LES CAVALIERS
The Horsemen – Etats-Unis – 1970
Support : Bluray
Genre : Aventures
Réalisateur : John Frankenheimer
Acteurs : Omar Shariff, Jack Palance, Leigh Taylor-Young, Peter Jeffrey, Srinanda De, George Murcell, …
Musique : Georges Delerue
Durée : 109 minutes
Images : 2.35 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : ESC Editions
Date de sortie : 16 février 2022
LE PITCH
Fils du grand Tursen, cavalier et chef de clan très respecté d’une province d’Afghanistan, Uraz accepte de participer à un important tournoi équestre à Kaboul en l’honneur du roi. S’il gagne, son père lui fera don de Jahil, un étalon à nul autre pareil, …
Le cimetière des empires
Dans le sillage immédiat du sombre et bouleversant I Walk The Line (Le pays de la violence, en VF), John Frankenheimer adapte Joseph Keissel et renoue avec le grand spectacle dans une odyssée éprouvante à travers les montagnes d’Afghanistan, pays hors du temps où les lointains descendants de Gengis Khan livrent un combat éternel contre les éléments, contre l’Histoire et contre les démons de l’orgueil.
Paru en 1967, Les cavaliers marque pour l’écrivain Joseph Kessel l’aboutissement de plus de dix ans de travail. À l’origine était un rêve, celui d’explorer l’Afghanistan et ses montagnes, de partir à la rencontre d’un peuple et de ses traditions et d’accéder à l’un de ses rares endroits du globe qui semble encore résister aux progrès du XXième siècle. Le financement et la réalisation de ce rêve passeront d’abord par la réalisation d’un long-métrage en collaboration avec Jacques Dupont et Pierre Schoendoerffer. La passe du diable est réalisé en 1956 et nous transporte déjà dans l’univers du bouzkachi, compétition équestre ancestrale ressemblant vaguement au polo (mais en bien plus violent et spectaculaire) et de ses valeureux cavaliers : les tchopendoz. Mélange de documentaire et de fiction, La passe du diable est accompagné d’un long récit qui paraît la même année : Le jeu du roi. D’autres voyages achèveront de fournir à Kessel la matière suivante à la rédaction des Cavaliers. Et Hollywood de s’en emparer au travers de l’un de ses artisans/auteurs les plus atypiques, John Frankenheimer. Choisi pour transformer le roman de près de 600 pages en scénario, Dalton Trumbo reste fidèle à l’esprit et à la lettre de Kessel même s’il taille dans la masse et se permet de modifier sensiblement la fin. Entre les mains du scénariste de Vacances Romaines et Spartacus, l’épopée d’Uraz (un Omar Shariff intense) ne s’embarrasse ni d’un exotisme de pacotille, ni de personnages aimables ou sympathiques. Peuplé d’anti-héros bravaches, fiers, ombrageux, tourmentés, Les cavaliers déroule une fiction (presque un conte) à l’image même de l’Afghanistan, escarpée, indomptable et magique … pour qui saura en apprécier la beauté cachée.
Le cheval qui murmurait à l’oreille des hommes
L’aspect le plus surprenant des Cavaliers tient dans le fait qu’il se déroule « de nos jours », entre la fin des années 50 et des années 60. Et Frankenheimer de le souligner, non sans ironie, lorsqu’un avion à réaction traverse le ciel, interrompant le discours d’un Tursen annonçant le tournoi du roi à ses cavaliers. Et le vieil homme d’attendre la fin de cette intrusion bruyante du monde moderne avant de reprendre la parole comme si de rien n’était. Plus loin, Uraz, la jambe cassée, s’échappe de l’hôpital et ordonne à son écuyer de le libérer de son plâtre, un traitement suspect comparé à une boîte ou un cerceuil et qu’il remplace par une page arrachée du Coran et dont il vante la magie bienfaitrice. À partir de ce moment, Les cavaliers s’enfoncent dans le passé, au propre comme au figuré. Ainsi, la route périlleuse que choisit Uraz pour rentrer auprès des siens est surnommée la « route oubliée du temps ». Ce refus du présent renvoie autant au texte de Kessel qu’au Sud fantomatique d’I Walk The Line.
Mais s’il est un point sur lequel John Frankenheimer semble marquer sa différence avec le roman qu’il adapte, c’est sur le traitement réservé au monde animal. Kessel faisait de Jahil, le cheval, un personnage à part entière, notant la complémentarité entre les tribus afghanes et leurs montures. Le réalisateur de Grand Prix et d’Un crime dans la tête fait passer Jahil au second plan, objet de convoitise et observateur distant des passions des hommes. Pas forcément une trahison en soi, ce changement dans l’équilibre des points de vue laisse le champ libre à Frankenheimer pour creuser la relation paradoxale qu’entretient l’afghan avec la nature, sa fierté l’amenant à conquérir cette dernière, à la faire souffrir pour s’affirmer ou se divertir (voir la série d’enjeux qui accompagne chaque scène de combat d’animaux) avant de comprendre sa dépendance. Aveuglé par la rancœur, les préjugés et un tempérament suicidaire, Uraz ne sera ainsi jamais le maître de Jahil et finira comme le bélier à une corne d’Hayatal, son handicap le forçant enfin à l’humilité et le réconciliant avec son destin.
Œuvre passionnante aux morceaux de bravoure sidérants d’authenticité (Frankenheimer a tourné en Afghanistan avec de vrais tchopendoz), drame intimiste exigeant, Les cavaliers fut un échec à sa sortie, la faute à la Columbia, incapable de vendre le film et l’expédiant par dépit sur une poignée d’écrans. Une injustice qui rend la découverte d’autant plus indispensable.
Image
Une copie superbe au piqué saisissant et sans le moindre défaut. Le grain est discrètement présent sur toute la durée mais seuls quelques plans sombres le font ressurgir. La colorimétrie et la définition font vraiment plaisir à voir pour un film n’ayant pourtant pas fait l’objet d’une restauration tapageuse.
Son
Propre et sans bavures mais avec une dynamique en berne qui reste à l’avant et ne décolle que très rarement. La version originale est plus équilibrée que la version française même s’il faut une oreille experte pour vraiment faire la différence.
Interactivité
Quinze minutes, c’est peu pour aborder tous les aspects du roman de Kessel, de sa genèse à l’adaptation de John Frankenheimer mais Antoine Sire parvient à concentrer son propos autour des aspects essentiels et sait alterner entre anecdotes et analyses.
Liste des bonus
« Les cavaliers, l’ombre de Joseph Kessel », entretien avec Antoine Sire, historien du cinéma (15 minutes).