LES FÉROCES

Liberi, armati, pericolosi – Italie – 1976
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Romolo Guerrieri
Acteurs : Tomas Milian, Stefano Patrizi, Benjamin Lev, Max Delys, Eleonora Giorgi, Venantino Venantini…
Musique : Enrico Pieranunzi et Gianfranco Plenizio
Durée : 97 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Italie, français et anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français, anglais
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 19 mars 2023
LE PITCH
Trois fils issus de de familles aisées et tombés dans la délinquance vont mettre la ville de Milan à feu et à sang en multipliant les braquages, actes de vandalisme et agressions…
Jeunes, désespérés et violents
Incontestable réussite du néo-polar italien des années 1970, le « road movie » ensanglanté de Romolo Guerrieri, Les féroces, fait enfin son apparition dans nos contrées grâce à la décidément indispensable collection « Années de plomb » d’Éléphant Films.
S’il est une famille qui compta dans le cinéma de genre italien, ce sont bien les Girolami ! En effet, entre le stakhanoviste Marino Girolami (qui tourna des années 1940 aux années 1980), son frère Romolo (qui prit le nom de famille de sa mère pour se démarquer) et les enfants de Marino, Ennio Girolami, acteur, et Enzo G. Castellari, le Bis italien vit cette famille écrire une belle partie de son histoire.
Malheureusement trop rare (« seulement » une dizaine de films) et assez méconnu, Romolo Guerrieri n’a rien à envier aux siens comme le prouvent des réalisations aussi marquantes que les westerns Le temps des vautours ou Johnny Yuma, le film noir Exécutions ou encore L’adorable corps de Deborah, premier Giallo à mettre en lumière les charmes de Carroll Baker…
Mais c’est bien dans le domaine du polar que l’oncle de Castellari marqua son empreinte avec entre autres l’excellent, et toujours inédit, La police au service du citoyen ? (avec Daniel Gélin en industriel véreux et Enrico Maria Salerno en flic au bout du rouleau) et Les féroces en 1976, qu’on a également vu nommer Jeunes, désespérés, violents ou Racket Boys.
Cette année 1976 marque justement un certain tournant dans les thématiques des poliziotteschi. En effet, en 1975, un événement qui a durablement marqué l’Italie d’alors s’invite dans le cinéma : le massacre du Circeo, qui avait vu trois jeunes bourgeois néofascistes infliger l’enfer à deux jeunes femmes. Toujours opportuniste, le Bis italien ne manqua pas d’ « analyser » le fait et, outre le film de Guerrieri, on peut au moins citer trois autres films sortis entre 1976 et 1977 qui exploitent le sujet : Fango Bollente (Les furieux) de Vittorio Salerno et avec Joe Dalessandro, Comme des chiens enragés de Mario Imperioli ou encore Opération K de Luigi Petrini. Enfin, toujours en 1976, on retrouvait l’un des protagonistes de Les féroces, Stefano Patrizi, dans le Brigade spéciale de Lenzi où il tenait un rôle similaire.
Du rire aux armes
Outre le contexte, le film se base surtout sur les écrits du romancier Giorgio Scerbanenco, scénarisés ici par Fernando Di Leo qui avait déjà adapté l’œuvre du romancier milanais pour ses réalisations (La jeunesse du massacre, Milan calibre 9…). Le scénario de Di Leo est parfaitement restitué par Guerrieri qui tout au long du film appuie sans cesse sur le décalage entre ces trois jeunes gens, « beaux » et drôles, et leurs actes violents. La première séquence est ainsi parfaitement amenée : alors que le générique nous présente les trois « héros » du film comme des grands gamins armés de pistolets en plastique, le massacre qui se déroule durant le premier braquage d’une longue série laissera autant bouche bée les spectateurs que les policiers pourtant avertis mais ne prenant guère au sérieux ces jeunes bien sous tous rapports…
Le néopolar de Guerrieri se transforme alors en un véritable « road movie » qui se circonscrit sur une journée, une cavale meurtrière où policiers, receleurs, complices ou simples campeurs finiront ad patres. Malgré une BO « flower power » qui ne l’aide pas toujours, le cinéaste parvient à maintenir la tension lors de la course vers la mort d’apprentis gangsters nihilistes. Bien que n’ayant pas ou peu percé dans le milieu par la suite, les trois acteurs (Stefano Patrizi, Benjamin Lev et le français Max Delys) campent à la perfection leurs personnages. Jouant le rôle de la petite amie du moins violent des trois, Eleonora Giorgi, qui tournait surtout des films érotiques à l’époque sera finalement le déclencheur de la chute du trio infernal. Et la police dans tout ça ? Avec à sa tête un Tomas Milian méconnaissable en commissaire déprimé, elle se place en spectatrice se bornant à compter les morts qui s’accumulent et à faire la morale à des parents, aisés, n’ayant absolument aucune prise sur leurs rejetons. Inoffensifs, comme le montre leur amateurisme lors du premier braquage sanglant, les policiers se verront même dépassée par… leurs propres chiens lors d’une séquence surprenante et glaçante où un berger allemand s’occupera personnellement d’un des criminels.
Avec sa fin tragique et mémorable (difficile d’oublier le regard perdu et désabusé de Milian), son rythme trépidant, son scénario signé par l’un des maîtres du genre, sa violence à la fois réaliste et racoleuse, Les féroces fait clairement partie des bobines hautement recommandables du poliziottesco. Une belle occasion aussi d’apprécier le talent de Guerrieri en espérant que nos chers éditeurs s’intéressent de plus près à sa filmographie.
Image
Sorti en Blu-Ray en Allemagne en 2019 par l’éditeur Cineploit, le film fait sa première apparition en France et en HD qui plus est. Le Master présenté rend parfaitement hommage au travail de Guerrieri. Les traces du temps ont disparu tout en conservant un beau grain discret. Outre une définition très correcte, les couleurs sont bien contrastées, l’arrière-plan bien rendu. Une restauration de qualité.
Son
Comme il est d’usage sur les films de la collection d’Éléphant Films, on retrouve trois versions différentes. Nous ne pouvons que vous conseiller la version originale, bien plus crédible. Toutefois, les autres versions ne dénotent pas mais sont moins naturelles.
Interactivité
Dans les bonus vidéo, le professeur et critique de cinéma Stephen Sarrazin nous livre son regard sur le film. Il rappelle qu’il est assez rare de voir des films sur la jeunesse italienne d’alors et rappelle le contexte (fin du Boom économique, les attentats…). Dans le premier documentaire présenté, nous avons le plaisir de pouvoir entendre Romolo Guerrieri évoquer ses souvenirs. Il rappelle que ce genre de films était souvent mal perçu par la critique, voire qualifiés de fascistes, ce qui le blessa beaucoup lui qui se déclare être un homme de gauche. Il parle d’un tournage idéal, toutefois gêné par la garde à vue d’un des acteurs du film (le ricanant Benjamin Lev) suspecté de trafic de drogue…quand la réalité rejoint la fiction !
Le second documentaire, plus récent, nous montre plusieurs interviews (menées par Eugenio Ercolani) de Romolo Guerrieri, Eleonora Giorgi et l’assistante Sylvia Petroni, fille du réalisateur Giulio Petroni (La mort était au rendez-vous, Tepepa…). Guerrieri revient sur la participation de Milian qu’il a fallu convaincre, peu enthousiasmé par un énième polar. Toutefois, son rôle tout en sobriété lui plut et il remercia chaleureusement le réalisateur de lui avoir offert un personnage différent des nombreux « bouffons » comiques qu’il jouait alors.De son côté, Eleonora Giorgi avoue en toute franchise que « seul le cachet m’intéressait ! », ce qui explique sans doute les réserves de Guerrieri sur son jeu !
Enfin, Sylvia Petroni revient sur sa carrrière et ses rencontres avec Di Leo, « avec qui il était merveilleux de travailler », ou Tomas Milian, un homme « très vaniteux qui avait toujours besoin de la considération du réalisateur… ».
Liste des bonus
Livret de 24 pages par Alain Petit ; Le film par Stephen Sarrazin (13’, 2023) ; « La férocité dans la peau » : documentaire (« Ragazzi fuori », 2004, 16’, VOST) ; « Guerrieri, libre et dangereux » (Guerrieri liberi pericolosi, 16’, VOST), Bande-annonce.