LES BOURREAUX MEURENT AUSSI

Hangmen Also Die ! – Etats-Unis – 1943
Support : Bluray & DVD
Genre : Espionnage, Thriller
Réalisateur : Fritz Lang
Acteurs : Brian Donlevy, Anna Lee, Walter Brennan, Hans Heinrich von Twardowski, Nana Bryant…
Musique : Hanns Eisler
Image : 1.37 16/9
Son : DTS HD Master Audio 1.0 Anglais et Français
Sous-titres : Français
Durée : 135 minutes
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 26 février 2025
LE PITCH
Mai 1942. Dans Prague occupé par la Wehrmacht, le docteur Svoboda tue Reinhard Heydrich, alias le Bourreau, un nazi fanatique. Traqué par la Gestapo, il bénéficie aussitôt de l’aide de Mascha Novotny qui, orientant ses poursuivants dans une mauvaise direction, l’accueille dans sa famille. Un geste lourd de conséquences car, peu après, la police du Reich arrête son père et plusieurs de ses étudiants, désormais otages de l’occupant avec des centaines d’autres innocents. Tous seront fusillés si la population ne livre pas Svoboda…
Tueur d’assassin
Artiste allemand exilé aux Etats-Unis pour fuir l’arrivée du nazisme au pouvoir, Fritz Lang signe avec Les Bourreaux meurent aussi un vibrant plaidoyer pour la résistance des peuples. Un cadre contemporain et basé sur des faits réels, pour un film de propagande certes, mais au service d’un suspens languien imparable.
Même si elle n’est pas l’œuvre qui a connu le plus grand succès ou profité de la meilleure reconnaissance, non sans compter quelques passages difficiles en coulisses, Les Bourreaux meurent aussi est pourtant l’un des films préférés de Fritz Lang. Certainement parce que, plus encore que dans le précédent Chasse à l’homme sorti deux ans plus tôt, il peut se confronter directement à la menace nazie et s’efforcer de maintenir la motivation des troupes alliées et de l’opinion publique, en particulier américaine. Dès lors, quoi de plus évocateur que s’inspirer de l’assassinat en juin 1942 par des résistants tchèques de Reinhard Heydrich, dit « le bourreau », monstre de barbarie ayant activement participé à la planification de la Shaoh et ayant martyrisé les populations occupées. Une figure symbolique qui disparait cependant très vite du tableau, puisque le film se concentre essentiellement sur la traque par les autorités allemandes du fameux assassin. Un simple médecin joué par Brian Donlevy (La clé de verre, Gouverneur malgré lui, La Marque…) qui n’est présenté que comme le maillon d’une plus grande chaine de larésistance, et le reflet d’une ville, Prague, définitivement insoumise.
Double jeu
Il n’y pas véritablement de héros dans Les Bourreaux meurent aussi, film à l’aspect choral qui, certainement sous l’impulsion du coscénariste et dramaturge Bertold Brecht, célèbre constamment le courage de toutes les strates du peuple tchèque, qui d’une manière ou d’une autre, entre grèves tacites, sabotages, faux témoignages ou prises des armes, résistent au régime fasciste. Le film prend forcement à deux ou trois occasion la route de la grande démonstration morale et du discours mobilisateur, mais il ne glisse jamais dans le mélodrame ou les lourdeurs sentimentales, montrant surtout l’impassibilité des tchèques menacé de tortures ou d’exécutions, laissant s’éloigner les otages promis à être fusillés dans le hors champs, où leur offrant, dans les dernières séquences, un mausolée aussi stylisé que poétique. Le talent de Fritz Lang, dont on reconnait à de nombreuses occasions la rigueur plastique et les talents expressionnistes en particulier dans l’utilisation des lumières et des décors, est d’emporter ce fort message contre la capitulation dans les méandres d’un redoutable thriller, doté d’un suspens constant, tendu, et d’une mécanique savamment construite. La fuite de l’assassin, laisse ainsi place peu à peu à la mise en place à une partie d’échec entre la gestapo et la résistance locale, pour se duper l’un l’autre, mettre à jour les agents doubles et détourner la vérité à leur profit.
Aux lisières du film d’espionnage, Les Bourreaux meurent aussi est aussi donc un véritable divertissement, parsemé de quelques élans de comédie (dont une caractérisation souvent assez truculente des vilains nazis) et constamment emporté par le mouvement, l’action et la confrontation entre les deux forces en présence. Jusqu’à un final multipliant les rebondissements, les parades et contre-attaques pour faire accuser un collabo tchèque du meurtre du bourreau, tandis que les mises à mort sommaires s’enchainent tel un métronome. Haletant et assez jubilatoire.
Image
En circulation depuis 2014, la copie HD du film a dû être composé de multiples sources à la fois pour préserver la version la plus complète du film mais aussi pour obtenir les meilleurs éléments possibles. Quelques séquences proviennent effectivement directement d’un scan des copies nitrates, mais d’autres éléments sont issus de sources antérieurs. Un sacré puzzle qui pourtant tient assez bien la route avec de jolis efforts pour homogénéiser le tout en maintenant les contrastes noir et blanc et en en effectuant un nettoyage appuyé mais sans effacer les matières pellicules. Reste que ce master ne peut pas cacher son âge, toujours traversé de restes de griffures et de taches, laissant passer quelques plans aux teintes fluctuantes et fébriles, et est régulièrement marqué des photogrammes manquants qui font sauter l’image. Mais vu les efforts fournis pour obtenir ce résultat admirable mais fragile, pas sûr qu’on connaisse mieux dans un avenir proche.
Son
Le mono de la version originale reste lui aussi un peu dans son jus avec quelques grésillements, des petits effets de souffle ou de crépitements en arrière-plans. Rien de vraiment gênant cela dit car les dialogues son toujours clairs et la musique bien disposées. Le doublage français est plus problématique avec des voix très en avants et un effet de souffle qui peut se révéler parfois envahissant. Celui-ci n’est bien entendu disposé que sur la version courte.
Interactivité
Proposé dans la foulée de Casier judiciaire, avec un digipack équivalent, cette nouvelle édition Bluray de Les Bourreaux meurent aussi, huit ans après celle de Movinside, propose les deux montages du film sur des Bluray séparés. L’assurance d’une meilleure compression et aussi un bon moyen pour répartir les suppléments proposés. Deux proviennent de l’ancienne édition DVD de Carlotta Films soit une courte introduction à la version longue permettant de resituer l’origine et les différences du cut français (gommant les aspects propagandistes justement) et une présentation beaucoup plus longue toujours signée de l’historien Bernard Eisenschitz. Il y retrace avec de nombreux détails et informations toute l’histoire de la création du film, de la place difficile de Fritz Lang dans le cinéma américain d’alors à sa collaboration tendue avec Bertolt Brecht, en désaccord sur de nombreuses décisions du cinéaste (le ton « grand publique », les acteurs…).
Rimini y ajoute une nouvelle rencontre avec Nicolas Tellop (La Septième obsession) qui lui aussi propose un récit « making of » très complet et didactique, reprenant il faut bien l’avouer souvent les mêmes infos que le précédent, mais avec un accent supplémentaire sur les débuts d’analyses et critiques. Un peu redondant mais pas inintéressant non plus.
Liste des bonus
Le film en version courte (120’), Interview de Nicolas Tellop, essayiste et critique (35’), Introduction au film (3’), La collaboration Brecht/Lang par Bernard Eisenschitz, historien du cinéma (28’).