LES ANGES SAUVAGES
Wild Angels – États-Unis – 1966
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Roger Corman
Acteurs : Peter Fonda, Bruce Dern, Nancy Sinatra, Dianne Ladd, Buck Taylor, Norman Alden, …
Musique : Mike Curb
Durée : 86 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 15 juin 2023
LE PITCH
Heavenly Blues, chef d’un gang de motards, rassemble sa bande pour partir dans le désert à la recherche d’une une moto volée. Une altercation musclée avec la police laisse un membre du gang, Loser, mourant. Blues et son gang parviennent à le faire échapper de l’hôpital mais Loser meurt peu après …
En roue libre
Volontiers provocateur, anarchiste sur les bords et fasciné par la contre-culture et son attrait sur la jeunesse américaine, Roger Corman façonne avec Les Anges sauvages le portrait à double tranchant d’un gang de bikers dont l’attitude libertaire dissimule bien mal les pulsions violentes et autodestructrices. Une série B dont la noirceur et la misanthropie peuvent surprendre et qui pose (en partie, du moins) les bases du futur Easy Rider de Dennis Hopper.
Comme il aime à le rappeler à longueur d’interviews, Roger Corman n’a jamais réalisé de films superficiels et s’est toujours montré très attentif sur le fond, quel qu’il soit. Une affirmation parfois difficile à vérifier, notamment avec des œuvres telles que Attack of the Crab Monsters ou It Conquered The World mais qui prend tout son sens avec Les Anges sauvages, l’un de ses meilleurs films en tant que réalisateur.
Indépendamment du message qu’il tente de véhiculer, Les Anges sauvages est déjà un objet fascinant. Il y a bien sûr les anecdotes qui entourent la production du film et qui suffiraient à elles seules à justifier l’écriture d’un livre. Le refus de Jack Nicholson d’en écrire le script en raison de la pingrerie légendaire de Corman, la promotion en tête d’affiche de Peter Fonda dans le rôle principal en remplacement d’un George Chakiris qui demandait à ce qu’une doublure conduise la grosse moto d’Heavenly Blues à sa place, l’apport un peu flou de Peter Bogdanovich en tant que script doctor avant de s’ajouter à la figuration lors de la grande bagarre finale, l’inquiétude de Frank Sinatra pour sa fille Nancy dont il exige la protection jour et nuit au risque de faire interrompre le tournage purement et simplement, et surtout la participation tout à fait officielle des fameux Hell’s Angels, lesquels firent à Corman un procès pour diffamation en découvrant le produit fini, bien peu flatteur à leur encontre voire tout à fait caricaturale par certains aspects.
Les Anges sauvages, c’est aussi la démonstration (une de plus!) du talent hors pair de Corman, tout à fait capable de livrer une série B de luxe en dépit de maigres moyens. Maîtrise totale du format Scope, bande-son psyché-rock-hippie-surf mémorable de Mike Curb et succession rythmée de ballades à motos, de fiestas sexy et de bastons grâce au montage à la serpe de Monte Hellman. Difficile de faire mieux ou de rivaliser avec Corman sur le terrain de la générosité bis à forte valeur ajoutée.
Salopards de rebelles !
Cœur de cible de la carrière cinématographique de Roger Corman, la jeunesse américaine a toujours fait office de source d’inspiration inépuisable pour le cinéaste et producteur. Corman ne se contente pas de leur donner ce qu’ils réclament, ils les étudient, les dissèquent sous toutes les coutures avec un regard mi-amusé, mi-inquiet. Le constat qu’il dresse avec Les Anges sauvages de la contestation qui agite les 60’s est loin d’être optimiste et la bienveillance n’est pas forcément de mise. Il a beau soutenir par sa mise en scène le discours (devenu culte) du personnage de Peter Fonda face à un curé, la soif de liberté ô combien légitime de son anti-héros est aussitôt contredite par un déchaînement de violence et de bestialité qui ne jouent guère en sa faveur.
Dès l’ouverture, où un gamin fonce sur son tricycle pour échapper à l’autorité de sa mère avant de croiser la route du personnage de Peter Fonda, Corman souligne l’immaturité de ses bikers. Le décorum nazi très appuyé (ce qui, justement, fit s’étrangler de rage les vrais Hell’s Angels), la liberté sexuelle dérivant vers le viol et le racisme anti-mexicain du gang sont autant de signaux d’un mouvement faisant fausse route. Dans leur élan de révolte, les ouailles d’Heavenly Blues sont lancés dans une fuite en avant impardonnable qui annoncent déjà, en germe et avec trois ans d’avance, les horreurs perpétrées par Charles Manson et sa « famille », faux hippies et véritables psychopathes. Les dernières images du film actent l’abandon, la mort, le dégoût et la honte. Une rédemption suggérée mais qui arrivent bien trop tard.
Tout en payant son tribut à L’équipée sauvage de Lazslo Benedek avec Marlon Brando, à son insolence et à son imagerie cuir et grosses cylindrées, le script de Charles B. Griffith et de Peter Bogdanovich ouvre sans le vouloir la voie au raz-de-marée Easy Rider, à sa rébellion teinté de fatalisme, à ses errances à cent à l’heure sur le macadam, aux rêves d’émancipation en guise de nouvelle frontière à conquérir et à la violence d’une police et d’une Middle Class à la gâchette facile et qui vomit sa haine des chevelus et des marginaux. Mais là où Roger Corman s’emploie à faire exploser le chaos dans le sillage d’une meute soudée dans le chaos et l’excès, l’odyssée que Dennis Hopper s’apprête à mener s’effectuera cette fois-ci en petit comité. Après le bruit et la fureur du pape de la série B, il semblait sans doute sensé pour l’acteur et cinéaste débutant de laisser sa chance au rêve et à la poésie. La fin, dans les deux cas, reste la même, brutale et sans appel. Sale temps pour les révolutionnaires.
Image
Bilan contrasté pour un master dont la restauration accuse un peu son âge. Visiblement, il s’agit là de la même copie qui date du DVD américain de 2007 simplement remise au goût du jour. Le grain est important et les teintes virent le plus souvent au marron. Bon point pour la compression, solide, et pour la définition des scènes en intérieur, plus concluante que lors des virées des bikers dans le désert.
Son
La version originale propose une dynamique bien supérieure à un doublage français terne et plat mais le résultat manque de finesse avec un mono qui sature et fait un peu bouillie sonore par moments. Les longues plages musicales tirent leur épingle du jeu et la propreté est de mise avec un souffle vintage discrètement tenu à l’écart.
Interactivité
Le packaging reprend la très belle affiche d’époque et propose un livret de Marc Toullec classique mais bien fichu. Les choses se gâtent un peu sur la partie bonus vidéo avec une longue présentation d’Alain William Thoury (ou Jean-William Thoury), ancien membre du groupe Bijou, critique et auteur spécialisé dans le monde des bikers, qui concentre son discours sur les Hell’s Angels et leur histoire et qui reste un peu léger sur le film de Corman. On y glane toutefois des informations précieuses. Le problème vient de l’énième recyclage du documentaire « Le Monde de Corman : les exploits d’un rebelle à Hollywood », déjà présent sur le coffret Corman/Poe et l’édition récente de Mitraillette Kelly. Ceux qui ne l’ont pas encore vu seront sûrement aux anges mais les collectionneurs étaient en droit d’attendre un peu de nouveauté au lieu de se retaper encore une fois le même bonus, aussi intéressant soit t-il.
Liste des bonus
Livret de Marc Toullec, Présentation d’Alain William Thoury (27′), « Le Monde de Corman : les exploits d’un rebelle à Hollywood » (86′), Bande-annonce .