LES CRUELS
I Crudeli – Italie, Espagne – 1967
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Sergio Corbucci
Acteurs : Joseph Cotten, Norma Bengell, Al Mulock, Aldo Sambrell, Julian Mateos, Angel Aranda
Musique : Ennio Morricone
Image : 1.85 16/9
Son : Italien, anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 90 minutes
Éditeur : Studiocanal
Date de sortie : 23 août 2023
LE PITCH
La guerre de Sécession a vu la victoire des Nordistes, mais le colonel confédéré Jonas ne peut se résoudre à cette fin. Son plan est de former de nouveau l’armée sudiste en volant une importante somme d’argent à un convoi gouvernemental. Une fois l’embuscade réussie, en compagnie de ses fils et de sa maîtresse Kitty, Jonas et sa bande tentent de traverser le pays en dissimulant le butin dans un cercueil. Kitty tente de s’emparer de la voiture, ce qui lui coûte la vie. Une aventurière, Claire, est donc recrutée pour tenir son rôle. La route sera alors semée d’embûches…
La meute
Ecrasé entre les monuments que sont Django et Le Grand Silence, Les Cruels est un autre western signé Sergio Corbucci. Une facture légèrement plus classique sans doute, mais une traversée des États-Unis toute aussi acharnée et brutale pour une famille de sudistes dont les rêves de gloire glissent vers la démence.
Fondateur du western à l’italienne aux cotés de Sergio Leone, Sergio Corbucci a certes lancé une mode à lui tout seul avec le baroque Django, il n’est cependant pas toujours d’une aura qui lui permette de s’imposer comme il le voudrait. Produit partiellement avec les Américains, Navaro Joe profita donc d’un bien plus gros budget et d’une star US, Burt Reynolds, mais le cinéaste s’y plaindra d’un vrai manque de liberté créatrice. Imaginé par le producteur et réalisateur Albert Band, alias Alfredo Antonini (Zoltan le chien sanglant de Dracula, Robot Wars, Ghoulies II) comme une sortie de prolongement de son précédent Les Forcenés, Les Cruels est effectivement à nouveau une simple commande. Mais le sujet et la malveillance généralisée des personnages renvoient directement à la misanthropie éprouvée du cinéaste. De prime abord le film affiche donc un classicisme plus présent, délaissant les envolées opératiques et baroques à seulement quelques scènes, au profit d’un road movie à travers un désert décharné, comme un écho lointain aux chevauchées de John Ford. Et la présence en figure tutélaire, en patriarche dur et fort, d’un Joseph Cotten (Citizen Kane, Le troisième homme…) imperturbable, ajoute forcément à ce sentiment. Mais Les Cruels n’est pas, comme son nom l’indique, une évocation de la grandeur des fondateurs de l’Amérique, mais bien de l’ultime tentative d’un colonel Sudiste de faire perdurer son rêve d’un ordre perdu.
Le sens de l’histoire
Au lendemain de la guerre de Sécession donc, le confédéré Jonas braque avec ses fils un convoi d’argent gouvernemental dont il tente d’amener la cargaison, dissimulée (Corbucci oblige) dans un cercueil, à une potentielle armée qui n’attend que ça à l’autre bout du territoire. Au-delà du fanatisme bigot et idéologiquement douteux qui habite le général en fin de carrière, la descendance n’est pas forcément plus reluisante entre l’un obsédé par l’appât du gain et l’autre sociopathe menaçant de violer et tuer toutes les femmes qu’il croise, excepté le plus jeune, métis et souvent moqué par ses frères, qui perçoit depuis l’arrivée, un peu forcée, de Claire dans la troupe, la trajectoire fatale qui se présage. Croisant des troupes de cavaleries, des bandits mexicains, quelques indiens, ou s’arrêtant temporairement dans un petit patelin typique, ces derniers ne laissent systématiquement derrière eux que la mort et la décadence. Le cinéaste pousse la logique de son film jusqu’au bout, creusant progressivement la tombe de ses protagonistes en laissant rejaillir leur brutalités, leur sauvagerie et une folie jusqu’au-boutiste qui prendra corps lors de deux séquences marquées au fer rouge par le style du cinéaste : une exhumation en pleine nuit et sous une pluie battante dans un cimetière gothique à souhait et un final désespéré et terriblement ironique qui fait littéralement disparaitre les personnages dans la poussières et la boue, les confondants avec paysages qui n’a plus grand-chose d’épique et de flamboyant. De western historique, Les Cruels frôle l’abstraction et l’allégorie fantastique.
Si le grand Ennio Morricone semble un peu moins inspiré qu’à l’accoutumée (qui plus est ces compositions seront partiellement reprises dans le moyen Le Jour du jugement), la photographie du futur réalisateur Enzo Barboni (la série des Trinita) est comme pour Django absolument sublime et épaule Sergio Corbucci pour accoucher d’un western atypique, passionnant et en définitive, intensément personnel.
Image
Superbe et inattendue restauration que voilà avec un manifeste scan 4K à la source. Les quelques plans et très courtes scènes ajoutées au montage italien sont effectivement un peu plus abimés et légèrement plus granuleuses, mais leur intégration se fait avec énormément de naturel avec un traitement tout aussi riche des couleurs et des contrastes. Les dernières traces de défauts de pellicules se comptent sur les doigts de la main tandis que le métrage se dote désormais d’une définition précise et pointue, d’une grande profondeur, d’argentiques ravissants et d’un grain organique et vibrant. Belle performance.
Son
Trois pistes audios sinon rien ! Une fois n’est pas coutume c’est la version italienne qui se montre la moins convaincante avec une disparation de nombreux bruitages et environnements, la où la version anglaise, malgré un doublage un peu brut parfois, offre une meilleure amplitude. Le doublage français reste relativement proche dans sa restitution, mais avec des interprétations un peu bisseuse.
Interactivité
Proposé dans la collection Make My Day !, quelques numéros après l’indispensable Le Grand Silence, Les Cruels s’ouvre forcément par une nouvelle préface signée Jean-Baptiste Thoret. Enthousiaste et manifestement ravi de présenter ce western méconnu. Il laisse ensuite la parole à Olivier Père (Arte) pour quasiment une heure d’évocation de la filmographie et du style Corbucci, ses westerns, ses thèmes privilégiés, et une exploration très complète de Les Cruels et de ses potentielles références aux lendemains du fascisme italien. Comme toujours les deux messieurs sont passionnants.
Liste des bonus
Préfaces de Jean-Baptiste Thoret (7’), Le film par Olivier Père (54’).