LES LOULOUS
France – 1977
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Patrick Cabouat
Acteurs : Jean-Louis Robert, Valérie Mairesse, Charlie Nelson, Françoise Pagès…
Musique : Horacio Vaggione, Elisabeth Wiener
Durée : 90 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Anglais
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 21 juillet 2021
LE PITCH
Dans les années 1970, en banlieue parisienne, quand elle ne passe pas le temps à faire de la moto dans les terrains vagues, une bande de jeunes paumés menée par Ben joue les terreurs dans les quartiers. Ses exactions provoquent régulièrement des conflits avec la population, notamment avec Tramoneur, le patron du café servant de quartier général aux loubards. Jusqu’au jour où l’inévitable se produit : à la suite d’une rixe, Dédé, le frère de Ben, est tué d’un coup de fusil par Tramoneur. Ben jure alors de le venger… quelles qu’en soient les conséquences !
C’est mon dernier bal
Seule et unique réalisation de Patrick Cabouat, désormais documentariste éprouvé, Les Loulous est comme son nom l’identique une œuvre témoin sur la jeunesse, paumée, des années post 68. Une virée en moto et en musique, vers un avenir plus qu’incertain.
Le Chat qui fume semble s’être donné pour mission d’exhumer dans des conditions optimales, les petites perles perdues du cinéma de genre français. Des tentatives méritantes, originales voir hors normes, systématiquement disparues des radars et des réseaux de distribution. Invisible depuis sa courte sortie en salle, Les Loulous reste un regard assez unique sur la jeunesse de ces banlieues bien de chez nous qui venaient à peine de sortir de terre. Tourné à Nanterre, Bondy ou la Défense, le film s’inscrit dans les cendres des mouvements de mai 68, dans cet après qui confronte les rêves de révolution et le dur réveil dans un quotidien dégradé. Les pavés ont laissé la place au béton (beaucoup plus difficile à balancer sur la tronche des CRS) et la jeunesse grandit dans des cités où, comme toujours, leur esprit de rébellion, leur besoin de bouger les choses, de construire leur vie quitte à abimer celle des parents, sont particulièrement mal perçus par une société française toujours aussi rance, méfiante et nostalgique d’un « c’était mieux avant ». Patrick Cabouat ne film rien de nouveau et s’inscrit même dans une petite mode que connaît alors le cinéma hexagonal, mais le fait particulièrement bien, donnant la parole à une troupe de jeunes acteurs, de jeunes gueules (dont une Valérie Mairesse presque débutante), qui malgré quelques maladresses et excès sonnent toujours vrais.
Le péril jeune
Les tenus, les attitudes, leurs manières de parler, de penser, leur rage pas toujours très bien contenue, sont d’autant plus juste qu’ils s’incarnent dans un paysage déjà en ruine (les fameux terrains vagues), bouché et écrasant où le réalisateur construit ses cadres et ses formes avec celles des tours, des vastes esplanades grises et des grands ensembles. On sent déjà poindre le futur documentariste dans cette captation du réel, même si son style un peu rustre, limité par un budget qui assure la liberté créatrice, se laissent emporter régulièrement par des influences marquées par la Nouvelle Vague. Pas celle du cinéma vérité, mais celle où une veillée funéraire s’échappe vers l’abstrait, où un dialogue amoureux glisse vers l’échange philosophique, où la caméra n’est jamais invisible et où même la voix du metteur en scène se laisse entendre. Un petit reste des expérimentations de Godard, un peu se surréalisme à la Blier (toutes proportions gardées) et Les Loulous brise ses dernières lignes d’innocence au delà du triste fait d’hivers en resserrant son objectif sur Ben, chef de la bande s’il en faut un, et son chemin de croix au travers des institutions d’état. En reprenant plus ou moins la rupture et la ligne de Orange mécanique, Les Loulous passe de témoin à œuvre politique et engagé, fustigeant la France giscardienne (dont le visage apparaît même dans les cauchemars du protagoniste), la répression policière, légale, et le musellement de la jeunesse (ici chimiquement). Un dernier tiers, à l’onirisme parfois un peu balourd, qui se perd quelque peu dans les couloirs d’un asile de province, tout juste réveillé par un assaut final sympathiquement anarchique, mais qui n’entame en rien le propos et la sincérité du film.
Un manifeste pour la jeunesse, un état des lieux déjà peu optimisme qui inquiéta les petits ducs de la censure qui n’hésiteront pas à l’interdire au moins de 18 ans… Pour protéger les vieux et que ça ne donne pas trop d’idée à certains.
Image
Comme toujours avec l’éditeur c’est du travail d’orfèvre, avec une approche des plus méticuleuses. En l’occurrence un scan 2K d’une copie confiée par le réalisateur. Un film tourné en 16mm, à priori gonflé en 32, et qui forcément affiche malgré tous les efforts de restauration un grain extrêmement prononcé, voire parfois floconneux sur les contours sombres. Rien d’étonnant, ni de vraiment gênant, puisque c’est aspect poussiéreux appuie l’atmosphère crue du film, et qu’en dehors d’un reste de griffure sur un plan, les cadres ont été débarrassés du moindre défaut. La définition est au meilleur des possibilités, tout comme les couleurs, étonnamment bien présentes (les jeans bleus, le rouge des casques…) et admirablement contrastées.
Son
Le mono d’origine profite d’un traitement DTS HD Master Audio 2.0 qui certes ne change pas l’énergie on ne peut plus frontale du film, quelques captations inégales et un mixage un peu strident par moment, mais lui assure une restitution nette, limpide et équilibrée. C’est tout ce qu’on lui demande.
Interactivité
Serti dans l’habituel, mais toujours réussi, digipack cartonné de l’éditeur, Les Loulous entame son interactivité par une courte présentation, un peu décalée, d’une certaine Jessica. On y resitue le film dans son époque et ses liens avec les autres films de banlieues de l’époque. Sympa et efficace. Beaucoup plus conséquent, le segment suivant est une longue interview du réalisateur Patrick Cabouat qui en plus d’explorer son parcours, de sa collaboration pas forcément heureuse avec Marin Karmitz à ses nombreux documentaires pour Arte, reprend les origines de son unique fiction pas à pas. L’aide du CNC, sa rencontre avec la productrice Véra Belmont (Bayan Ko, Légitime violence, Un Condé, La Guerre du feu…) , avec la jeune troupe d’acteurs, le tournage et les lieux choisis, la radicalisation du propos… Même si parfois le monsieur se mélange un peu les souvenirs (le film fut interdit aux moins de 18 ans et pas classé X, à priori les entrées salles n’étaient vraiment pas faramineuses…), la rencontre est plus qu’intéressante.
Liste des bonus
Présentation du film (4’), Les loulous de Patrick Cabouat (41’).