LES CHAMBRES ROUGES
Canada – 2023
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Drame
Réalisateur : Pascal Plante
Acteurs : Juliette Gariépy, Laurie Babin, Elisabeth Locas, Maxwell McCabe-Lokos, Natalie Tannous…
Musique : Dominique Plante
Image : 1.50 16/9
Son : Québécois DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 118 minutes
Editeur : ESC Éditions
Date de sortie : 29 mai 2024
LE PITCH
Deux jeunes femmes se réveillent chaque matin aux portes du palais de justice de Montréal pour pouvoir assister au procès hypermédiatisé d’un tueur en série qui les obsède, et qui a filmé la mise à mort de ses victimes. Cette obsession maladive les conduira à tenter par tous les moyens de mettre la main sur l’ultime pièce du puzzle, qui pourrait permettre de définitivement confondre celui que l’on surnomme le Démon de Rosemont : la vidéo manquante de l’un de ses meurtres.
In Love With Murder
Les serial killer charismatiques ne manquent certainement pas au cinéma, mais Les Chambres rouges se déploie en périphérie en abordant le regard de celles chez qui ils ont fait naitre une authentique obsession. Une jeune femme en l’occurrence dont la fascination et l’attirance pour sa nature peuvent même se révéler plus effrayante encore.
De Tesis à 8mm, le snuff reste un pur fantasme fictionnel, mais trouve une nouvelle dimension avec ces fameuses « Red Rooms » où les amateurs se livreraient à des prestations lives ou à l’échange de vidéos de meurtres et de tortures plein cadre. Une sorte de légende urbaine du Dark Web dont la réalité reste encore discutée. Ce ne sont d’ailleurs ni ses mécanismes ni ses coulisses que quête le réalisateur québécois Pascal Plante (Nadia Buterfly) mais plutôt l’attrait qu’elles peuvent avoir sur un public aujourd’hui gavé de violence, de faits divers, de débats populistes et d’images sordides en tous genres. Tout est là à porté de vue et de click, et plus encore dans les sièges de spectateurs du procès hyper médiatisé d’un serial killer ayant diffusé les sévices infâmes perpétrés sur trois gamines. Le tribunal de Montréal est incroyablement froid, distant, lisse et les intervenants explorent méthodiquement les faits point par points, renouant forcément avec l’exercice habituel du procès filmé, décidément très en vogue en ce moment.
La mort en ligne
Mais le cinéaste, conscient de cet état de fait, s’en désintéresse aussi rapidement qu’il balaye la question de la culpabilité du tueur, constamment silencieux et immobile, pour faire dévier la caméra vers Kelly-Anne, figée là-bas au fond de la salle, semblant se repaitre de chaque seconde. Comme le montrera sa rencontre Clémentine, paumée et fragile, elle n’est certainement pas la groupie classique, mais une créature plus inquiétante, plus ambivalente : mannequin le jour, faisant sa fortune au poker en ligne ou sur la bourse la nuit, femme que l’on devine aussi brillante, extrêmement intelligente, qu’incomplète, asociale et en quête de sensation. Pour son premier rôle marquant à l’écran, Huliette Gariépy incarne à merveille ce personnage volontairement presque transparent, flottant et indéfinissable, très loin de la passion qui l’entoure autour du procès, cherchant peu être un regard, lubrique ou non, de la part du monstre, cherchant surtout à s’approcher au plus près de l’innommable et de l’immontrable : une troisième vidéo disparue qui permettrait autant d’établir définitivement la culpabilité du tueur, mais aussi d’accéder à un acte d’une barbarie sans nom. La grande force de Les Chambres rouges est de ne jamais rien clarifier, de ne jamais rien expliquer ou simplifier, laissant Kelly-Anne se perdre dans sa quête personnelle jusqu’à un acte inattendu et un orgasme lyrique aussi sublimé que dérangeant.
Même s’il travaille avec brio un hors-champ constant, fait de bribes de bruitages et de hurlements tétanisants, se focalisant sur les regards et les réactions de stupéfaction (le plus souvent), il n’épargne rien au spectateur. Il l’enferme dans un cadre plus carré que rectangulaire, plaçant constamment en parallèle les fenêtres réduites et les écrans (ordinateurs, télés), réduisant le monde à un espace étroit et clos baignant dans le sadisme ambiant et l’attraction pour le mal total. L’horreur, la vraie.
Image
Les qualités du master de Les Chambres rouges ne sautent pas forcément aux yeux, le film s’appuyant, dans un premier temps du moins, sur une esthétique plutôt austère, aux blancs omniprésents où les ombres ne vont apparaitre que progressivement. L’accompagnement est pourtant d’une très belle rigueur, disposant des contrastes particulièrement ciselés, une précision de tous les instants et une colorimétrie où les rouges purs vont peu à peu prendre le pas. Le piqué est généreux et creusé et la définition sans faiblesse visible.
Son
Le film est proposé dans un DTS HD Master Audio 2.0 aussi sobre que fermement équilibré pour les installations les plus simples, et dans un équivalent 5.1 nettement plus simple et surtout beaucoup plus enveloppant. Le film est relativement calme et économe de ce côté-là, mais les fameuses séquences de visionnage des atroces vidéos se transforment en véritable épreuve pour les cœurs sensibles.
Interactivité
Accompagnant le grand succès critique rencontré par Les Chambres rouges à sa sortie salle, ESC Editions lui offre une édition franchement bien garnie en suppléments. Elle laisse surtout toute latitude au réalisateur pour venir éclairer ses choix, ses approches, ses ambitions et son travail autant via un commentaire audio très informatif que lors d’une interview croisée avec son actrice ou une séance de question-réponse avec des spectateurs après une avant-première. Ce dernier a beau se montrer effectivement très conscient de son art, de ses références et maitre de sa direction d’acteur, il avoue souvent être presque étonné par la direction, esthétique et thématique, qu’à pu prendre le film à l’arrivée. Sur le bluray ces interventions sont complétées par un concert d’une vingtaine de minutes rejouant les thèmes principaux de Dominique Plante dans une ambiance étrange et quelques documents sur les vrai-faux shooting photo ou des images du tournage.
Preuve de l’intérêt d’ESC pour le métrage, un DVD supplémentaire a même été glissé au dernier moment dans l’édition. Et sans augmentation du prix des consommations ! Ce dernier comprend un long making of d’une cinquantaine de minutes donnant accès généreusement aux coulisses de toutes les scènes importantes du film. Une caméra témoin qui capture l’atmosphère, souvent tendue et concentrée, du plateau, la précision des choix de mise en scène et des placements des personnages et du décors… Encore un document très intéressant.
Liste des bonus
Commentaire audio de Pascal Plante, Entretien avec Pascal Plante et Juliette Gariepy (31’), Séance de questions-réponses lors de l’avant-première parisienne, animée par Demoiselles d’Horreur (25’), Concert du compositeur Dominique Plante interprétant la bande originale du film (19’), Les shooting photos de Kelly-Anne (2’), Galerie de projets d’affiches (1’), Galerie photos du tournage (2’), Bande-annonce (2’), Making of (49’).