont jamais été aussi merveilleusement mis en valeur. Appuyé par le cocktail HDR et Dolby Vision, cet UHD appuie parfaitement les contours baroques du polar.
Son
Le disque reprend tranquillement le DTS HD Master Audio déjà entendu sur le précédent Bluray. Un mixage des plus performants, ample et généreux, assez costaud même dans l’énergie de ses effets, sa profondeur et la force donnée aux compositions de Bruno Coulais quitte parfois à surpasser peut-être un peu trop les dialogues.
Le film est aussi disponible dans un DTS HD Master Audio 2.0 naturellement plus sobre et télévisuel, mais tout à fait clair, efficace et équilibré.
Interactivité
Pour accompagner cette sortie sur un nouveau support vidéo, Gaumont a produit de nouvelles interviews de circonstances. Le chef opérateur Thierry Arbogast ouvre ainsi le programme avec un retour sur les choix opérés pour Les Rivières pourpres, les différences de méthode entre Besson et Kassovitz (le premier maitrise tout, le second est plus « torturé »), le plaisir de travailler à l’ancienne, quelques scènes marquantes mais aussi la nécessité parfois de ne pas trop exiger pour laisser le film respirer (comme pour les séquences dans le montagne). Un entretien très agréable et plein d’informations qui est suivi par une nouvelle rencontre avec Jean-Christophe Grangé qui revient sur l’écriture du roman (pas si aisée que cela), le travail d’adaptation pour ce film et en général, et son intérêt pour les grands polars du cinéma français dont il regrette finalement la trop grande rareté actuellement. Intéressant dans les deux cas, mais gageons que les anciens suppléments suffisaient de toute façon déjà amplement à notre bonheur.
Ils ont 20 ans certes ces bonus remisés sur le Bluray de l’édition (avec la nouvelle copie et le nouvel habillage), témoins de l’explosion du support DVD il y a 20 ans et comprenant, entre autres, un passionnant commentaire audio sans langue de bois entre Mathieu Kassovitz, Jean Reno et Vincent Cassel, quelques sujets sur des scènes clefs ou plus spectaculaires (la baston avec Cassel, le final…) et surtout deux segments qui sont resté dans les annales.
Le premier, « L’enquête » est une plongé hallucinante dans le travail d’écriture et de réécriture du film soulignant les difficultés de l’adaptation, le besoin de simplifier la trame tout en gardant les meilleurs et surtout comment une simple journée de tournage gâchée par une chute de neige inattendue à entrainer une réécriture constante au cours du tournage… Au grand damne de Vincent Cassel qui ne cache pas son agacement autant que son amusement.
Le second, « La scène au scalpel » est un décorticage total de la conception technique et artistique du film par le biais de l’analyse de la seule séquence de l’autopsie. Dense mais absolument passionnant et brillant dans sa contraction. Pourquoi on en fait plus des bonus comme ça ?
Liste des bonus
Commentaire audio de Mathieu Kassovitz, Jean Reno et Vincent Cassel, Bande originale du film isolée commentée par Bruno Coulais,« Retour sur Les Rivières pourpres » : Entretiens avec Thierry Arbogast et Jean-Christophe Grangé (50’), L’Enquête » : Le sens caché des Rivières pourpres (52’), « La Scène au scalpel » (26’), « Naissance d’un cadavre » commenté par Jean-Christophe Spadaccini et Denis Gastou (9’), « Tournage musclé » commenté par Vincent Cassel et Nicky Naudé (7’), « Tournage de nuit » (9’), « Tournage en altitude » (10’), « Les Rivières blanches » (15’), Bande-annonce.