LES CHEVALIERS TEUTONIQUES
Krzyzacy – Pologne – 1960
Support : Bluray & DVD
Genre : Aventure, Historique
Réalisateur : Aleksander Ford
Acteurs : Urszula Modrzynska, Grazyna Staniszewska, Andrzej Szalawski, Henryk Borowski
Musique : Kazimierz Serocki
Durée : 172 minutes
Image : 2.35 19/9
Son : Français et Polonais PCM 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Artus Films
Date de sortie : 04 octobre 2022
LE PITCH
Pologne, début du XVe siècle. A l’origine, ordre religieux destiné à protéger les pèlerins se rendant en Terre Sainte, les chevaliers teutoniques ont créé leur propre État tout-puissant, implantant leurs commanderies un peu partout en Europe. Le seigneur Jurand de Spychów croise un jour une troupe de Teutoniques emmenant des marchands injustement capturés. Il les met en déroute, et l’unique rescapé, le commandeur Siegfried von Löwe se venge en incendiant sa demeure fortifiée et assassinant sa femme. La tension va monter, en parallèle de l’émergence du royaume polonais, voulant se défaire de l’emprise des chevaliers. Jusqu’à la fameuse bataille de Tannenberg, qui sera fatale à l’Ordre.
Le Double tranchant de l’épée
Plus imposante production du cinéma polonais, Les Chevaliers teutoniques venait concurrencer le gigantisme hollywoodien en adaptant à son tour une fresque épique de l’auteur de Quo Vadis. Un grand spectacle imposant autant par son ambition que sa durée qui venait en sus panser les plaies d’une invasion allemande bien plus récente.
Déjà évoqué dans le chef d’œuvre Alexandre Nevsky de Serguei Eisenstein auquel certain gros plans et autres compositions viennent faire écho, l’Ordre de Chevalier teutonique étendit son contrôle sur une bonne partie de l’Europe après que le pape Innocent III, pour le récompenser de ses hauts faits dans les croisades, lui offre toute légitimité. L’histoire est écrite par les vainqueurs et il est de coutume de dire aujourd’hui que cette chevalerie religieuse s’étant donnée pour mission de porter la parole du Christ chez tous les païens, en profita pour refermer son poing sur tous les peuples voisins et multiplier les attaques gratuites, les procès inquisiteurs, appauvrissant considérablement les populations en multipliant les pillages et les impôts. C’est en tout cas plus ou moins la version reprise par Henryk Sienkiewicz (prix Nobel de littérature pour son célèbre Quo Vadis) dans son volumineux roman Krzyzacy. Publié en 1900, il y était alors déjà question d’un fier peuple polonais pacifique et ouvert, prenant les armes contre cette menace belliqueuse et expansionniste, mais en 1960 année de production de cette adaptation sur grand écran la symbolique y est plus lourde encore. En effet la terrible plaie du martyr de l’occupation nazi venait d’être ravivée par de nouvelles tensions politiques apparues entre la Pologne et l’Allemagne de l’Ouest. Manichéen Les Chevalier teutoniques l’est assurément, célébrant ces braves héros courageux, plein d’honneur et de mansuétude, devant faire face à un empire traitre et fourbe, volant et violent les femmes, multipliant les coups de couteaux dans le dos et n’hésitant pas à crier « Heil, Heil, Heil ! » avant de partir à l’assaut.
Nationalisme Vs Totalitarisme
Considéré comme le père du cinéma polonais, Aleksander Ford reste surtout connu pour ses nombreux documentaires engagés, ses drames sociaux, ses amitiés communistes et sa méfiance d’un patriotisme aveugle, préférant célébrer la force du peuple, ses ouvriers, quitte même à s’attirer les foudres de censure idéologique qu’il avait participer à installer. Sans doute pour faire oublier ces déconvenues et s’offrir une carte de visite éclatante, accepta-t-il cette aventure pharaonique très officielle. Une célébration du 500eme anniversaire de la bataille de Grunwald, à grand renfort de près de 10000 figurants offert en grande partie par l’armée polonaise, de décors grandioses aussi bien en studios qu’en extérieurs, des plus grandes stars de l’industrie locale, le tout dans un Cinémascope généreux et sur pellicule Eastman Color grand luxe. La bataille finale entre travelling épique, caméra à hauteur de chevals et duels hargneux avec une caméra au cœur des évènements, reste certainement l’acmé du spectacle, mais les presque trois heures de récit sont tout aussi généreuses en péripéties, retournement de situations, opérations de sauvetage dramatiques et duels d’honneurs rageux (dont un central préfigurant même le fabuleux The Last Duel) dans un feuilleton romanesque qui ne manque pas de grandiloquence. Trop peut-être car si le spectateur ne se lasse pas de ses multiples chevauchés, de ces balades bucoliques dans les forêts d’une Europe de l’est rayonnante, avec même un petit bain dans le plus simple appareil en récompense, les morceaux de bravoure sont finalement trop rares et écrasés souvent par de longs enchainements de tirades à rallonges, de jeux de cours et de mises en place stratégiques.
Une machine un peu lourde, aux accents propagandistes un peu trop lisibles mais qui préserve certainement les charmes de ces superproductions européennes venant défier, souvent avec talent et toujours un certain courage, le colosse américain.
Image
Absolument superbe, la restauration de ce classique du cinéma polonais vient concurrencer, là aussi, les standards des grandes productions hollywoodiennes. Les cadres sont d’une propreté inédite, les couleurs et contrastes explosent à chaque plan et la finesse de la définition vient révéler les moindres variations de matière ou creuser des paysages extérieurs verdoyants et s’étalant généreusement au format scope. Les reflets argentiques, sobres et délicats, répondent tout autant présent qu’un très léger grain de pellicule. Certes quelques plans semblent avoir été par trop adoucis numériquement, mais sur l’étendue du spectacle cela reste anecdotique.
Son
Si la version doublée française d’époque, avec de nombreuses voix reconnaissables et investies, répond présent, elle doit laisser place parfois à une VOST rappelant que le montage hexagonal fut tronqué de quelques dialogues au passage. De toute façon la version originale se montre bien plus claire et équilibrée, naturelle surtout ne se laissant pas envahir par les petits échos métalliques et le léger souffle écrasé de la vf.
Interactivité
Pas vraiment de supplément vidéo sur les disques Bluray ou DVD excepté une galerie d’image, mais le Mediabook d’Artus est aussi réussi que classieux et propose, piqué en son milieu, un livret passionnant de 80 pages signé par le médiéviste Sylvain Gouguenheim. Un court ouvrage mais au final très complet puisqu’il retrace toute la carrière assez tragique du cinéaste Aleksander Ford, revient sur la production et la réception du film en question, analyse ses diverses symboliques et son idéologie s’attarde sur le roman original et son auteur puis étend sa réflexion les origines de l’Ordre teutonique et les évènements historiques réels qui servent de toile de fond au récit, dont la bataille de Grunewald devenu depuis le symbole du courage de la nation polonaise et souvent sa résistance face à l’envahisseur allemand.
Liste des bonus
Diaporama d’affiches et de photos, Livret de 80 pages rédigé par Sylvain Gouguenheim : L’ordre teutonique.