LES AUTRES
The Others – États-Unis, Espagne, France – 2001
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Alejandro Amenábar
Acteurs : Nicole Kidman, Fionnula Flanagan, Christopher Eccleston, Alakina Mann, James Bentley, Eric Sykes, Elaine Cassidy…
Musique : Alejandro Amenábar
Image : 1.85 16/9
Son : Dolby Atmos Anglais, DTS HD Master Audio 5.1 Anglais, français et allemand
Sous-titres : Français, allemand.
Durée : 104 minutes
Éditeur : StudioCanal
Date de sortie : 8 novembre 2023
LE PITCH
Ile de Jersey, 1945. Dans une immense demeure victorienne isolée, Grace élève seule ses deux enfants. Atteints d’un mal étrange, ces derniers ne peuvent être exposés à la lumière du jour. Lorsque trois nouveaux domestiques viennent habiter avec eux, ils doivent se plier à une règle vitale : la maison doit être constamment plongée dans l’obscurité et aucune porte ne doit être ouverte avant que le précédente n’ait été fermée. Pourtant, l’ordre rigoureux instauré par Grace va être défié par des intrus…
« C’est notre maison, C’est notre maison… »
Après les déjà particulièrement marquants Tesis et Ouvre les yeux, le réalisateur espagnol Alejandro Amenábar entrait définitivement dans la cour des grands avec son troisième long métrage : Les Autres. Une coproduction en partie hollywoodienne (Tom Cruise n’est pas loin) portée par l’immense talent d’une Nicole Kidman encore reconnaissable, mais où le cinéaste va chercher ce qu’il y a de mieux à prendre dans le modèle américain : le glamour et l’efficacité hitchcockienne.
Un temps imaginé comme un petit exercice horrifique, un film purement espagnol sur fond de franquisme, Les Autres s’est peu à peu mué en réinterprétation moderne des codes du film d’épouvante anglo-saxon. Impressionné par Ouvre les yeux, dont il produira et interprétera le remake, Vanilla Sky, quelques mois plus tard, Tom Cruise pousse clairement la production à un plus grande universalité, une échelle internationale et impose au passage sa compagne de l’époque Nicole Kidman. De deux films ibériques indépendants, Amenabar passe à une machinerie bien plus lourde et complexe (il va devoir se faire au tournage en anglais), mais là où d’autres se sont déjà perdus, lui réussit à maintenir fermement le cap. On reconnait parfaitement sa maitrise du récit, une certaine noirceur, pour ne pas dire cruauté, une imagerie qui tend à effacer les effets, mais avec les plus d’une reconstitution historique élégante et minutieuse (costumes et décors sont splendides), d’effets spéciaux numériques (là aussi très discrets) derniers cris, mais aussi d’une star américaine apportant une certaine stature à l’ensemble.
Cinéma funéraire
Et si le film fonctionne aussi bien, c’est d’abord et avant tout grâce à un scénario absolument brillant, s’emparant de son cadre resserré, de ses impératifs dramatiques (en particulier la maladie des bambins qui leur interdit la lumière…) et avançant progressivement et minutieusement ses meilleurs atours, ses effets de surprises et, presque tout le monde le connait aujourd’hui, son incroyable twist. Une écriture tellement assurée qu’elle peut se permettre de longues phases d’un silence oppressant, de jouer sur les regards, les secrets, les non-dits, les lentes montées en tension et une sombre atmosphère à l’angoisse diffuse. Quelque chose assurément des grands thrillers hitchcockiens dans cette omniprésence de troubles psychologiques, d’une vérité qui ne cesse de nous échapper, mais aussi d’une belle école d’un cinéma d’horreur à l’ancienne avec en ligne de mire principale le chef d’œuvre Les Innocents de Jack Clayton. Comme dans ces superbes adaptations du roman Le Tour d’écrou de Henri James, cette confrontation flottante et incertaines entre l’enfance et des fantômes (et donc la mort), vient surtout travailler un mal être profond, une douleur terrible et une évocation déchirante de l’amour d’une mère. La caméra économe mais pointue d’Amenabar ne rate alors rien des remous intimes, des questionnements et des hésitations qui ne cessent de tirailler Grace, femme rigide par ses principes et son attachement à la religion mais ici durablement fragilisée par les évènements, qu’incarne avec force et passion une Nicole Kidman d’une rare justesse.
Malgré sa brume omniprésente, sa photographie toute en ombre et ses cadres faussement rigides, Les Autres n’est certainement pas un film froid et distille une peur d’autant plus efficace qu’elle s’accompagne d’une souffrance abyssale qui dépasse justement aisément sa révélation finale. A ce titre, la séquence la plus frappante de Les Autres serait peut-être celle de ces courtes retrouvailles avec l’inespéré époux parti à la guerre (Christopher Eccleston pas encore Docteur), qui semble encore et toujours ailleurs, là-bas (« parfois je saigne »), simple écho d’un bien-être définitivement perdu avant même que le film ne débute. Au-delà même de son incroyable réussite en tant que film d’horreur, Les Autres est habité par une poésie macabre absolument admirable.
Image
StudioCanal et Criterion partagent le même tout nouveau master 4K produit par Mercury Films à Madrid sous la supervision d’Alejandro Amenabar. Une restauration effectuée à partir des négatifs 35 mm mais sans aucun ajout d’effets Dolby Vision ou HDR. Le rendu final n’en est peut-être que plus impressionnant encore, et certainement plus délicat et nuancé, assurant des cadres sans aucun restes de la moindre imperfection, mais aussi une restitution d’une finesse inégalée. Ce transfert 4K native permet de déployer comme jamais la profondeur et la générosité des noirs, de creuser plus solidement la profondeur de l’image et de faire apparaitre des finesses inespérées dans les légères variations de teintes. Presque une redécouverte qui s’accompagne au passage d’argentiques et d’un grain de pellicule organique particulièrement élégants.
Son
Là aussi, la toute nouvelle piste sonore Dolby Atmos a été conçue à partir des bandes magnétiques sources et permet de la même manière de retrouver les sensations premières du film avec simplement une amplitude et un relief accrus, plus généreux et naturels encore. La piste sonore originale est idéale, chargée autant en émotions fortes qu’en émotions tout court. A côté le DTS HD Master Audio 5.1 disposé pour la version française se montre un peu plus rigide et étriqué, mais n’en reste pas moins assez efficace et soigné.
Interactivité
Proposé plutôt sobrement dans un boitier scanavo double, Les Autres reprend les anciens bonus disponibles sur les vieux DVD et Bluray avec le sympathique making of un peu promo, une démonstration des petites retouches numériques, un retour sur la véritable maladie des enfants dans le film et des images du réalisateur sur le plateau.
A cela, l’édition propose un tout nouveau documentaire rétrospectif laissant la parole à Nicole Kidman, Christopher Eccleston, Amenabar et son producteur, question de revenir plus de vingt ans après sur l’expérience du film. Des premières lignes écrites sans grandes ambitions jusqu’à une production internationale sous l’égide de Tom Cruise, l’impact colossal du métrage à sa sortie, les craintes liées à la découverte du Sixième sens de Shyamalan, les références classiques, l’atmosphère du tournage et la collaboration entre les acteurs, tout ou y presque y est évoqué avec beaucoup de franchise et de tendresse pour un projet qui les a semble-t-il tous marqués. Petit complément supplémentaire, dans le prolongement de celui-ci, « La Musique des autres » passe très brièvement sur la conception de la musique de film par Amenabar. Le commentaire audio et une interview inédite de l’édition Criterion manquent un peu, mais le programme reste assez conséquent en l’état.
Liste des bonus
« Retour sur Les Autres » : entretiens avec Nicole Kidman, Alejandro Amenábar et l’équipe du film (2022, 51’05”, VOST), « La Musique des Autres » (2022, 4’42”, VOST), « Un regard sur Les Autres » : making of (2001, 21’56”, VOST), L’envers des effets spéciaux (4’28”), « Lumière sur la maladie Xeroderma Pigmentosum » (2001, 8’56”, VOST), « Alejandro Amenábar au travail » (2001, 8’13”, VOST), Bande-annonce.