LES MAITRES
Gente di rispetto – Italie – 1975
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Luigi Zampa
Acteurs : Jennifer O’Neill, Franco Nero, James Mason, Orazio Orlando, Aldo Giuffrè, Claudio Gora
Musique : Ennio Morricone
Image : 1.85 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 113 minutes
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 30 juin 2023
LE PITCH
Elena Bardi, jeune institutrice italienne, est mutée dans une petite localité de Sicile. Elle est harcelée par un homme dans le car qui la mène à destination, puis le lendemain dans une artère fréquentée du village. Au matin suivant, l’homme est retrouvé mort en place publique, tué de cinq balles de revolver, une fleur plantée dans sa bouche. Les habitants, craintifs et silencieux, pensent qu’Elena est protégée par la mafia, et se montrent partagés entre la crainte et le respect à son égard.
Des gens très respectueux
Nouvelle découverte en provenance du Chat qui fume avec Les Maitres, l’un des derniers films de Luigi Zampa, cinéaste trop méconnu, et qui signait là un autre grand film sur la mafia sicilienne dans le prolongement direct de La Mafia fait la loi et Seule contre la Mafia de Damiano Damiani.
Il y a encore beaucoup de cinéastes italiens à réhabiliter. Comme Luigi Zampa, réalisateur de comédies sociétales italiennes plutôt populaires dans leur pays d’origines, mais aussi de drames et thrillers politiques aux réflexions engagées scrutant la longue histoire de l’Italie fasciste ou sa relation ambiguë avec l’hégémonie de la mafia. Des films comme Les Coupables (drame criminel historiques dans les hautes sphères de Naple), Nous sommes tous coupables (les turpitudes de la justice) ou Les Années rugissantes (quand le fascisme devient ordinaire) sont définitivement à redécouvrir. Tout comme le présent Les Maitres, film en définitive très rare par chez nous, qui visite le superbe village de Raguse, partagé entre ses ruines antiques, ses quartiers pauvres et son cœur historique, tout en pierres typiques, en petites allées et en silhouettes silencieux. Presque le folklore sicilien que découvre l’institutrice idéaliste Elena (Jennifer O’Neill aussi belle que dans Un été 42 et L’Emmurée vivante) qui va rapidement devenir le centre de l’attention de toute la population. Il faut dire que l’homme qui l’a harcelé plusieurs fois lors de son voyage est retrouvé le lendemain sur la place, assis sur une chaise, mort, une rose dans la bouche.
La Sicile ? On l’aime ou on la quitte.
Une vieille, et charmante, coutume de la mafia pour châtier ceux qui se sont montré désobligeant avec un invité… De là la police, les notables et les parents d’élève voient en Elena une connexion avec la pieuvre, lui prêtant une autorité et une importance qu’elle se défend d’avoir… Dans un environnement toujours trouble, théâtre de l’omerta et du secret, où la société maintient la tête des populations les plus pauvres dans la fange, Luigi Zampa filme un autre monde, presque un autre pays où la beauté des paysages vient régulièrement donner naissance à des tableaux incongrus habités par la mort. Celle de ceux qui s’approche trop près de la maitresse d’école, mais aussi de cadavres momifiés de grandes familles exposés tels des saints dans l’église ou cachés depuis des années au bout de la propriété d’un riche avocat. Un mystère parfois digne d’un giallo à machination, mais aussi avant tout une réflexion admirable et passionnante sur l’esprit sicilien (et par extension italien) face au pouvoir, à la cosa nostra, toujours teinté de résignation et de fatalité. D’ailleurs la protagoniste hésite constamment en les choix opposés des deux hommes qui l’accueillent dans le village : d’un coté son propriétaire, James Mason toujours aussi doux qu’inquiétant, qui tente de refaçonner les lieux à ses désirs, et le collègue instituteur incarné par un Franco Nero loin de ses figures héroïques et viriles, qui a opté sciemment pour l’acceptation. Elle naturellement pense pouvoir utiliser sa renommée nouvelle pour le bien… Oui mais le bien de qui ?
Un thriller décidément habile, pertinent et implacable qui embrasse avec mélancolie et dureté la réalité de l’une des plus belles îles du monde et qui était alors aussi l’une des plus dangereuse.
Image
Jamais exploité en salles ou sur support physique en France, Les Maitres nous parvient grâce au Chat qui fume dans une très belle copie HD. La restauration est bien visible avec des cadres excessivement propres (même si on aperçoit encore parfois quelques points blancs persistants) et stables et des couleurs, certes rares, mais toujours solidement soulignées. Et même si la définition doit parfois composer avec quelques effets photographiques vaporeux, elle se montre très solide venant souligner avec fermeté le grain du superbe décor de cet authentique village sicilien, ses pierres, ses chemins, sa place écrasante et sa gigantesque église.
Son
A priori doublé pour quelques diffusion TV, Les Maitres ne profite pas vraiment d’une version française particulièrement soignée que ce soit dans son jeu ou son mixage, bien plat. On y préfère comme presque toujours la version originale italienne qui semble beaucoup plus naturelle malgré la présence de deux acteurs américains, et certainement plus équilibrée et dynamique.
Interactivité
Proposé en digipack avec fourreau cartonné Les Maitres s’accompagne d’une nouvelle interview de la star Franco Nero. Un acteur qui prend toujours grand plaisir à discuter de cette belle époque du cinéma italien, revenant bien entendu sur le film en question et sa collaboration avec Jennifer O’Neill, James Mason et le réalisateur Luigi Zampa, mais qui s’égare aussi fréquemment évoquant d’autres métrages de l’époque, son amour pour la Sicile et son peuple et plus généralement sur les soucis de mémoire des spectateurs italiens.
On découvre aussi une sacrée curiosité : une fin alternative en qualité VHS qui en quelques plans ajoutés transforme presque totalement les dernières minutes du film offrant une rédemption inattendue au personnage de Franco Nero et un horizon légèrement moins sombre.
Liste des bonus
« Une fleur à la bouche » avec Franco Nero (22’), Fin alternative française, Bande-annonce.