LES ARNAQUEURS
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The Grifters – Etats-Unis – 1990
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Stephen Frears
Acteurs : John Cusack, Anjelica Huston, Annette Bening, Michael Laskin, Henry Jones, Eddie Jones…
Musique : Elmer Bernstein
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 110 minutes
Editeur : ESC Editions
Date de sortie : 22 janvier 2025
LE PITCH
Parce que son mari Roy, escroc à la petite semaine, a refusé de monter des coups en équipe, Myra, qui croit voir en ce refus l’influence despotique de Lilly, la mère de Roy, décide de se venger de cette dernière en dénonçant son passé trouble à son employeur. Sa machination aura des conséquences aussi tragiques qu’inattendues…
The Last Scam
La première moitié des années 90 fut marquée par un grand retour au film noir. Entre hommages et réinventions, ces polars néo-noir réinvestissaient le mythe hollywoodien pour en creuser les ténèbres et l’immoralité. Un terreau fertile pour le britannique Stephen Frears, donnant corps à un trio d’escrocs aux relations particulièrement dangereuses.
Venu d’une nouvelle école anglaise plus portée sur les regards sociétaux et réalistes comme Mike Leigh et Ken Loach, Stephen Frears (My Beautiful Laundrette, Sammy et Rosie s’envoient en l’air…) a aussi rapidement marqué sa différence en démontrant a de multiples occasions (dont le polar The Hit) sa fascination pour le cinéma de genre américain. Si sa période américaine s’entame par le fascinant et jubilatoire (oui !) Les Liaisons dangereuses, sont but secret est surtout de venir se frotter aux genres locaux et en particulier le film noir. Conseillé par un Martin Scorsese trop occupé (il restera producteur sur le projet) le projet d’adaptation du roman culte Les Arnaqueurs de Jim Thompson tombe à point nommé. Un auteur déjà particulièrement présent sur grand écran puisque à l’origine de Série noire, Coup de torchon ou Guet-apens et lui-même scénariste sur L’ultime Razzia et Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick. Largement restructuré avec l’aide du romancier et scénariste Donald E. Westlake (Payback, Le Contrat, Le Couperet…) mais respecté à la lettre dans les dialogues (percutants), le bouquin impose dans le film cette fameuse atmosphère terriblement sombre et le cynique.
Troubles
Pourtant Frears choisit d’ouvrir son film sur une note foncièrement stylisée et presque cool présentant les trois personnages principaux dans leurs entourloupes respectives avant de les réunir dans un split screen final induisant l’idée d’un plan collaboratif à venir digne d’un film de casse. Il en sera d’ailleurs constamment question de ce « grand coup », qu’on hésitera à voir du côté d’un champ de course ou d’une gigantesque arnaque financière sur fond de crise économique (le film balance constamment entre les 50 et la modernité), mais il ne se réalisera jamais. Car si le film débute sur un ton presque badin, décontracté, célébrant avec élégance et dandysme les charmes de l’arnaque sous toutes ses formes, il en démontre graduellement les pièges, le pouvoir d’addiction et d’autodestruction. Les lumières se font de plus en plus sombres, les compositions du maitre Elmer Bernstein (Les Nerfs à vif, La Grande évasion, Le Temps de l’innocence…) pesantes et inquiétantes, tandis que les protagonistes révèlent leurs vrais visages, leurs névroses ou leurs terribles avidités. Des masques qui tombent dans un jeu de dupe particulièrement cruel et qui rappelle forcément le théâtre des apparences des Liaisons dangereuses, dans un milieu feignant tout autant l’élégance, l’impassibilité et la maitrise des sentiments, mais se laissant aller aux pires bassesses vénales et aux trahisons multiples.
L’arnaque n’est plus un jeu comme dans le film avec Newman et Redford, mais un système de survie dont personne ne peut sortir indemne. John Cusack le jeune loup qui se croit trop malin pour son bien, Annette Bening la séductrice faussement écervelée et Anjelica Huston la prédatrice fatale, donnent naissance à un triangle aussi charismatique que fielleux, sensuel et malsain (sur font d’inceste, tant qu’à faire), franchissant allègrement les barrières du non-dit du film noir d’antan. Noir, très noir et limite vicieux.
Image
Manifestement ESC Éditions a obtenu la diffusion en France de la dernière copiée restaurée proposée par Criterion aux USA. Une restauration effectuée à partir d’un nouveau scan 4K des négatifs 35mm sous la supervision du directeur photo Oliver Stapleton. L’assurance d’un travail de qualité immédiatement perceptible dans la propreté nouvelle des cadres (même si quelques tous petits défauts peuvent persister dans les scènes sombres), la finesse et la profondeur du piqué et la précision constante de la définition. Le film n’avait pas affiché une telle forme depuis des lustres. Seul bémol finalement, durant le procédé, il a été choisi de rehausser la « température » des teintes, autrefois plutôt éteintes. De quoi donner un peu plus de peps à l’image, mais les retouches peuvent parfois être assez visibles et surtout risquent de déconcerter certains puristes.
Son
Les deux pistes DTS HD Master Audio 5.1 ne font pas forcément de grandes étincelles du coté de la spatialisation préférant finalement rester plus proches du Dolby Stéréo initial. Les dialogues sont clairs, fermes et bien balancés, et les musiques tendues du grand Elmer Bernstein résonnent avec force, en particulier sur la vo bien entendu.
Interactivité
Pour son édition Bluray, ESC reprend, à raison, le très efficace petit making of produit en 2013 pour une sortie DVD et regroupe les interventions, parfois d’archives, du réalisateur, du scénariste et des trois acteurs principaux. Un peu trop court et rapide, mais bourré d’informations sur l’émergence du projet, les exigences du scénario et le choix des acteurs. Coté inédit, c’est l’historien du cinéma Nachiketas Wignesan qui nous livre une présentation passionnante du film en partant justement de l’œuvre générale de Jim Thompson (son style, ses archétypes…) pour démontrer la teneur particulièrement personnelle de ce roman en question, pour ensuite analyser l’adaptation très libre effectuée pour le film de Stephen Frears.
Liste des bonus
« D’après un roman de Jim Thompson » Entretien avec Nachiketas Wignesan (20’), Making of d’époque (16’), Bande annonce.