LES AVENTURES DU BARON DE MÜNCHAUSEN
The Adventures Of Baron Münchausen – Etats-Unis, Royaume-Unis, Allemagne – 1988
Support : Bluray & DVD
Genre : Fantastique
Réalisateur : Terry Gilliam
Acteurs : John Neville, Eric Idle, Sarah Polley, Oliver Reed, Charles McKeown, Winston Dennis, Jonathan Pryce, Uma Thurman, …
Musique : Michael Kamen
Durée : 126 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Anglais DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : ESC Editions
Date de sortie : 21 septembre 2022
LE PITCH
Le XVIIIème siècle. Alors que tout le monde le croyait mort, le légendaire Baron de Münchausen refait surface et propose de venir en aide à une ville assiégée par les turcs en réunissant ses anciens compagnons, tous dotés d’extraordinaires pouvoirs …
Décrocher la lune
Célébrant au gré d’un récit baroque, chaotique, drôle et lumineux, la toute-puissance de l’imaginaire face à la raison, la vieillesse et la mort, Les aventures du Baron de Münchausen est sans nul doute le meilleur film de Terry Gilliam. Et si vous refusez de nous croire, c’est que vous ne l’avez jamais vu !
Avec le recul, on se dit qu’il fallait être fou pour se lancer dans un tel projet … et totalement inconscient de le laisser filer entre ses doigts ! Lorsqu’il débute l’écriture des Aventures du Baron de Münchausen avec son compère Charles McKeown, Terry Gilliam se sent invincible. Sorti victorieux de la guerre menée contre Universal et son président Sid Scheinberg pour la distribution de Brazil sur le territoire américain en 1985, l’ex- Monty Python a su réaffirmer la place prépondérante de l’artiste dans une industrie qui a toujours eu tendance à préférer les mercenaires anonymes mais compétents aux rêveurs qui coûtent trop cher et rapportent peu. Et justement, Les aventures du Baron de Münchausen est né d’un rêve : celui d’un père cherchant à réaliser un film qu’il pourrait montrer à sa fille, un conte réconfortant à même de stimuler l’imaginaire d’un esprit encore innocent. D’où la décision initiale de faire d’une enfant de dix ans, l’héroïne et le référent du spectateur. Mais quelle histoire raconter et comment ? Gilliam jette son dévolu sur un personnage quasi-oublié dont le dernier fait d’armes notable remonte à 1943 et à un excellent film d’aventures fantastique produit par … l’Allemagne nazie ! Mais c’est avant tout la nature du personnage, au carrefour de la réalité et de la fiction, qui titille la fibre créatrice du réalisateur de Bandits Bandits. En effet, il est devenu avec le temps presque impossible de séparer le véritable Baron Hyeronimus Karl Friedrich Freiherr Von Münchausen, un noble de Hanovre ayant participé à la campagne russe contre les Turcs entre 1735 et 1739, du personnage de fiction créé par Rudolph Erich Raspe, lequel puisa son inspiration dans les mensonges exubérants que Münchausen lui-même se plaisait à répandre lors de dîners où on le conviait pour raconter ses exploits guerriers. De ce personnage fantasque que l’on soupçonne en permanence de mentir avant de le croire puis de douter à nouveau de sa parole, Gilliam et McKeown tirent un script spectaculaire et qui promet de faire grimper la facture d’un tournage historique bien au-dessus des 40 millions de dollars initialement prévus. Séduit par l’enthousiasme du producteur allemand Thomas Schühly et de la Columbia qui lui donnent le feu vert, Terry Gilliam ne se doute pas une seule seconde que son rêve va très vite se transformer en cauchemar.
Chemin de croix
Avec la perspective de travailler en Italie auprès des artistes ayant porté à l’écran les folies baroques de Federico Fellini, Gilliam se permet de voir les choses en grand et la préproduction du film devient le théâtre d’un formidable concours de créativité. Mais le premier couperet tombe à quelques jours du tournage avec une enveloppe soudainement réduite de moitié, en raison de l’absence de stars au générique (la participation de Sean Connery dans la peau du Roi de Lune n’a pas été formalisée par le moindre contrat) et d’un changement de direction à la tête de la Columbia. Soudain au centre d’une bataille entre une major hollywoodienne qui cherche à couler le projet pour des raisons internes, la présence sur le plateau de créanciers austères et le double jeu d’un Thomas Schühly prenant la poudre d’escampette dès qu’il s’agit de signer un chèque, Gilliam avance dans le chaos, incertain de pouvoir mener le tournage à son terme mais redoublant d’inventivité, de combativité et d’énergie pour contourner chaque problème.
Supposée être le clou du film avec des milliers de figurants et des péripéties en pagaille, le voyage sur la Lune du Baron et de la petite Sally (formidable Sarah Polley, traumatisée par un tournage de nuit au milieu de multiples explosions et d’engueulades homériques en coulisse) se transforme en parenthèse surréaliste vampirisée par le cabotinage génial d’un Robin Williams en très grande forme. Une scène de bataille absolument épique avec les Turcs, leurs canons, leurs tours de siège et des éléphants est emballée en une seule journée d’une intensité surhumaine pour éviter une mise à l’arrêt de la production (laquelle aura finalement bien lieu). Quant à la valse féérique en apesanteur du Baron avec la déesse Vénus, elle bénéficie du savoir-faire et de l’art de la débrouille du grand Dante Ferretti qui recycle en urgence un décor de bibliothèque du Nom de la Rose et l’agrémente de fontaines judicieusement placées dans le cadre.
Le tournage – éreintant – une fois derrière lui, Gilliam doit encore subir les derniers outrages lors du montage et de la distribution. Obligé contractuellement de ne pas dépasser les 120 minutes de métrage, le cinéaste doit se séparer de cinq minutes, n’importe lesquelles, quitte à mutiler son film. Enfin, le studio saborde la sortie sur grand écran en limitant drastiquement le nombre de salles à 117 au lieu du double, voire du triple, généralement alloué à un blockbuster de cette ampleur. Et si la critique salue une œuvre flamboyante, Terry Gilliam ressort de cette aventure avec une réputation de cinéaste incontrôlable, ne sachant pas respecter un budget et sur lequel on ne peut pas compter.
La vérité est un vilain défaut
Dans Brazil, la thématique de l’imaginaire s’exprimait par le biais des rêves du pauvre Sam Lowry, employé de bureau timide progressivement broyé par une bureaucratie renvoyant aux pires cauchemars de George Orwell et Franz Kafka. Rêver, c’est s’évader, transcender les angoisses et les malheurs du quotidien et, au bout du compte, et trouver un dernier refuge face à la mort. L’imaginaire n’y est donc qu’une maigre consolation dans un monde gris et absurde. Volontier plus optimiste, Les aventures du Baron de Münchausen brandit l’imaginaire comme une épée et dresse un parallèle habile avec le mensonge et la foi. Ainsi, le Baron jure à quiconque accepte de l’entendre qu’il ne dit « que la vérité » mais ne faiblit que lorsqu’il perd foi en ses propres élucubrations. Croire est donc à la fois un acte de resistance, une profession de foi et peut-être même un passeport vers la légende, la postérité, une seconde jeunesse et, qui sait, l’immortalité. Et en constituant un duo inhabituel avec une petite fille et un vieillard, Terry Gilliam souligne l’importance de la transmission et de l’imagination d’une génération à la suivante. On ne saurait imaginer plus beau cadeau d’un père à sa fille. Et on ne peut douter que la pugnacité dont Gilliam dut faire preuve pour réaliser son film envers et contre tous a bel et bien fini par déteindre sur la tonalité générale de l’œuvre, joyeuse, poétique et paillarde mais aussi extrêmement virulente vis-à-vis d’un système où la normalité, la raison et l’ordinaire sont des synonymes de la médiocrité et de la trahison de l’esprit humain. Que Jonathan Pryce, interprète de Sam Lowry dans Brazil ait été ici choisi pour interpréter en un seul personnage tout ce que Gilliam déteste et méprise permet au cinéaste de formaliser une continuité thématique entre les deux long-métrages, d’en rajouter une couche et de transformer Les aventures du Baron de Münchausen en manifeste cinglant, précieux et ironique.
Formellement sublime (chaque plan est un tableau de maître en mouvement), totalement intemporel du fait du mélange des techniques d’effets spéciaux, des plus rudimentaires aux plus modernes, traversé de morceaux de bravoure insensés, magnifiés par le score enivrant de Michael Kamen, Les aventures du Baron de Münchausen concentre en 120 minutes d’une richesse étourdissante toute la folie et la singularité du cinéma de Terry Gilliam. Si le bonhomme a bien réussi à nous faire pleurer de joie et de désespoir avec Fisher King et L’armée des 12 singes, osons l’affirmer : il n’a pourtant pas fait mieux depuis.
Image
Peu de changements réels entre la copie du bluray de 2008, déjà très correcte en dépit d’un grain très important, et le présent master, un peu plus lumineux et aux contrastes très légèrement retravaillés, notamment lors des plans larges dans la forge du dieu Vulcain. On y gagne donc forcément et le nouvel achat s’impose mais on peut regretter un peu que cette ultime restauration ne soit pas aussi spectaculaire qu’elle devrait l’être. Ou, du moins, que le Baron l’aurait souhaité. Car le Baron n’est jamais satisfait !
Son
Deux pistes en 5.1 à la puissance équivalente même si la version originale est un tantinet plus équilibré avec des explosions souvent impressionnantes et une spatialisation ensorcelante de la musique de feu Michael Kamen, chaque instrument de son orchestre gagnant en précision lorsqu’il le faut.
Interactivité
: Le commentaire audio indispensable de Terry Gilliam et Charles McKeown, le making-of rétrospectif sans la moindre langue de bois sur la production catastrophe du film, les cinq minutes de scènes coupées à contrecœur et les storyboards commentés ont tous fait le voyage depuis l’édition spéciale de 2008 et cela suffirait amplement pour conclure à une interactivité parfaite et exhaustive. ESC a néanmoins tenu à peaufiner le tout en ajoutant une passionnante analyse du journaliste Rafik Djoumi de plus de trente minutes qui offre un peu de recul sur l’œuvre et soignant le packaging avec un mediabook tout à fait élégant agrémenté d’un livret de 32 pages rédigé par vous-savez-qui. Un bel objet à ranger à côté d’un autre mediabook, celui de Fisher King édité l’an dernier par Wild Side Video.
Liste des bonus
Commentaire audio de Terry Gilliam et Charles McKeown (VOST) / « Les Secrets du Baron Münchausen » : entretien Rafik Djoumi, journaliste (inédit 2022, 31 minutes) / « Folies et mésaventures de Münchausen » : making of en 3 parties (2008, 72 minutes, VOST), 5 storyboards du film avec introduction et conclusion de Terry Gilliam et Charles McKeown (2008, 30 minutes, VOST) / 4 scènes coupées, alternatives ou étendues (3 minutes, VOST) / Bande-annonce originale.