LES CAVALIERS (1959)
The Horse Riders – États-Unis – 1959
Support : Bluray & DVD
Genre : Western, Guerre, Drame
Réalisateur : John Ford
Acteurs : John Wayne, William Holden, Constance Towers, Althea Gibson, Judson Pratt, Hoot Gibson…
Musique : David Buttolph
Durée : 120 minutes
Image : 1.85:1 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 Anglais et Français
Sous-titres : Français
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 6 novembre 2024
LE PITCH
envoyée dans le Sud pour détruire une ligne de chemin de fer à Newton Station. Sous le commandement du Colonel Marlowe, la mission se complique avec l’arrivée d’un médecin-major à qui tout l’oppose. En chemin, une belle sudiste est contrainte de suivre les soldats dans ce qui s’annonce comme l’une des missions les plus périlleuses et sanglantes de la guerre.
Un conte de deux Amériques
À travers l’affrontement entre John Wayne et William Holden, Les Cavaliers dépeint une époque où la fraternité d’un peuple se heurte aux tensions idéologiques, offrant un regard réaliste et nuancé sur les hommes pris dans la tourmente de la guerre de Sécession. Avec ce film, John Ford nous plonge au cœur de cette période troublée de l’Histoire américaine, explorant les contradictions et les conflits qui façonnent une nation déchirée.
Abandonnant une formule de western mettant en scène un ouest américain quasi-mythologique, dont le décor semblait jusqu’alors se résumer à Monument Valley, Ford adopte ici une approche plus réaliste, privilégiant les paysages plus oppressants, symboles des conflits et dilemmes moraux. Aux côtés de son duo de titans, John Wayne et William Holden, Ford nous entraîne dans un périple à travers des terres dévastées. Dans cette quête de vérité historique, chaque détail visuel, chaque uniforme contribue à un réalisme saisissant, où l’Histoire devient un personnage à part entière. Loin de romancer les batailles, Ford s’attache à montrer la guerre dans toute sa brutalité, comme une force qui ravage les âmes (oui, même celle du Duke !) autant que les paysages. Les séquences de combat mettent en lumière l’impact profond des idéologies, avec un Nord et un Sud en conflit qui rappellent les luttes internes déchirant l’Amérique des années 1950 sur fond maccarthysme, contre lequel Ford s’est opposé avec vigueur.
Le réalisateur de La Prisonnière du désert montre avec sensibilité les liens qui se tissent entre des hommes rassemblés par le devoir et dépeint une galerie de personnages issus de milieux divers, révélant une Amérique cosmopolite où chacun, qu’il soit ouvrier, paysan ou aristocrate, a la possibilité de se faire une place. Le colonel Marlowe (Wayne), ancien poseur de chemins de fer, incarne cette promotion par le mérite, son pragmatisme et son côté impitoyable révélant de prime abord une vision de la guerre comme affrontement simple entre deux camps irréconciliables. Le major Kendall (Holden), médecin et humaniste, issu d’un milieu plus éduqué, défend la valeur de chaque vie humaine, insistant sur la dignité de l’individu face à la violence. Cette opposition met en lumière une Amérique fracturée, où l’autorité et l’humanisme entrent en conflit constant.
She wore a gray uniform
Dans cette Amérique du XIXe siècle, divisée entre progrès et conservatisme, on voit les vieilles amitiés se défaire à cause de la couleur d’un uniforme qui diffère et des tensions se créer au sein d’un même camp. Ford, qui a navigué entre des idéaux démocrates et républicains tout au long de sa vie, choisit une approche singulièrement équilibrée, mettant en scène deux visions du monde sans en privilégier aucune. Bien que ces deux Amériques opposées peinent à se comprendre, Ford les montre régulièrement en train d’essayer de dialoguer, ce qui insuffle paradoxalement une lueur d’espoir. Le personnage de Hannah Hunter (Constance Towers) illustre parfaitement cette dynamique. Issue de l’aristocratie sudiste et ancrée dans ses convictions, elle est progressivement ébranlée par le quotidien des Nordistes, qu’elle doit partager en tant que prisonnière. Au fil de son périple, son regard évolue, et elle se rapproche de ceux qu’elle considérait initialement comme des ennemis, sans toutefois adhérer entièrement à leur cause. Le film révèle ainsi deux camps qui, à travers les épreuves, trouvent un terrain commun dans la douleur et les larmes versées pour leurs morts. Une manière pour Ford de rappeler qu’il fut un temps où, même face à des idéologies opposées, la possibilité d’échange demeurait.
Bien que le tournage du film ait été marqué par un chaos croissant – entre l’accident tragique d’un cascadeur, les excès d’alcool de ses deux stars et le désintérêt progressif de Ford pour le projet –, cette atmosphère tendue se révèle être un atout pour le film. Ford réussit à transformer ce climat chaotique en un moteur essentiel de l’intrigue, infusant une intensité particulière à l’ensemble. Si Les Cavaliers n’est pas souvent considéré comme l’une des œuvres majeures de John Ford, probablement en raison de son ton sombre et désenchanté, il demeure un film profondément humaniste et terriblement sous-estimé, offrant un portrait de l’Amérique dont les échos continuent de résonner avec force aujourd’hui.
Image
Les Cavaliers avait bénéficié d’une première édition Blu-ray en France (comme un peu partout dans le monde) en 2011, éditée par MGM. Et si vous n’aviez pas prévu de repasser à la caisse, il y a de grandes chances qu’un rapide coup d’œil à la copie proposée par Rimini vous fasse changer d’avis. C’est bien simple, tout est mieux ! Contrastes améliorés, gestion du grain affinée, couleurs un peu plus chaudes (les teintes du film restant tout de même plus sobres que les précédents westerns de Ford) … Mais surtout, le film retrouve ici son format d’origine 1.85:1, alors que la précédente galette HD proposait un cadrage en 1.66:1, format certes répandu à l’époque mais ne correspondant pas aux intentions de John Ford. La copie HD restaurée en 2K par TCS offre en effet une qualité visuelle remarquable, respectant l’authenticité du tournage en 35mm. La définition est excellente, avec un piqué fin et variable, qui sublime les gros plans. La texture argentique est fine et homogène, et l’image est parfaitement nettoyée, avec des contrastes superbement gérés. Les noirs sont profonds, et les basses lumières révèlent une grande richesse de détails dans les ombres.
Son
Le mixage anglais en 2.0 monophonique se révèle solide et sain, sans anomalies particulières à signaler. Les voix sont claires et bien équilibrées, exemptes de souffle ou de distorsion. La bande-son se distingue notamment par sa dynamique sonore, particulièrement dans les scènes d’action comme l’affrontement à la gare, où la puissance dynamique surprend agréablement pour un film des années 1950. Compte tenu de l’âge du film, on peut supposer qu’il s’agit ici de la meilleure qualité sonore possible sans que ne soit dénaturé l’enregistrement original, l’intensité dynamique actuelle étant impressionnante. La version française en 2.0, tout en étant aussi claire, montre une dynamique un peu moins marquée et un doublage d’époque légèrement décalé par rapport aux ambiances originales. Elle apporte néanmoins un charme vintage qui enrichit encore l’expérience sonore de cette édition.
Interactivité
Là encore, Rimini fait largement mieux que le disque MGM, puisque celui-ci ne proposait absolument aucun supplément. Cette nouvelle édition blu-ray propose un livre de 184 pages, véritable ressource précieuse sur John Ford. Méticuleusement documenté et organisé chronologiquement, il explore les étapes clés de la carrière de Ford, permettant une immersion totale dans son univers, des débuts jusqu’à ses œuvres les plus crépusculaires. L’élégance et la rigueur éditoriale transparaissent à chaque page, enrichies de photographies choisies pour ancrer visuellement chaque étape et célébrer la richesse de sa filmographie.
Du côté des bonus vidéo, on retiendra un long dialogue de 39 minutes entre deux spécialistes du cinéma de Ford, Margaux Baralon et Emmanuel Raspiengeas. Ce format dynamique rend le bonus particulièrement agréable à suivre. Après ce focus sur Les Cavaliers, l’éditeur ajoute un document d’archive exceptionnel : une interview de John Ford datant de 1966, enregistrée à la fin de sa vie. Durant 29 minutes, l’artiste y dévoile une personnalité forte tout en faisant preuve d’une modestie sincère, propre à un artisan du cinéma. Un supplément précieux qui offre un éclairage fascinant sur l’homme derrière la caméra.
Pour résumer, il s’agit là d’une édition monumentale, bénéficiant (cerise sur le gâteau !) d’un écrin magnifique rappelant le travail de l’éditeur sur L’Homme tranquille. On a hâte de le voir à l’œuvre sur d’autres classiques fordiens.
Liste des bonus
Livre « John Ford : Monument Man » (184 pages), Conversation entre Margaux Baralon et Emmanuel Raspiengeas, journalistes cinéma (39’), Commentaire audio par l’historien du cinéma Joseph McBride, auteur de « À la recherche de John Ford », Interview de John Ford : Extrait de l’émission « Entre Chien et Loup : John Ford », collection « Cinéastes de Notre Temps » (29’), Interview de William Holden : Extrait de l’émission « Ciné Regards : William Holden » (12’).