LES MAITRES DU TEMPS

France, Allemagne, Hongrie, Suisse – 1982
Support : Bluray & DVD
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : René Laloux
Acteurs : Sady Rebbot, Jean Valmont, Michel Elias, Frédéric Legros, Monique Thierry, Yves-Marie Maurin…
Musique : Jean-Pierre Bourtayre, Pierre Tardy, Christian Zanesi…
Image : 1.66 16/9
Son : Français LPCM 2.0
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Durée : 80 minutes
Editeur : Tamasa Distribution
Date de sortie : 25 mars 2025
LE PITCH
Sur la planète Perdide, Claude succombe à une attaque de frelons laissant son fils Piel seul et désemparé. Avant de mourir, il a eu le temps d’envoyer un message à Jaffar, son ami de toujours : « Viens vite et sauve Piel ! ». Une course contre la montre s’engage alors dans l’espace…
Ce que l’avenir nous réserve…
Projeté dans les salles françaises en 1982, le second film d’animation de René Laloux (Planète sauvage, Gandahar) fut un évènement pour les amateurs de SF mais aussi pour toute une génération de jeunes spectateurs pour la première fois confrontés à un cinéma d’animation certes grand public, mais aussi exigeant, complexe, unique, un space opera philosophique et poétique. Culte donc.
Malgré l’énorme succès mondial rencontré par La Planète Sauvage, René Laloux devra attendre 10 ans avant de monter son second long métrage : Les Maîtres du temps. Car si le film est désormais reconnu par le milieu du cinéma traditionnel, c’est bien Roland Topor qui reçoit presque toutes les louanges. Exploité en salles en 1982 avec une énorme couverture médiatique (malgré un nombre de salles restreint), le second film de René Laloux est à la fois le plus prestigieux, grâce à la participation de Moebius à la direction artistique et le soutien de la revue Métal Hurlant, mais aussi celui qui aura le plus souffert de ses conditions de production hasardeuses. Il faut dire qu’il fut au départ imaginé comme le premier moyen métrage d’une série télévisée, avant d’être étendu, sans réelles rallonges financières, en long métrage cinéma avec une conception déportée en Roumanie. Là, l’animation sera répartie en différentes équipes avec des résultats effectivement très irréguliers. Si le jeune héros ou les gnomes volant (et télépathes) sont extrêmement soignés, les personnages humains par exemple semblent déjà datés, rigides, et souffrent d’un design très « pays de l’est ». Alternant séquences ultra saccadées, personnages esquissés et fulgurances d’une extrême fluidité, Les Maîtres du temps peut s’avérer effectivement déstabilisant.
Le chant galactique
Le film sera vivement critiqué pour cela, mais ce serait trop vite oublier la finesse incroyable des décors peints, la justesse de la mise en scène et l’excellence du montage. Surtout, de part ses aspects disparates, cet effet de collage rugueux, et le travail incroyable effectué sur la bande sonore du film (entre l’envolée finale et les nappes d’ambiances riches et exotiques), Les Maitres du temps affirme constamment son altérité, voyage total vers un ailleurs, un hors le monde aussi troublant que fascinant. Rarement un film n’aura autant donné à voir des planètes extraterrestres aussi… extraterrestres. Surtout, cette nouvelle adaptation d’un roman de Stefan Wul, L’Orphelin de Perdide, est une nouvelle occasion pour René Laloux d’embrasser totalement de véritables concepts de science-fiction, que ce soit dans le versant politique (les hommes oiseaux et leur conscience unique) ou poétique avec la révélation temporelle qui vient souligner de la plus belles des façon le lien entre un vieux monsieur farfelu et un enfant perdu. La force du film est de réussir d’ailleurs à rendre tous ces codes et ces concepts totalement accessibles au jeune public, ajoutant certes quelques personnages curieux et humoristiques pour les accrocher (le ouin-ouin, la drôle de poule, les deux petits télépathes aux dialogues délicieux…), mais sans jamais les infantiliser. Là où la découverte enfant de Planète sauvage ou Gandahar peut effectivement occasionner quelques traumas face à des images à la lisière du cauchemardesque, celle des Maitres du temps frappe, marque indubitablement, mais ouvre surtout des perspectives, à tout un imaginaire, une vision et certaines philosophies.
Si le film a effectivement pu pêcher par ambition (le storyboard complet assez hallucinant de Moebius en atteste), la richesse de son univers et son rythme languissant et onirique fascinent comme seules les œuvres « survivantes » savent le faire.
Image
Déjà croisée pour un petit tour des salles arts et essais durant l’année 2024, la nouvelle copie des Maitres du temps est une petite merveille constituée à partir d’un nouveau scan 4K des négatifs 35 mm. Une restauration appliquée et scrupuleuse qui a permis de nettoyer l’image de fond en comble, d’en stabiliser les bords et d’en préserver les jolies matières et particularités. L’image ne sera donc jamais totalement parfaite les cellulos préservant leurs aspérités et leurs petits défauts initiaux, tout comme d’ailleurs quelques petites maladresses techniques d’époque (les plans de Piel légèrement flous). C’est véritablement Les Maitres du temps, dans son jus, mais avec une définition inédite permettant de profiter totalement des superbes décors dessinés et des contrastes qui subliment les couleurs. Superbe.
Son
Tamasa a la bonne idée de nous épargner le mixage Dolby Digital 5.1 qu’avait tenté de glisser Opening en 2004 sur son DVD. La version originale, restaurée elle aussi à partir des bandes magnétiques 35mm d’origine, reste bien calée dans sa stéréo initiale. Disposé dans un standard non compressé, elle retrouve son énergie d’origine mais dopée désormais d’une clarté plus agréable. Là aussi les choix du mixage initial, avec certains dialogues lointains, presque inaudibles, ont été préservés, mais les environnements sonores sont plus envoutants que jamais.
Interactivité
Tamasa propose Les Maitres du temps dans une édition Bluray classique mais aussi sous la forme d’un combo Bluray / DVD glissé dans son joli digipack trois volets lui-même glissé dans un grand coffret cartonné. Il y est accompagné d’une reproduction de la superbe affiche originale, d’un morceau de pellicule ainsi que d’un large livret compilant des textes de présentation, d’analyses et des interviews (le réalisateur, le producteur, Moebius, l’animateur Zoltan Maros…) rédigées par Fabrice Blin. A priori il s’agit d’ailleurs là essentiellement d’extraits de son excellent ouvrage Les Mondes Fantastiques de René Laloux, avec la présence de nombreuses images du film, photos de productions, croquis divers et même quelques extraits de scènes coupées issues du pharamineux story-board de Moebius.
C’est d’ailleurs ce dernier qui ouvre la sections bonus du Bluray en revenant durant une quarantaine de minutes sur l’impact qu’eu le film sur toute une génération de jeunes spectateurs avant de retracer les grandes qualités et petits défauts du long métrage et revenir à nouveau sur les coulisses compliquées de la production. Belle surprise aussi de découvrir une archive de l’INA, « De la friture dans les lunettes », qui permet de découvrir un reportage rarissime dans les coulisses du film avec la participation de Laloux et Zoltan Maros donnant quelques codes sur les techniques de l’animation.
La suite est directement héritée de l’ancien DVD d’Opening avec l’interview du romancier Stefan Wul qui revient sur le film et sa carrière, et le très bon documentaire rétrospectif, entre interviews inédites de spécialistes et de membres de l’équipe et images d’archives, revenant sur l’épopée du tournage (40 minutes).
Liste des bonus
Un livret illustré (84 pages), L’affiche du film (34 x 48 cm), Un morceau de pellicule 35mm, « Émotion et paradoxe temporel » par Fabrice Blin (44’), « Les Maîtres du temps » raconté par Stefan Wul (17’), « De Perdide aux Maîtres du temps » : Entretiens croisés (38’), « De la friture dans les lunettes » : Rencontre avec les animateurs (INA, 7’), Bande-annonce.